Miracle portuaire

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Hey hey 👀
ici Tsuuki qui fait une apparition tardive sur ce calendrier :3 j'espère que le texte du jour vous plaira !

.::.

Le froid polaire caractéristique du mois de décembre mordait les doigts fermement serrés autour de la crosse du révolver d’Ichiyô. Elle était sur ses gardes, prête à mettre en joue la moindre silhouette suspecte qui traverserait son champ de vision, voire à tirer si elle se trouvait en danger. Tout était calme cependant, aussi s’autorisa-t-elle à relâcher légèrement la pression qu'elle exerçait sur son arme… ce qui l'entraîna par la même occasion plusieurs mètres en arrière, projetée par une force surnaturelle.

« Tu me gênes. » lâcha son supérieur, Akutagawa, du bout des lèvres, sur son habituel ton aussi glacé que la température et avec son regard gris empli de mépris. La jeune femme blonde se releva tant bien que mal sous les ricanements méprisants des Lézards Noirs, et répondit avec humilité :
« Veuillez m'excuser. »

L'autre ne daigna même pas répondre, et se contenta de reprendre son chemin, bien vite suivi par le reste de ses hommes, dont certains ne cachaient même pas leurs œillades moqueuses en direction de leur seconde supérieure. Celle-ci, déterminée à ne pas leur faire l'honneur de ciller sous leurs remarques, conserva un masque impassible.

Parfois, elle se disait qu'obtenir la reconnaissance des Lézards Noirs tenait plus de l'utopique que du réel. Même lorsqu’elle avait l'impression de faire ses preuves, elle se heurtait systématiquement à leur mépris, ou simplement leur indifférence.

Pour autant, elle n'abandonnait pas. Elle faisait partie de la mafia portuaire, et même si elle était juste « une femme », elle n'allait pas se laisser écraser par les autres. La seule personne dont elle désirait obtenir un peu de reconnaissance, c'était son supérieur. À part le « Merci » qu'il lui avait lâché le jour où elle l'avait secouru, il ne lui avait jamais rien adressé d'autre que des injonctions cruelles, auxquelles elle répondait toujours de la même façon, en s'excusant et en s'exécutant.

Être simplement à ses côtés suffisait à la remplir de bonheur, elle admirait énormément cet homme qui semblait invincible, mais elle se surprenait parfois à espérer obtenir un autre de ces « Merci » qui semblaient si rares.

Mais peut-être ferait-elle mieux d’espérer que le Père Noël existe. À ses yeux, l'existence de cet homme à la barbe blanche et au costume rouge et blanc était presque plus vraisemblable que celle de la gentillesse émanant de ses collègues. La gentillesse et la mafia étaient de toute manière deux mots qui n'allaient pas bien ensemble.

Lorsqu'elle rattrapa les hommes des Lézards Noirs qui avaient pris les devants, l'entrepôt vers lequel ils se dirigeaient pour accomplir leur mission était déjà devenu un vrai champ de bataille. Les voleurs, pris en flagrant délit de vol de marchandises de la mafia portuaire, n'avaient visiblement pas l'intention de se laisser assassiner sans rien dire et se défendaient avec une énergie qui devait être celle du désespoir. Et, malgré leur sérieuse infériorité numérique, ils se débrouillaient plutôt bien, face aux simples hommes de main des Lézards Noirs évidemment. Akutagawa, lui, n'avait aucune difficulté à réduire en bouillie ceux qui avaient l'audace de s'approcher de lui ou de lui tirer dessus.

L'œil avisé de tireuse d'Ichiyô balaya l'entrepôt, et son doigt pressa presque instinctivement la détente à plusieurs reprises, éliminant d'une balle bien placée tous ceux qui menaçaient ses collègues en tentant de leur tirer dessus par derrière. C'était bien le désespoir qui devait les animer pour qu'ils aient recours à des tactiques aussi lâches.

