Eliakim
Quelques minutes après le départ d'Ariel, les flics ont débarqué. Comme je m'y attendais, ils étaient armés. Ils ont commencé à tirer en l'air, pour disperser la foule de curieux. Seuls les plus déterminés et les plus rebelles des pauvres restèrent. Je venais tout juste d'apprendre que ma sœur était partie, avec Jémina, trouver des toilettes. J'espère qu'elles y resteront suffisamment longtemps. À l'aide d'un porte-voix, les forces de l'ordre essayèrent de nous intimider :
- Les manifestations sont strictement interdites ! Veuillez-vous disperser dans les plus brefs délais et nous en resterons là !
Un silence de mort accueillit ces paroles et personne ne bougea. Ils insistèrent :
- Vous êtes en infraction ! Rentrez chez vous immédiatement ou vous vous exposez à de lourdes conséquences...
Toujours aucune réaction de notre part :
-C'est un ordre de la police ! Que chacun quitte ce rassemblement illégal...
-Marre de l'injustice ! A bas les privilèges ! scanda l'un de nous.
Sa remarque fut approuvée par des cris. Ce qui n'était qu'une opposition pacifique allait se transformer en véritable guerre des rues, ici, en plein centre-ville. Je savais que certains n'attendaient que ça. Les flics commencèrent à tirer avec des balles en plastique d'un millimètre de diamètre. Elles n'étaient pas mortelles, mais douloureuses. L'État ne pouvait pas se permettre d'utiliser des balles réelles devant la face du monde. Des hélicoptères de la télévision survolaient et filmaient toute la scène. Je vis que la plupart des pauvres avaient sorti une arme. Cela allait se transformer en fusillade. Heureusement, d'autres partaient en courant et entraînèrent le groupe qui, tout en prenant la fuite, tirait sur la police :
- Arrêtez ! criais-je, alors que plus personne ne m'écoutait depuis longtemps.
Une balle en plastique me heurta. Je me mis à courir. Les flics s'étaient lancés aux trousses des manifestants. Je traversais une rue, puis une autre. Je ne devais surtout pas aller au centre commercial, mais il fallait que je trouve un abri. J'entendais des coups de feu. Le jeu était fini, la menace des uns avait « contraint » la police à utiliser des balles de plomb. L'une d'elles effleura mon bras gauche et une douleur vive se mit à se propager dans tout mon corps, mais je n'avais pas le temps d'y penser. Je les entendais. Ils arrivaient. J'ai couru de plus belle. Le local de mon oncle. Il y avait de la lumière à l'intérieur. Je n'avais pas le temps de trouver la clé et de l'insérer dans la serrure. Il ne me restait plus qu'à croire que la lumière était due à la présence de quelqu'un. La porte s'ouvrit. Après avoir refermé à clé derrière moi, j'ai éteint la lampe faiblarde. Mon frère et Ariel étaient ici. Pourquoi ? Je n'avais pas le temps de leurs demander. Ils voulurent parler, mais d'un geste je leur intimai le silence. La police n'était pas loin. Elle ne devait pas nous entendre. Elle ne devait pas nous trouver, ni eux, ni moi. Surtout pas eux. Au bout de quelques minutes de silence, le danger avait eu l'air de s'écarter. Mon frère me regarda alors avec des yeux écarquillés. Ariel constata simplement, en essayant de paraître calme :
-Oh oh...je crois que tu as eu un souci en chemin...
-Hein ? De quoi parles-tu ? ai-je répondu, déboussolé.
-De ça.
Elle désigna mon bras.
-Oh non ! La poisse ! Mes fils se sont encore barrés !
-Tu... tu t'es pris une balle...articula-t-elle avec peine. Tu ne l'as pas sentie ?
-Ça va...ce n'est pas profond.
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12 - Le Chemin
AlteleSeriez-vous prêt à abandonner vos préjugés pour découvrir votre véritable Ennemi ? L'écart entre les riches et les pauvres est devenu quasiment infranchissable. Dans cette société pourtant, les élites cherchent à garder une sorte d'apparente égalité...