Ariel
Malgré les accusations portées contre moi, Peter, le plus âgé de mes deux frères, avait toujours été de mon côté. Il croyait dur comme fer à mon innocence. Samedi, mon oncle avait reçu une lettre du lycée. Cette missive expliquait que j'étais lié, d'une façon ou d'une autre, à un mouvement de rébellion. Ce soir-là, pendant le repas, ma tante m'a méprisé encore plus que d'habitude. Elle a d'ailleurs fait manger mes cousins avant le reste de la famille et m'a interdit de leur parler. Elle ne voulait pas que j'« exerce une mauvaise influence sur eux ». Ensuite, j'ai eu le droit à des remontrances tout le dîner. Ma tante, Shanon ne cessait de répéter que je n'étais qu'une bonne à rien et Franck, en bon mari soumis, me fit une longue leçon de morale où perçait la déception. Caroline, ma détestable cousine, se lamentait et racontait que j'avais détruit sa réputation. Cela ne fit que m'attirer plus de foudre de la part de ses parents. David restait silencieux, mais ne m'accordait pas un regard. Il m'en voulait de lui avoir ôter le loisir qu'il préférait au monde. Seul Peter clamait ma défense. Pas une fois on ne me laissa parler. Pas une fois je ne pus me défendre. On me priva de sortie et je fus condamnée à faire les corvées de tous jusqu'à nouvel ordre. À force de pleurs et de cris, ma cousine obtint qu'on me fasse dormir dans le grenier. Il était de taille normale et servait de salle de jeux. Je m'y suis installé le jour même. Malgré ce qu'on pouvait penser, j'aimais cet endroit. Il valait mieux que la chambre de Caroline. J'étais loin de ses reproches. J'étais seule et cela m'allait. Il y avait deux fenêtres et cela rendait la pièce suffisamment lumineuse à mon goût. Depuis samedi, je passais ma tête à travers l'un des orifices tous les soirs et je laissais aller mes larmes. Je pensais à chaque fois à mes parents, les vrais. Que diraient-ils s'ils étaient encore de ce monde ? Seraient-ils déçus, eux aussi ? Je ne savais plus où j'en étais et j'étais profondément blessé par la réaction de David. Lui, avec qui j'avais partagé tant de choses et qui me connaissait depuis toujours. Jamais je n'aurais cru une telle réaction de sa part ! Voilà trois jours qu'on ne se parlait plus. Comme si je m'adressais au ciel, qui était si beau, je dis :
- Papa ! Maman ! J'ai besoin de vous ! Est-ce que quelqu'un peut venir à mon aide ?
Et je terminais ma phrase dans un sanglot. À cet instant, la porte s'ouvrit doucement. C'était sûrement Peter :
-Laisse-moi. J'ai besoin de solitude !
-Ariel...
Non ! Je ne pouvais pas le croire ! C'était David ! Séchant mes larmes d'un geste brusque, je me tournais vers lui. Il reprit :
-Je suis désolé. J'ai sans doute été trop dur avec toi...
-...Dur, je criais presque, dur ? Injuste oui ! Je n'ai rien pu dire ! Même toi, mon propre frère, tu ne m'as pas laissé parler ! À vos yeux, j'étais déjà jugée. Déjà coupable !
-Oui, mais comprends-moi aussi ! D'un côté, tout le monde me dit de me méfier de toi, de l'autre, il y a Peter qui te défend corps et âme, mais personne ne l'écoute ! Et je t'avoue que j'ai été très déçu de tout ce que l'on disait sur toi.
-Et la famille ? Nous ne nous étions pas mis d'accord, il y a bien longtemps, qu'il n'y avait que ça de vrai ? N'en avons-nous donc pas fait un serment sur une certaine tombe ?
-Ariel, je t'en prie, ne parle pas de ça...
C'était encore douloureux pour nous tous. J'en avais conscience, mais cela devait être dit. Il continua :
- Je veux savoir ce qui s'est passé réellement ce jour-là. Si ce type te menace ou t'a fait du mal, dis-le ! On peut te venir en aide, je t'assure.
Après tout, mon frère était comme les autres. Il ne me croyait pas. Il ne pensait pas possible de « juste parler à un pauvre ». Si j'avais eu le malheur de dire que j'avais aidé son petit frère, ils m'auraient tous pris pour une folle. Pour eux, si l'on parle aux déf', on est leur complice ou leur victime. Il n'existe pas de demi-mesures. Je me suis retournée vers le ciel en disant :

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12 - Le Chemin
RandomSeriez-vous prêt à abandonner vos préjugés pour découvrir votre véritable Ennemi ? L'écart entre les riches et les pauvres est devenu quasiment infranchissable. Dans cette société pourtant, les élites cherchent à garder une sorte d'apparente égalité...