Finalement, au bout de quelques minutes qui parurent durer beaucoup plus longtemps que ça aux yeux des mafieux, le silence revint se déposer sur le bâtiment, et seuls les toussotements des blessés – et d'Akutagawa – le brisaient de temps en temps. La mafieuse blonde soupira devant le spectacle des cadavres et du sang qui recouvraient le sol et les conteneurs.

Quelle merveilleuse façon de célébrer le réveillon de Noël non ?

-☆-

Lorsqu'Higuchi revint enfin chez elle, dans le petit appartement qu'elle louait à proximité du territoire de la mafia, les aiguilles de l’horloge accrochée dans son entrée n'étaient pas loin de minuit, ce qui signifiait que, selon la tradition, Noël n'était plus très loin.

Plus jeune, elle adorait célébrer Noël avec toute sa famille, mais depuis plusieurs années, elle avait quasiment cessé cette célébration, et avec son travail de mafieuse, ce n'était pas comme si elle pouvait se permettre les mêmes festivités que tous les habitants de Yokohama ce soir-là. Pour elle, les cadeaux et les bons repas, c'était du passé.

Pourtant, quand elle rentra dans son petit salon minimaliste, elle eut la surprise de trouver sur sa table basse deux cartons soigneusement emballés et ornés de rubans colorés. Son premier réflexe fut de se mettre en position défensive : est-ce que c'étaient des explosifs destinés à l’assassiner ? Aucun bruit n'émanait cependant des paquets, aussi finit-elle par s'en approcher, et par les secouer doucement.

Ils ressemblaient à de traditionnels cadeaux de Noël, mais la jeune femme restait méfiante. Comment étaient-ils arrivés ici ? Personne d'autre qu'elle n'avait les clés de son appartement, donc celui ou celle qui les avait amenés était entré par effraction.

Malgré toute la méfiance qu'elle éprouvait vis-à-vis de ces cadeaux, une certaine curiosité s'emparait de plus en plus d'elle, une curiosité qui lui rappelait toutes ces soirées passées à contempler les cadeaux au pied du sapin, et à essayer de deviner lesquels étaient pour elle et ce qu'il y avait à l'intérieur. C'est ce qui la décida à déchirer doucement le papier cadeau, pour découvrir ce qu'il y avait dedans.

Le premier paquet contenait suffisamment de munitions pour qu'elle assassine toute la ville de Yokohama sans se retrouver à cours de balles. Une enveloppe avait été glissée parmi les recharges ; elle contenait une simple carte recouverte de signatures, au milieu desquelles un petit mot était visible : Pour notre supérieure toujours là pour couvrir nos arrières.

Ichiyô cligna des yeux plusieurs fois et en resta bouche-bée. Alors ça, elle ne s'y attendait pas du tout. Un cadeau des Lézards Noirs ? Un cadeau de ses subordonnés qui passaient leur temps à la mépriser ou l'ignorer ? Elle ne parvenait pas à y croire, et elle tourna plusieurs fois la tête pour vérifier qu’aucune caméra n'était en train d'immortaliser son choc.

Son regard se posa ensuite sur le deuxième cadeau. Si le précédent venait des Lézards Noirs, de qui venait celui-là ? Elle l'ouvrit avec précaution, et ouvrit de grands yeux stupéfaits en découvrant une paire de gants noirs – parfaitement à sa taille découvrit-elle en les essayant, et parfaits pour qu'elle puisse les porter au cours de ses missions en hiver.

Une autre carte avait été glissée dans le cadeau : le nom de Gin y était inscrit – Higuchi n'avait même pas remarqué qu'elle n'avait pas signé le cadeau des Lézards Noirs – et deux autres initiales avaient été ajoutées : R.A.

La mafieuse blonde crut que son cœur allait s'arrêter lorsqu'elle additionna deux et deux, et comprit à qui ces initiales se référaient. Puis, les larmes lui montèrent aux yeux, tant elle était émue par le geste de ses collègues.

Les miracles de Noël touchaient même la mafia portuaire semblait-il.

F.S.A's Christmas CalendarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant