Chapitre 8

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Ariel 


-Tu peux me passer le sel David ?

Mon grand frère de seize ans me le lança dans un magnifique mouvement de poignet.

-Joli coup ! commenta Peter, l'aîné de notre fratrie, âgé maintenant de dix-sept ans et demi.

-Ariel a bien rattrapé aussi ! me défendit mon cousin de sa petite voix aiguë.

Sa sœur Caroline souffla avec lassitude et ma tante se mit à crier : 

-David ! Combien de fois t'ai-je dit de ne pas lancer la nourriture ? Tu ne montres pas le bon exemple !

En même temps, la table à manger était grande et pour cause ! Nous étions sept enfants à la maison plus mon oncle et ma tante. Mes parents étaient morts dans un accident de voiture et le frère de mon père nous avait « recueilli » mes deux frères et moi. J'avais huit ans. Il avait déjà trois enfants âgés actuellement de seize, onze ans et sept ans. Ma tante eut également par la suite un dernier bambin d'actuellement quatre ans. Tout ce monde-là dans une maison qui n'avait que cinq chambres. J'avoue que c'est quand même déjà pas mal, mais cela inclus donc que je partage ma chambre avec ma grande cousine de seize ans, Caroline. Enfin, c'est plutôt elle qui partage sa chambre avec moi. Cela ne m'aurait pas dérangé si j'avais dû dormir avec n'importe qui d'autre, mais le destin en avait décidé autrement. Nous n'avions rien au commun, mis à part que nous étions de la même famille. Elle était très féminine, alors que j'étais plutôt garçon manqué. En même temps, j'avais grandi entouré de Peter et David. En arrivant chez mon oncle, c'était trop tard. Je ne pouvais m'empêcher de m'amuser plus avec les gars qu'avec Caroline. Pendant que ma cousine passait des heures à choisir ses vêtements, je prenais les premières fringues qui me venaient sous la main. Ma tante avait bien essayé de me mettre des robes quand j'étais plus jeune. En vain ! Les collants, les volants, les rubans revenaient déchirés parce que j'avais grimpé dans un arbre ou troué parce que j'étais tombé lors d'un match de foot avec mes frères. Inutile d'ajouter que je me faisais toujours punir et que ma tante ne m'aimait guère. À présent, la tribu s'est agrandie et tout gérer lui prend du temps donc elle n'en a plus pour moi. Cela m'est égal, au moins, je suis tranquille. De toute façon, elle préfère mille fois s'occuper de ses filles. Elle a toujours préféré les filles. À la naissance de l'aînée, elle était très heureuse. Après l'arrivée de ses trois fils, de mes frères et mon incapacité de la satisfaire, elle avait besoin d'une autre fille comme de l'oxygène. J'étais sûre que tant qu'elle ne l'aurait pas eu, elle aurait continué d'avoir des enfants. La naissance inespérée de sa deuxième fille a été un soulagement immense et une grande satisfaction pour elle. Comme une sorte de revanche. Depuis lors, elle faisait tout ce qu'elle pouvait pour que sa petite dernière suive le chemin de Caroline plutôt que le mien.
Ma tante soupira et se tourna vers sa fillette adorée : 

-Saches bien ma chérie qu'il ne faut pas jouer avec la nourriture et encore moins la lancer ! finit-elle en fusillant David du regard. 

Puis elle ajouta à son intention :


-Pour la peine, c'est toi qui débarrasseras la table ce soir !

-Eh ! contesta David. C'est le tour de Caroline !

-Ariel t'aidera.

-Pourquoi moi ! Ce n'est pas juste ! m'indignais-je.

-Ouais, s'écria Peter, c'est vrai ! Pourquoi ce n'est pas Caroline qui l'aide ?
Mon frère avait toujours pris ma défense dans ce genre de conflit.

J'appréciais son geste, mais je savais déjà que c'était inutile. Ma tante s'énerva :

- Vous commencez vraiment à m'agacer ! Franck ! Dis quelque chose !

12 - Le CheminOù les histoires vivent. Découvrez maintenant