Chapitre 4 : "Alohomora"

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Chapitre 4 : « Alohomora »

- Il n'a pas pu se volatiliser ! s'exclama Oshun à bout de nerfs.

Dans un excès de rage et de peur, elle explosa son verre d'eau contre le mur.

Elle était en larmes depuis des heures. La nuit était tombée. Ils avaient dû abandonner les recherches. Elle ne pouvait tolérer cet échec. Elle avait pris en charge ce gamin, il était sous sa responsabilité, sous sa protection. Il l'avait fuie. Il ne lui avait pas fait confiance. Elle n'avait pas réussi à le convaincre qu'elle pouvait l'aider. Elle n'était pas parvenue à le rassurer comme elle l'aurait dû.

- Tout ça, c'est de ta faute ! hurla-t-elle à l'encontre de Gendry. Tout allait très bien avant que tu ne débarques. Si tu n'avais pas fait irruption, il... Il...

Elle ne put achever sa phrase sachant à que point elle avait tort. Elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même. Elle avait échoué, toute seule, comme une grande.

Elle se laissa tomber sur le fauteuil, la figure dans les mains. Elle pleura encore un peu. Quand elle releva enfin la tête, les yeux secs, elle constata que Gendry n'avait pas bougé. Il était toujours debout, adossé dans l'encadrement de la porte grande ouverte sur la nuit.

Oshun ne savait pas s'il restait là pour elle ou pour lui-même, mais elle lui en fut reconnaissante. Au prix d'un effort surhumain, elle parvint à se lever. Elle posa une main sur l'épaule de Gendry et le tira à l'intérieur. Dans le même élan de lucidité, elle referma la porte et tourna le loquet.

- Il ne rentrera pas ce soir, murmura-t-elle simplement.

Elle inspira doucement et ajouta :

- J'ai besoin de dormir.

Sans satisfaire à ses devoirs d'hôte, elle flotta vers la chambre et se glissa dans son lit. Les lumières étaient éteintes. Ne restait qu'un feu crépitant dans la cheminée.

Gendry observa un moment la danse des ombres sur les murs et les mouvements des draps au rythme du sommeil d'Oshun. Puis il retira son manteau, l'étendit sur le sol devant le foyer et s'allongea sur le dos. Lui aussi avait besoin de repos.

Oshun se trouvait face à une porte. Elle était haute, en bois massif, avec une poignée froide et accueillante. Elle était posée là, bien droite, sans autre appui que son propre encadrement. Mais il était impossible d'en faire le tour. On ne pouvait que la franchir. Oshun le savait.

A pas lents, au rythme de sa respiration, Oshun avançait. Elle n'était ni fébrile ni confiante. Elle sentait que quelque chose était en train de se produire, elle sentait que cette chose devait se produire, mais elle en ignorait la nature. Elle posa sa main sur la poignée et l'abaissa. La porte s'ouvrit dans un silence absolu. Oshun entra dans un espace blanc. Elle n'entendait rien. Elle ne voyait rien d'autre que de la lumière. Mais l'air avait goût familier. Le goût d'un sentiment. Un goût doux et clair, un peu salé, un peu liquide. Un goût de larmes prêtes à monter aux yeux.

Peu à peu, des couleurs apparurent au-dessus d'elle, comme un arc-en-ciel mouvant. La rivière de peinture flottait et suivait son cours, calme et vivante, à l'image du temps et de l'espace. Çà et là, de petites particules semblaient exploser, projetant des embruns chromatiques qui n'atterrissaient jamais, comme autant d'étoiles et de galaxies nées et mortes depuis l'éternité. En y regardant de plus près, Oshun y vit aussi des ombres translucides emportées par le courant. Autant d'âmes nageant ou noyées dans un Styx de pluie et de soleil. Dans un expire, Oshun ferma les yeux et ouvrit grand son cœur. Elle appela un esprit protecteur, un bouclier, un ami bienveillant. Alors elle le sentit. Dans un courant d'air impalpable, l'esprit sortit du fluide pigmenté et lui fit face. Oshun sentait que l'âme l'observait. Paupière close, elle laissa son cœur s'ouvrir plus grand pour la reconnaître. Une âme familière. Les larmes jaillirent de ses yeux sans contrôle. Oshun laissa faire.

OSHUNOù les histoires vivent. Découvrez maintenant