Chapitre 30

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Dimanche matin, le médecin m'a examinée. Il m'a annoncé que j'étais en bonne voie de guérison et que je pouvais bientôt rentrer chez moi.

A midi, quelqu'un toque à la porte. C'est Tarik, je me sens aussitôt mieux car je ne suis plus seule. Je ne supporte plus d'être seule et avoir une présence avec moi me rassure.

- Salam aleykoum, ça va ? dit-il.

- Aleykoum salam, ça va mieux oui, je peux bientôt sortir !

- Super ! J'ai amené quelque chose.

Je suis curieuse, il sourit et me donne le sachet. Il approche la table, une chaise, et je sens déjà ce que c'est. Je le sens fort !

- Un tacos ! Mais c'est trop, je ne sais pas si je peux manger ça, dis-je en souriant.

Il hausse les épaules.

- Essaye.

Il sourit. Il s'en est aussi acheté un. Je ne pense pas réussir à le finir. Nous commençons à manger, mais je n'ai pas trop faim. L'appétit n'est pas trop là depuis hier. Je me force un peu car je ne dois pas rester l'estomac vide. Pendant que nous dégustons nos tacos, nous discutons, je me confie à lui, sur Imad, nos derniers instants, et son changement d'attitude. Je suis triste de ne pas avoir pu être aussi heureuse avec lui.

- Et toi, dis-je, il y a du nouveau de ton côté ?

Il hoche la tête et termine son tacos avant de me répondre.

- J'ai arrêté la musique.

J'écarquille les yeux, surprise et fière de lui en même temps.

- Je travaille dans l'immobilier maintenant. Depuis trois mois.

- Waouh. Je suis... très contente pour toi.

Il sait ce que je pense de la musique, et que ce n'est pas top religieusement. Je suis si fière qu'il ait réussi à arrêter et à trouver un bon travail. Un poids énorme est tombé quand je l'ai appris, c'est comme si je retrouvais un peu mon souffle. Car je m'étais jurée de ne jamais me marier avec un homme qui fait de la musique. Imad en écoutait beaucoup, il voulait même faire du rap un moment, mais je lui ai dit que je ne pourrais jamais être avec un rappeur.

- Tu crois que tu arriveras à faire le deuil ? me demande-t-il.

- Je le dois bien. Allah l'a rappelé à Lui, je ne peux pas lui en vouloir.

Il hoche la tête, sourit tendrement, puis nous regardons un peu la télévision et restons silencieux. Une infirmière passe me faire des soins, et quand elle aperçoit Tarik elle le reconnait et lui parle. Je souris, mais je ressens un peu de jalousie et je m'en veux immédiatement. Comment puis-je ressentir ça alors qu'Imad est mort hier ? Je me sens horrible, mais je ne peux pas contrôler mon cœur.

Tarik refuse gentiment de faire une photo, il explique qu'il ne fait plus de rap. Et dès cet instant, nous savons que l'information va faire le tour d'internet, mais je crois qu'il l'a fait exprès. Personne ne le sait encore, il a gardé ça secret, mais maintenant ça se saura, et je vois que ça l'arrange.

Quand nous nous retrouvons seuls, il me regarde et sourit. Son sourire est tellement mignon, son regard est doux. Cet échange rempli de tendresse me donne l'impression de le connaitre depuis toujours.

- Tu te souviens quand tu t'es présenté à moi ? dit-il.

Je réfléchis et me souviens du jour où on s'est vu à Paris, j'étais avec Selen au restaurant, et j'étais sortie chercher quelque chose dans la voiture, puis je l'avais croisé. Je souris en y repensant et hoche la tête pour qu'il continue.

- Tu m'avais dit que tu ne faisais plus confiance aux hommes, et que si notre destin était lié tu préférais qu'on soit amis.

- Je me souviens, dis-je en hochant la tête et souriant timidement.

- Je sais que tu viens de perdre ton mari et ce n'est pas le moment de parler de ça, dit-il en baissant le regard. Mais je veux savoir, poursuit-il en me regardant. Est-ce que c'est toujours le cas ?

Je n'ai pas le droit de jouer avec lui, ou de lui donner de faux-espoirs. Je l'ai appelé et il a couru à ma rescousse. Nous avons dit que nous serions amis, mais nous savons tous les deux qu'il y a eu de l'ambiguïté à chaque fois qu'on s'est vus.

J'en viens à me demander si cet accident est signe, le signe que je demandais à Allah. Est-ce que finalement Imad n'était pas fait pour être mon mari pour la vie ? Est-ce que Tarik aurait dû rester dans ma vie ? Est-ce que c'est lui que j'aurais dû choisir ? Toutes ces questions me mettent les larmes aux yeux et Tarik le remarque.

- Désolé, je voulais pas te mettre mal à l'aise...

Je secoue la tête pour lui dire de ne pas s'inquiéter.

- C'est pas toi. J'essaye de comprendre ce qui m'arrive, c'est pas facile. En fait, j'ai peur de me dire que je me suis trompée.

- Tout le monde se trompe, Rita. Tu peux pas toujours faire les bons choix, moi-même, j'ai fait de mauvais choix, et je les ai fais parce qu'à ce moment je pensais que c'étaient les bons.

Je le regarde et ses mots me pénètrent directement en plein cœur. Il a totalement raison. Je ne pourrais jamais toujours faire les bons choix. Allah m'envoie des signes que je ne peux pas toujours voir et sentir, et c'est ce qui me frustre. Mais je suis testée, et je sais que maintenant je réfléchirais encore plus avant de prendre une décision.

Je réfléchirais avec ma tête, un peu mon cœur, mais surtout j'écouterai l'avis de mes parents, parce que je sais qu'ils veulent mon bien. Ils me connaissent mieux que n'importe qui et ils savent ce qui est mieux pour moi, ils savent ce qui peut me correspondre. Ils connaissent mon caractère, mes ambitions, et ils sont les mieux placés pour m'aider à choisir celui qui me complétera.

Voyant ma tristesse, Tarik qui est assis sur la chaise, se lève et s'approche de moi. Il ose poser sa main sur mon épaule, la caresse, puis passe son bras entier autour de moi. Je me retrouve presque collée à son torse, je repose ma tête sur son buste pendant qu'il me console, et je laisse parler mon émotion. Je m'ouvre à lui et je sais qu'il ne me jugera pas, je sais que je peux lui faire confiance.

- Je serai là pour t'aider, quoi qu'il arrive, me souffle-t-il.

Je ferme les yeux, rassurée qu'il me dise cela. Il est autant en confiance avec moi que je le suis avec lui. Nous sommes complices, nous nous comprenons, je sens sa force, j'entends son cœur qui bat dans mon oreille.

- Même si on est pauvre ? dis-je en restant contre lui.

- Même si on est pauvre. Et dans le halal.

Je lève les yeux vers lui. Il sourit et je le lui rends naturellement. Par respect pour la mémoire d'Imad, je n'ai rien fait avec Tarik, et il l'a parfaitement compris. Parce qu'il sait que rien ne presse, et que nous avons assez de temps pour nous connaitre mieux encore. Mais là, j'ai besoin de faire mon deuil tranquillement.

Pauvre dans le halal (Inspiré de faits réels)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant