Aziraphale, donc, effaré de voir que deux éditions spéciales dédicacées manquaient à sa si précieuse collection, chercha des heures qui il pouvait bien appeler. Crowley dormait, dans son appartement qui était à quelques rues de là, et de toute façon, Aziraphale savait bien qu'il aurait dit à l'ange de les miraculer.Puis, alors qu'il désespérait de jamais les retrouver, la couverture du journal de ce matin attira son regard. Le gros titre était « Le détective Sherlock Holmes empêche un attentat terroriste et retrouve le fils du Premier Ministre le même jour ! ». Aziraphale, intrigué, lu l'article. Puis il le relit au moins trois fois, avant de chercher activement dans l'annuaire le numéro dudit Sherlock Holmes.
La sonnerie ne retentit que deux fois avant que la voix d'une vieille dame ne se fasse entendre :
- Bonjour ! J'ai bien peur que M. Holmes soit absent.
- Bonjour, madame...
La vieille dame répondit :
- Madame Hudson. Avez-vous un message à faire passer ?
Aziraphale réfléchit, considéra son téléphone et grimaça. Il n'aimait pas passer des coups de fils. Alors il demanda l'adresse du détective à Madame Hudson, qui la lui donna, 221b Baker Street, Monsieur, et il faut venir tôt le matin pour espérer ne pas trop attendre pour M. Holmes. Puis la vieille dame continua à babiller dans le téléphone, tant et si bien qu'Aziraphale hochait énergiquement la tête en oubliant momentanément qu'elle ne pouvait pas le voir.
Une bonne heure plus tard, Aziraphale raccrocha finalement, et un soupir de soulagement lui échappa alors qu'il reposait le combiné. Encore étourdi par toutes ces histoires incroyables que la logeuse de Sherlock Holmes lui avait racontées, l'ange cligna des paupières et se retrouva sur la place du petit village de Tadfield.
Il avait conservé l'habitude, au fil des ans qui avaient passé, de venir rendre visite à Adam, ainsi qu'à Anathème et Newt qui vivaient non loin de là, et qui attendaient déjà leur premier enfant. Crowley venait normalement avec lui, mais, pour avoir déjà essayé, Aziraphale savait qu'il ne valait mieux pas le réveiller d'une sieste.
Après avoir pris le thé avec le joyeux couple, Aziraphale avait tenté de s'amuser avec Adam et ses amis, mais leurs jeux spéciaux avaient eu raison de lui. C'était Crowley qui était doué avec les enfants, de toute façon, pas lui.
Puis après une après-midi bien remplie, Aziraphale était rentré à la librairie, pour trouver un Crowley ennuyé qui feuilletait sans y prêter attention les pages jaunies d'un livre. Quand la clochette de la porte d'entrée sonna, il releva la tête et un sourire distrait se dessina sur ses lèvres :
- Bonjour, mon ange.
- Oh, Crowley, mon cher, je reviens juste de Tadfield ! Anathème va bientôt accoucher, d'ailleurs.
Crowley fit mine de ne pas être intéressé, et reposa le livre sur l'étagère. Alors qu'Aziraphale se rendait à son bureau, Crowley se glissa à côté de lui et suggéra :
- Un dîner au Ritz, ce soir ? J'ai entendu dire qu'ils avaient engagé un nouveau chef, et que...
L'esprit visiblement ailleurs, Aziraphale lâcha :
- Si tu veux.
Crowley fronça les sourcils en voyant Aziraphale poser son front sur son bureau et fermer les yeux en soupirant.
- Mon ange ?
Le démon hésita à serrer l'épaule d'Aziraphale de sa main, quand il répondit :
- Deux de mes livres ont disparu...
Voilà donc ce qui plombait le moral de l'ange. Si Crowley retrouvait le voleur, il allait passer un mauvais quart d'heure, c'était certain. Mais pour le moment, se concentrer sur Aziraphale et le rassurer.
- Oh. Désolé.
Bon. Comme remontage de moral, on avait vu mieux, songea distraitement Crowley alors qu'Aziraphale redressa la tête pour lui adresser un sourire lumineux. Crowley répondit à ce sourire et Aziraphale se leva :
- Haut les cœurs ! Je fais appel à un détective consultant dès demain matin !
