Chapitre 12 : Les bienfaits de la lune

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Chapitre 12 : Les bienfaits de la lune

Les premiers efforts furent vains. Cependant, ragaillardie par les insultes récentes du Commandant à son encontre – « Qu'as-tu fait, sorcière ? » - elle joignit à son outil la puissance de l'eau qu'elle manipulait non par ses mains occupées à la barre, mais par son esprit, plus fort et plus déterminé qu'il ne l'avait été depuis longtemps. La porte céda.

Oshun déboula dans la pièce adjacente. Elle ne la reconnut pas. Néanmoins, elle pouvait correspondre à ce qu'elle s'était imaginée depuis la salle qui se trouvait encore plus loin, de l'autre côté de la cloison du fond. Cette fois, elle n'eut pas à forcer. Les portes coulissèrent d'elles-mêmes, de sorte qu'Oshun put gagner la destination qu'elle s'était fixée : le centre médical où elle s'était réveillée. Se trouvaient là les quelques caissons qu'elle connaissait bien, dont le sien, devant lesquels se dressaient les écrans de contrôle de leur occupant. Comme ils se trouvaient vides, Oshun n'eut pas de scrupule à déverrouiller l'un des écrans du bout des doigts. Elle se réjouit de l'autonomie inattendue du service, qui s'était décidé à fonctionner malgré la coupure des lumières. Hasardant d'icônes en dossiers, elle dénicha les fichiers datant de son réveil dans le caisson. Le médecin qui l'avait examinée lui avait signalé trois semaines de stase. Elle chercha donc les fichiers correspondants à cette nouvelle date, ne sachant trop ce qu'elle désirait y trouver. Aussi ne fut-elle pas déçue du voyage.

Le jour de son admission étaient inscrits deux autres prises en charge d'étrangers. Sexe masculin. Espèce humaine pour l'un. Espèce inconnue pour l'autre. Les deux hommes avaient ensuite été transférés au « stock » une fois stabilisés. Oshun fit une grimace et lorgna machinalement vers cette fameuse porte qu'elle avait précédemment franchie sans y être invitée. La salle des stocks. L'irrépressible envie de réitérer eut raison d'elle et elle se rua vers le passage en question. Elle vint vite à bout de la résistance du verrou grâce à la même technique qui lui avait permit de quitter le débarras. Oshun s'assura que personne ne risquait de la surprendre en écoutant ce qui se passait au-dehors. L'agitation semblait avoir redoublé et des voix nouvelles assénaient des ordres nouveaux. Sans doute des renforts venus des cinq autres cités par on ne sait quelles routes secrètes et insolites connues seules des sirènes.

Tout à coup, le silence se fit. Et la terre trembla. La secousse fit frémir Oshun.

Elle se campa sur ses pieds pour résister. Elle se trouva secouée comme un hochet ; puis le calme revint comme si rien ne s'était produit. Mais les voix et les pas au-dehors demeurèrent absents.

Sans plus attendre, Oshun pénétra dans la salle des stocks et rabattit l'écoutille en toute discrétion. Les cinquante caissons se dressèrent devant elle, rangés sagement en lignes, comme des œufs dans leur compartiment dans un frigidaire. Les coquilles de verre abritaient les occupants en stase, n'ayant pas la moindre idée du sort qu'on leur réservait. Ils dormaient, artificiellement, inconscients de l'utilisation que l'on faisait de leurs possessions les plus privées.

Oshun se lança à la recherche de visages familiers. Elle parcourut la première rangée en s'arrêtant devant chaque couvercle pour bien étudier le faciès qu'il laissait entrevoir.

A mi-parcours, elle poussa un cri de stupeur. Son cœur manqua un battement. Elle recula et heurta un caisson derrière elle. Un nouveau choc la fit bondir alors qu'elle n'était pas remise du premier. Elle détala au bout de la rangée et de laissa glisser contre le mur, les mains tremblantes. C'est à cet instant qu'une seconde secousse agita le peu de stabilité qu'elle avait cru trouver contre la paroi. Le verre des caissons vibra. Quelques pierres glissèrent du plafond. Oshun déglutit.

OSHUNOù les histoires vivent. Découvrez maintenant