Partie 28 : Combat avec la mort

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- Je veux récupérer les souvenirs que tu lui as pris il y a maintenant douze ans.

La mort est resté quelques minutes à me regarder, puis une sorte de brume est sortie de toute sa main. Une brume argentée, rapidement devenue une sphère de liquide compact. Elle flottait au dessus de sa main.

Doucement, je me suis approchée. J'ai regardé cette sphère, bien plus grosse que celle que m'avait laissé mon père. Je vois bien qu'elle représente le liens entre Nahei et moi, je sens que ces souvenirs sont les siens. Alors je tend les mains vers cette bulle argentée, mais au moment où j'allais la toucher ...

J'entends la terre craquer ! À l'instant même, je me retourne. Juste à temps pour voir Suzanne disparaitre sous le sol. Celui-ci à cédé sous ces pieds. Une faille s'est ouverte et elle est tombée dans le trou. Elle n'a pas eu le temps de crier.

Sans attendre ne serai ce qu'une milliseconde, je me suis jetée à sa suite. La chute est longue et le trou s'agrandit jusqu'à atteindre quatre mètres de diamètre. J'aperçois Suzanne, et au loin, une lumière rouge ardente. Il ne me faut pas longtemps pour comprendre, si nous ne réagissons pas, nous sommes perdues.

Suzanne est comme inconsciente, elle regarde fixement le fond et ne bouge pas . Je parviens tout de même à la rattraper dans notre chute. Par derrière, j'enroule mes bras autour d'elle de manière à ne pas la lâcher. Pardonne moi Suzanne ! Pardonne moi. Nous avons franchi la porte des enfers, et si nous y sommes tombées, c'est de ma faute. Nous ne nous laisserons pas faire.

La chaleur se rapproche. J'ai besoin d'ailes. C'est alors que dans mon dos, d' immenses ailes blanches se déploient. De grandes ailes, capable de me porter, moi et Suzanne. Des ailes semblables à celles des anges qu'on trouve dans les livres d'images. Dès qu'elles sont déployées, la vitesse de notre chute diminue d'un coup et devient presque nulle.

J' ajuste nos capuches qui se sont enlevées quand nous tombions.

Rien qu'en baissant les yeux je vois déjà les flammes de l'enfer. Si il y a un moment pour réagir, c'est maintenant ! Malgré mes ailes déployées qui ralentissent la chute et l'air chaud qui monte et devrait me guider, nous continuons de tomber. Les yeux rivés vers la sortie, je commence à battre des ailes. Je remonte, d'une vitesse progressive.

Je commence à fatiguer, mais je prend de la vitesse et la sortie se rapproche à vie d'oeil. Suzanne ne bouge toujours pas. Si je suis épuisée, je commence tout de même à prendre le rythme.

À partir de ce moment, il m'a fallu moins de dix minutes pour revoir la lumière du soleil. Enfin, nous sommes sorties, je suis épuisée.

Doucement, toujours en tenant Suzanne, je pose les pieds au sol. Celui-ci s'effondre mais je parviens à me rattraper. Ainsi, à chaque fois que je tentais de prendre appuis sur la terre ferme ou de déposer Suzanne par terre, le sol se dérobait.

La mort était toujours là, elle n'avait pas bougé et tenais toujours les souvenirs dans sa main. Elle nous narguait. Dans un grand bruit, le reste du sol s'est effondré, et c'est là que j'ai réalisé que l'homme assommé n'était plus là. Le sol tombait et la chaleur du brasier remontait, insupportable .

- Comment ça se fait que tu puisses essayer de prendre nos vies ?

La mort ne parle pas, ni a voix haute, ni dans ma tête. Pourtant, à chaque fois que je l'interroge, la réponse devient une certitude, qui pourtant ne se dévoilait pas sous forme de mots. Mais je comprenais.
Ainsi, j'ai su, j'ai su que si elle pouvait le faire, c'est parce qu'en quelque sorte, je lui en ai donné l'autorisation. Prendre les souvenirs de Nahei, c'était comme conclure un pacte avec elle. Or, la seule chose que la mort prend en échange, c'est une vie. Elle n'essaie pas de me tuer, mais de récupérer une seule vie, celle la de Suzanne. La pauvre est terrifiée et ne sais pas ce qu'il se passe. La vie de Suzanne contre les souvenirs de Nahei ?

Je ai besoin de réfléchir, et après un moment de silence, j'ai décidé ce que j'allais faire.

-Ce que tu veux, c'est une vie, c'est bien ça ?

J'ai su que c'était ça. Alors j'ai dit tout bas :

-Suzanne, tiens toi à moi.

Elle est maintenant tournée vers moi, et se cramponne à mon cou. Son visage est dans l'ombre, pourtant, je sais que l'instinct de survie fait maintenant d'elle une personne sans peur, ni tristesse. Elle n'a plus les émotions susceptible de lui faire perdre la vie. C'est comme un état second.

Maintenant je regarde la mort, en deux battement d'ailes, je me rapproche et tend la main. La bulle en suspension dans la sienne viens dans la mienne. Maintenant, je lâche complètement Suzanne pour plonger ma main dans ma poche. Je sais qu'elle ne lâchera mon cou pour rien au monde.

Ce que je sort de ma poche, je le laisse tomber dans la main toujours tendue de la mort.

Quand on est face à un terrible choix il y a toujours une troisième solution.

La mort regarde ce qui est dans sa main. Elle ne comprends pas. Alors je lui explique :

- Tu voulais une vie, en voilà une. Il est en vie : il bois l'eau, peut s'étendre, grandir et évoluer. Tu voulais une vie, je t'en donne une, n'oublie pas que tu n'as jamais précisé que tu voulais une vie humaine.

C'était vrai : si nous avons ramassé ce trèfle c'était aussi pour le planter : parce qu'il était vivant.

À ce moment, la bréche s'est refermée, le sol est devenu comme avant, avec son herbe et sa terre. La mort s'est effacée peu à peu, mais pas sans haine, je le sais. Alors je me suis effondrée sur un sol ferme, Suzanne ne me tenait plus et mon dos est doucement redevenu ce qu'il était : mes ailes ont disparus.

J'ai ouvert les yeux. Le trèfle à quatre feuilles,où ce qu'il en reste était devant moi, calciné.

Et j'ai enfin pu contempler l'objet de mes désirs, cette sphère en lévitation au dessus de ma main.

Gardienne de la MémoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant