Chapitre 15

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Zara


Mon frère avait lancé une bombe. Encore une fois. Il n'avait pu s'empêcher de cracher la vérité. Encore. Les autres ne savent pas ce qui se passe chez les déf'. Eliakim le savait, mais cela n'avait fait qu'accroître son envie de leur balancer la vérité. Sa propre haine est un ennemi beaucoup plus redoutable que l'injustice dont nous sommes victimes. Elle ne nous aide pas à arranger les choses, car elle nous détruit à l'intérieur avant même qu'un mieux ne se ressente. Ma mère a vu assez de gens mourir pour en avoir pleinement conscience. Elle sait que seule la vérité nous rendra libres, mais elle doit être apportée avec force et amour et non avec rage et violence. Les classes sociales se laissent berner par les médias qui les bercent d'illusions et les empêchent d'ouvrir les yeux sur la condition de vie des autres. Nous sommes les rebuts de la société. Les gens font tout leur possible pour ne rien avoir à faire avec nous. Les élèves de l'école ne font pas exception à la règle et notre méfiance agressive ne joue pas en notre faveur. Il faut nous comprendre : leurs parents ainsi que les professeurs les abreuvent de mensonges. Le vrai n'est ainsi plus différencié du faux. Les préjugés font lois dans notre société.

Alors que je pensais à tout cela, je passais devant le super marché, juste à côté du lycée. J'ai soudain eu une idée. Déambulant dans les rayons, j'ai enfin vu ce que je cherchais. Les boîtes de barres chocolatées de cet après-midi étaient là, rangées à la même place que d'habitude et pourtant, j'avais l'impression de les voir pour la première fois. Je n'avais jamais mangé quelque chose d'aussi bon. Je compris vite que la qualité était due au prix. C'était de la très bonne marque, très chère. Je rêvais pourtant d'en faire goûter à Kaya et Eden. J'étais sûre que ça leur plairait. Sans trop réfléchir, j'ai pris le paquet et l'ai glissé furtivement dans ma poche. Je jure que je n'avais jamais rien volé avant !

-Tu ne devrais pas faire ça.

La voix me fit sursauter et je faillis faire tomber une pile de boîtes. La peur au ventre, je me suis retourné pour me retrouver nez à nez avec Benjamin :

-Occupe-toi de ce qui te regarde ! Ce ne sont pas tes affaires !

-Je peux te les payer si tu veux ?

-Eh oh ! Je ne suis pas la SDF du coin ! Je n'ai pas besoin de ton aide !

Je lui ai tourné le dos avant de m'éloigner à grands pas. Pas assez vite pourtant, car il me rattrapa par le bras, m'obligeant à lui faire face : 

-Attends deux minutes !

-Qu'est-ce que tu as ? C'est quoi ton problème ? Tu m'espionnes, c'est ça ? dis-je, plus avec honte qu'avec colère.

-Je...je t'ai vu entrer dans le magasin. Et...c'est dur de parler à un Nimra tout seul et...bref. Je voulais te poser une question.

Quoi ? Il débloquait ! Je lui ai rappelé : 

-Tu sais que si mon frère ou l'un de ses potes nous voit, on aura de gros problèmes ?

Il m'a supplié du regard et j'ai fini par souffler bruyamment. Prenant cela pour une autorisation, il a demandé :  

- Pourquoi vous me détestez autant ?

Je l'ai regardai, interloquée. Sa question me prit de court. Loin de mon aplomb habituel, j'ai répondu timidement : 

-Nous...non, nous ne te détestons pas...

-Oui, c'est sûr ! ironisa-t-il. Ton frère me hait et, s'il en avait eu l'occasion, il m'aurait déjà tabassé à mort ! À part ça, tout va bien !

12 - Le CheminOù les histoires vivent. Découvrez maintenant