Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
Mon corps ne sait rien des addictions. Il ne connaît que des besoins et des envies, du plaisir et de la douleur. Le besoin se signale par une sensation physique localisée. L'envie se présente comme une idée. "J'ai faim" exprime une sensation de vide ou de nœud dans l'abdomen. "J'ai envie de manger du chocolat" exprime l'idée du chocolat et la réminiscence des sensations associées à son absorption. La sensation de faim n'a pas d'objet particulier. Il est faux de dire "J'ai faim de chocolat." On a faim de nourriture; on a envie d'une certaine nourriture.
L'addiction peut certainement se définir comme un fait physiologique observable et mesurable. On pourrait aussi la définir comme une envie qui se métamorphose en besoin et métamorphose le corps afin d'y loger ce nouveau besoin. Mais pour l'addict, l'interprétation d'un certain nombre de sensations, peines et symptômes comme addiction, est une opération intellectuelle, pas la reconnaissance intuitive de ce qui se passe en lui. Mon corps ne me dit pas que je suis victime d'une addiction. C'est ma raison et l'opinion publique qui me le disent. Et je peux ne pas les croire.
Il n'y a jamais d'addiction sans rituel ni accessoires (le mot anglais paraphernalia signifiant "attirail" ou "équipement" va particulièrement bien avec le thème de l'addiction, autre anglicisme). L'addiction fonctionne comme un théâtre sacré, où j'offre des substances sacrées en sacrifice à moi-même. Je peux y sacrifier du même coup ma santé, ma famille, mes amours, ma fortune, voire ma vie. Je consomme ce par quoi je suis consommée. C'est un geste malheureux sans doute, mais qui ne manque pas de sens dans une société dite de consommation.