Chapitre 7 : « Himar »
La horde des « Chasseurs », ou les Vorsord comme on les appelait dans la langue d'Avaziashkharh, décima le village en quelques heures. Ce fut une véritable boucherie. Les toiles des tentes, qu'ils prirent soin de ne pas brûler car elles pouvaient encore servir à les abriter par la suite, se trouvèrent souillée par le sang des victimes, dont ils n'avaient que faire. Les tissus qui traînaient par terre, dans le sable sec d'ordinaire, s'imbibèrent longtemps du liquide rougeâtre et visqueux qui imprégnait désormais le sol. Ce n'était pas que du sang. On trouvait aussi dans ce mélange opaque des brisures d'os, de la chair en charpie, de la cervelle dissoute ici et là, des ongles, des enfants, des têtes d'hommes, des cheveux de femmes dépossédés de leurs cranes d'origine, de l'urine, de la merde, sans doute celles des défunts habitants humiliés par la peur, des éclats de verre et de bois, des mouches noyées, de la sueur, des lambeaux de tissus effilochés, des poils, de l'encre, des pépites, le tout rendant tantôt noirâtre tantôt rosâtre l'effarante quantité d'hémoglobine répandue.
Au milieu de ce spectacle horrifique, une poignée de Chasseurs s'évertuait à entasser des corps morts et indistincts, car la plupart avait été mutilée, dans des charrettes chargées de les conduire à l'écart du camp, là où ils seraient brûlés. Une telle charge était nécessaire, bien qu'harassante, pour éviter l'odeur de la décomposition qui, contrairement à celle de la chair brûlée, incommodait le clan nouvellement installé. Une autre poignée de Chasseurs, plus chanceuse que la précédente, prenait le temps de respirer à l'orée du puits si furieusement acquis.
Parmi ceux-là, le chef, appuyé sur une charrette dont la roue elle-même était appuyée sur un buste fracturé, songeait déjà à l'organisation de ce nouveau village. Qui mettre en poste au puits, qui poser comme guetteur, qui envoyer comme éclaireur et comme rabatteur, quel paiement réclamer...
Dans un grognement rauque, le chef fit signe à l'un de ses subalternes d'approcher.
- Amène-les, maugréa-t-il.
L'autre s'exécuta. Après une minute, il revint en compagnie de trois prisonniers. Trois seuls et uniques prisonniers, miraculeusement rescapés par une tradition barbare instaurée par le chef depuis le début de ses conquêtes. Il y avait une femme, un homme, et un enfant à la peau grise. Tous trois, le visage peint en rouge, avançaient le cœur battant, prêt à exploser.
Sur le visage de l'enfant, des larmes et de la morve séchées avaient laissé des sillons sous ses yeux bleus et son nez rond comme une bille.
La femme avait une entaille à la gorge. Sans doute avait-elle compris ce qui allait advenir et avait-elle tenté de mettre fin à ses jours avant que ceci ne se produise. Malheureusement, elle n'avait pas pu agir assez vite.
L'homme quant à lui, marmonnait des paroles inintelligibles. Peut-être une prière ou un blasphème. Au point où il en était, toute issue devait lui sembler bonne à prendre.
- Vous ne mourrez pas aujourd'hui, déclara le chef lorsqu'ils furent tous les trois devant lui à genoux. Je vous en fais la promesse. Cependant, pour ce qui est du jour suivant, tout dépendra de vous. Remplissez votre mission, et vous vivrez encore un jour. Et tout recommencera le jour suivant. Et ainsi de suite jusqu'à la fin des temps...
Alors qu'il marquait une pause, espérant quelque remerciement pour sa magnanimité, il reçut de plein fouet le crachat de la femme, suivi d'une injure des plus sombres. Sans prendre la peine de s'essuyer, il marcha vers elle, s'accroupit à sa hauteur et saisit sa mâchoire à deux doigts. Il serra si fort qu'il sentit les dents de la femme à travers ses joues. Elle restait pourtant jolie. La fureur de ses yeux noirs était admirable. Le chef reprit son discours, fixant de ses yeux mauvais le visage de la femme.
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OSHUN
FantasyOshun, femme et sorcière, se lance à la recherche d'un obscur sortilège susceptible de sauver la vie d'un jeune garçon. Elle ignore que sa quête fera voler en éclats toutes ses croyances...