Zara
-À ce soir maman. Repose-toi bien Eliakim.
Suite à son accident, mon frère avait ordre de rester au calme, mais je savais que c'était uniquement pour éviter les questions sur sa blessure à l'école. Dès notre départ, il allait sûrement rejoindre son ami Dan ou un de sa bande pour faire je ne sais quoi. Je ne préférais même pas le savoir d'ailleurs. À l'étage du dessous, j'ai croisé Jémina, ma meilleure amie. Depuis qu'on était petite, nous étions inséparables. Malgré notre environnement néfaste, elle était toujours gentille et n'avait trempé dans aucune affaire louche de sa vie. Son grand frère Kirian était mort, depuis un an déjà, au cours d'un règlement de compte ou lors d'un raid de la police. Personne ne connaissait vraiment la vérité. Nous savions juste qu'il avait été trouvé mort dans une rue. Ses parents étaient fous de chagrin ainsi que toute sa famille. Sa mère s'était mise à travailler encore plus dur et son père s'était noyé dans l'alcool. Ils avaient tous les deux une manière différente d'oublier, aucune n'était la bonne. Jémina, maintenant l'aînée, avait su rester forte pour son petit frère Miguel, âgé de six ans à peine. Elle le tenait par la main :
-Eh bien ! s'exclama-t-elle en souriant, tu emmènes toute ta marmaille !
-Il faut bien que ces petits s'instruisent.
-Eh ! Je ne suis pas petit d'accord ! Ne me compte pas avec ces deux minots-là ! répliqua Noé indigné.
Nous nous sommes souri dès qu'il a eu le dos tourné. Mon petit frère avait un sacré ego pour son âge.
Le matin, c'est assez calme dans la cité ainsi que le début d'après-midi en général. C'est la période où les gens du quartier sortent, vont au travail...Nous pouvons jouer dans la rue, mais toujours sur le qui-vive. La règle ici c'est de ne jamais baisser la garde. Après 17h30, les choses se gâtent, il vaut mieux rester chez soi, car même si l'alarme ne sonne pas, le danger guette.
Tranquillement, nous sommes sorties dans la rue en bavardant de tout et de rien. Nous avons laissé les petits à la maternelle, à deux pâtés d'immeubles de chez nous puis nous sommes allés prendre le BGV. Le lycée était à quinze minutes, au centre de la ville, à la croisée de nos deux mondes, entre la partie riche et la partie pauvre. Nous avons retrouvé un pote à nous, Arty. Il était avec Pablo, son petit frère de treize ans. Arty me demanda :
-Ton frérot n'est pas là ?
-Lequel ?
-À ton avis ? Je vois bien que Noé est là-bas avec ses amis et ce n'est pas Eden qui va aller à l'école secondaire ! Enfin pas tout de suite ! ajouta-t-il en riant. Alors qu'est devenu ce brave Eliakim ? Rien de grave j'espère ?
-Hum...il s'est blessé.
-Cela a un rapport avec le raid d'hier contre la police ? J'ai entendu dire que ça avait fait de la casse.
-Une balle l'a frôlé au bras. Pas assez pour le blesser vraiment. Il a quand même dû avoir quelques points donc fallait mieux qu'il reste à la maison, le temps que ça cicatrise un peu.
-Ouais, en plus monsieur Depiroux aurait pété un câble si ton frère avait débarqué avec un bras blessé et qu'il s'en était vanté.
-Mon frère n'est pas comme ça !
-Non, bien sûr! dit-il en souriant. Un peu quand même non ? Jémina !Dis-lui toi !
-Tu exagères Arty ! Tu es seulement jaloux ! répondit ma meilleure amie.
Il a haussé un sourcil et a commencé à bomber le torse :
-Jaloux ? Moi ? Tu ne m'as jamais vu m'enfiler un hamburger entier d'une bouchée ! Là y a de quoi se la raconter !
Il a commencé à imiter la scène, et nous nous sommes mis à rire, ignorant les autres passagers qui nous fusillaient du regard.
********************************
Emma
Ce matin, à l'arrêt du BGV où j'attendais avec Micah, mon frère jumeau, j'ai vu Ethan arriver droit sur nous. Il a pris mon frère par le bras et l'a attiré plus loin. Il avait la mine grave et il gesticulait dans tous les sens. Mon frère l'a toisé, surpris, puis un gros bus est passé et m'a caché le reste de la scène. Après quelques minutes, ils sont revenus vers moi. Ethan, songeur, m'a dit bonjour avant de s'éclipser dans le car qui venait de s'arrêter. J'ai alors demandé :
-Micah ? Vous vous êtes disputés ?
-Non, ce n'est pas ça...
Il m'a alors écarté légèrement des passagers qui entraient les uns derrière les autres dans le BGV :
-Il a trouvé un vieux livre et se fait des films, mais ne t'inquiète pas, ce n'est rien.
Puis il est entré dans le bus à son tour. Le suivant de peu, je vis que mon frère ne s'était pas assis à côté de son meilleur ami, mais à côté d'un gars de son club de football. Ethan était, quant à lui, assis tout seul et regardait vaguement par la fenêtre. Je me suis approchée :
-Je peux m'asseoir ?
Il me fit un faible sourire :
-Bien sûr. Tu sais que tu es toujours la bienvenue.
Lui et moi, on se connaissait depuis trop longtemps pour que je m'en souvienne. Mes parents et les siens travaillaient ensemble. Micah, lui et moi traînions souvent tous les trois. Pour moi, il était comme un membre de la famille. Aujourd'hui, je voyais bien qu'il avait l'air tourmenté par quelque chose. Je mourrais d'envie de savoir quoi :
-Ethan ?
-Oui ?
-Tu es sûr que ça va ?
-Pourquoi tu dis ça ?
-Tu...Tu as l'air...absent ?
Il a ri :
-Ne t'en fais pas pour moi, je suis bien là !
Je l'ai alors regardé dans les yeux :
-Je sais qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Dis-le-moi.
Il s'est alors agité sur son siège, mal à l'aise comme s'il avait une soudaine envie d'aller aux toilettes. Il a dit d'une voix mal assurée :
-C'est compliqué.
-Tu sais que tu peux tout me dire.
Il m'a alors chuchoté :
-Je ne peux pas t'en parler. Pas maintenant.
Il a alors balayé le bus du regard avant de replonger son regard dans le mien :
-Tu comprends ?
Ses yeux trahissaient l'inquiétude et cela me fit un peu peur. C'était quoi ce livre dont Micah avait parlé ? Que racontait-il de si terrible ? Enfin, on aurait plutôt dit que c'étaient les passagers qui effrayaient mon ami. Le livre avait simplement l'air de le préoccuper. Je répondis :
-Je comprends.
Il me sourit, pleinement cette fois et je le lui rendis. La fin du trajet se fit dans le silence. Pas l'un de ces silences pesants où l'on ne sait pas quoi dire, mais plutôt dans un calme complice et reposant. Je faisais confiance à Ethan, il était intelligent, quelque soit son problème, il arriverait à trouver une solution avec brio. Il avait toujours été posé et réfléchi. Je ne voyais pas pourquoi cela changerait maintenant.
VOUS LISEZ
12 - Le Chemin
RandomSeriez-vous prêt à abandonner vos préjugés pour découvrir votre véritable Ennemi ? L'écart entre les riches et les pauvres est devenu quasiment infranchissable. Dans cette société pourtant, les élites cherchent à garder une sorte d'apparente égalité...