Crowley rit de la vieille expression employée par Aziraphale, qui saisit le poignet de Crowley pour l'emmener à sa Bentley. Un vague sourire sur le visage, Crowley pensa qu'Aziraphale le touchait bien plus à présent qu'ils étaient libres – depuis trois ans maintenant – et que les timides effleurements appartenaient définitivement au passé. Pour Aziraphale, en tout cas, car Crowley, lui, se reprenait toujours au dernier moment, pris par une peur panique d'être rejeté.
Ils arrivèrent devant la Bentley noire en riant, essoufflés et les joues rouges d'avoir couru à travers la librairie. Crowley s'engouffra à la place du conducteur alors qu'Aziraphale grimpait sur le siège passager. Puis ils se regardèrent :
- Pourquoi on prend la voiture ? demanda Crowley, qui sentait un nouvel éclat de rire monter.
- Aucune idée, craqua Aziraphale avant d'exploser de rire, suivi par le démon.
Les yeux brillants, Aziraphale les transporta miraculeusement jusqu'au Ritz, où ils prirent une table pour deux et commandèrent. Crowley se contenta d'un verre d'alcool tandis qu'Aziraphale commandait la moitié de la carte sous l'œil amusé du serveur.
Le personnel connaissait bien cette légende de ces deux hommes qui venaient manger ici depuis la création du restaurant. Ils pensaient que ceux qui venaient en ce moment étaient les descendants des premiers à être venus, car l'esprit humain ne peut admettre l'impossible.
- Ce détective, qui est-ce ? demanda soudainement Crowley. Ne me dis pas que c'est Sherlock Holmes ?
Aziraphale eut une moue :
- Tu désapprouves ?
- Oui, assura Crowley en finissant son verre.
Aziraphale enfourna une grosse bouchée et répondit :
- Ch'est pas grave. Il a l'air de ch'avoir che qu'il fait.
L'ange essuya sa bouche alors que Crowley râlait :
- Il est gay, tu sais.
- Crowley ! s'exclama bruyamment Aziraphale.
Des regards se tournèrent vers eux et Crowley reprit un ton plus bas :
- Franchement mon ange, tu sais très bien que j'en ai rien à faire, mais quand les gens te voient ils pensent aussitôt que tu es... Tu sais.
Aziraphale fronça les sourcils :
- Que je suis ?
- Tu sais... Bref. Ce détective va penser que tu, voilà, et comme il l'est aussi...
La fourchette d'Aziraphale retomba dans son assiette avec un bruit sourd, et Crowley regretta aussitôt ses paroles alors que les joues de l'ange rosissaient, non pas de joie comme un peu plus tôt, mais de colère :
- Et alors ? Qu'est-ce que ça peut bien te faire ? De toute façon, reprit-il en se calmant, je ne l'ai pas encore rencontré.
Crowley sauta sur l'occasion :
- Il est peut-être dangereux !
- Mais non, enfin, mon cher, dit Aziraphale en secouant la tête.
- Comment tu pourrais le savoir, si tu ne l'as pas encore rencontré ? sourit sarcastiquement Crowley.
Aziraphale commanda un dessert – ou deux – et se tourna vers Crowley :
- Tu sais aussi bien que moi que je sais me défendre, Crowley, calme donc ta jalousie.
- Ma jalousie ? répéta Crowley en s'étranglant avec son vin.
Il n'était pas jaloux. Définitivement pas. Il n'était pas jaloux avant la Non-Apocalypse, et rien n'avait changé, pas vrai ? D'ailleurs, quand Aziraphale lui proposa de l'accompagner chez le détective le lendemain matin, Crowley refusa pour lui en donner la preuve. Il n'était certainement pas jaloux d'un détective de pacotille qui n'avait rien de mieux à faire que de s'occuper d'une affaire de livres volés.
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À la Croisée des Chemins
FanficQuand Aziraphale, ange, Gardien du Jardin d'Eden, dit M. Fell, demande de l'aide à Sherlock Holmes, détective consultant de son état, sauveur de Scotland Yard et meilleur ami de John Watson, médecin vétéran. Quand (Anthony. J. ) Crowley, ancienneme...