Chapitre vingt six : La mer et l'homme

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Écrit par Ouassila Kha

~ Sorcière ~

Vendredi 6 Decembre 2019

Elles marchaient tranquillement, sûres de leur objectif quand soudain Princess se stoppa net. Elle renifla l'air en attrapant le bras de Sorcière. Celle ci poussa un petit cri de douleur,
« Pourquoi tu me troue le bras ? Y a quoi ? ».
« Tu ne sens pas ? »
Sorcière renifla bruyamment, puis regarda Princess en haussant un sourcil dubitatif.
« Y a quoi encore ? »
Princess, ne cessant de s'agripper au bras de son amie, se lança dans une course effrénée, titubant parfois et traînant une sorcière déjà essoufflée. Elles coururent toute la journée et une bonne partie de la nuit. Sorcière grommelait, trottinant derrière elle, se demandant où la princesse avait puisé son énergie.
Ça y est, elle a définitivement pété un plombs…

« De l'eau ! »
Princess s'était arrêtée sur une colline dominant une énorme étendue d'eau. C'était comme si le sable quittait la dune pour se jeter dans la mer.
Princess resta là, le souffle coupé par la beauté du paysage qu'éclairait la lune. Sorcière, elle s’étala de tout son long dans le sable, terrassée par l'effort, se demandant comment diable cette princesse avait-t-elle l'odorat si développé qu'elle avait pu sentir la mer de deux jours de marche de là.
« Il y a une cabane en bas. On peut y dormir avant de plonger et rentrer demain. »
« Voilà enfin une idée raisonnable. » Grommela Sorcière la tête dans le sable. « Mais pas moyen que je ne me lève ! »
« D'accord ! ». dit Princess poussant Sorcière du pied pour qu'elle dégringole la dune, puis s’élançant à son tour dans un roulé boulé libérateur.
Elles s'arrêtèrent en bas en éclatant de rire. Elles restèrent allongé là trop harassées pour se lever. Les quatre pas qui les séparaient de la cabane étaient de trop pour leurs jambes fatiguées.
Quand soudain, interrompant leur rires, un homme sorti de la port de la bicoque.
« Qui vous rend si hardies de troubler mon sommeil ? »
Les filles échangèrent un regard et s’esclaffèrent. C'était un petit homme mince au corps en avant, de grands yeux qui ne brillaient d'aucune lueur d'intelligence. Il était vêtu d'un caleçon vert à fleurs roses et les cheveux mal peignés lui courait sur ses épaules osseuses.
Au bout de 10 minutes de rire, Princess se releva et entama un semblant de protocole pour saluer l'habitant. Sorcière voyant ses singeries pouffait de rire :
Waw ça fait un bail que j'ai pas vu une blague protocolaire ! Une chance que l'imbécile ne comprend rien. Se dit-elle.

Cela sembla pourtant calmer l'homme, qui les invita à rentrer. Princess poussa du coude Sorcière avec un clin d’œil.
« C'était risqué de l'insulter comme ça. »
« Ne t'inquiètes pas. Les habitants des côtes sont les moins bien renseignés sur les coutumes de la mer. C'est bien connu ! ».
L'homme les fit rentrer et leur proposa un repas bien chaud, qu'elles acceptèrent avec joie. Quand il ouvrit le plat, l'effroi pris place sur le reste. Dans le joli plat en terre cuite gisait un immense poisson aux écailles chatoyantes et au regard vide.

Princess eu un haut-le-cœur et se leva la main à la bouche avec une rapide excuse.
Sorcière resta le regard perdu dans ces yeux blancs qui la regardait.

Je me suis jurée de goûter à tout. Même les trucs les plus bizarre. Il faut savoir vivre dangereusement !
L'homme regardait Princess sortir avec une pointe de tristesse dans le regard.
Merde, il a l'air dépressif ce monsieur. Si je goûte pas il risque de se foutre en l'air...

Elle détourna l'attention de la fuite de Princess en tendant son assiette avec un grand sourire. L'homme sourit à son tour, comme soulagé, et coupa l'animal en deux. Il allait servir la tête à Sorcière qui ne put réprimer un petit cri animalier. L'homme la regarda interloquée :

« C'est le meilleur morceau ! »
« Non c'est trop pour moi ! Je n'ai pas si faim. Je vais prendre un petit morceau. Un bout du milieu c'est bien ! » Mentit-elle. L'homme obéit ne comprenant visiblement pas. Sorcière respira profondément et attaqua les outils en mains. Déchirant la chair elle déglutit mais se força à enfourner le tout dans sa bouche.
Oh !... Finalement c'est pas si mauvais en fait. Même si ça aurait pu être un pote... C'est que, mon cher ami poiscaille, tu as la chaire vraiment tendre !
Rapidement elle finit son assiette et s'en servie même une autre.
J’aurai qu'à faire croire à Princess qu'il m'a forcé à manger.

Le repas est fini, Princess avait retrouvée ses esprits. Les deux se retrouvèrent pour dormir. Princess demanda à Sorcière

« Tu as réussi à manger ça ? Comment ? C'est immonde. Comment on peut faire ça ? »
« Il m'a forcé à manger. C'était HORRIBLE ! » réplica Sorcière avec une conviction douteuse. Princess fronça des sourcils mais n’ajouta rien.
Elle commence à trop me reconnaître. Je ne peux plus mentir tranquilles. Pensa Sorcière en se blottissant pour éviter un interrogatoire.
Elle essaya de dormir bercée par le son des vagues. Les heures passait et le bruit ne changeait pas. Au petit matin Sorcière se réveilla dans la maisonnée vide de son hôte. Princess, elle, dormait à poings fermés. Sorcière sortie en titubant, le bruit assourdissant des vagues résonnait dans sa tête. Arrivée dehors elle préféra s'éloigner de celles-ci, d'en fuir le mugissement.. Elle passa sa journée a marcher. Le soleil descendant, ses oreilles sifflaient toujours. Elle rentra dans la maison. L'homme était au chevet de Princess.
« Y a quoi encore ? » Lança Sorcière blasée.
« Je crois que votre course pour arriver ici l'a fatigué. Je vais essayer de trouver un remède à son mal. »
Sorcière sortie en haussant les épaules. Elle avait une impression de déjà vu. Cela avait cessé de l'inquiéter maintenant.
Elle décida de tenter une entrée dans l'eau. Les vagues s'éclataient avec rage sur le sable. Sorcière déglutit et se jeta à l'eau au sens figuré comme propre. Elle couinait et pleurnichait beaucoup. Comment de l'eau peut-être si froide ?
Elle essaya de s'enfoncer dans les profondeurs mais les vagues la rejetaient toujours sur la plage. Après une douzième tentative se terminant une fois de plus la tête dans le sable, les pieds dans l'eau, elle se drapa dans ce qu'il lui restait de dignité et reparti à l'opposé du rivage. Elle passa le reste de son séjour en ermite dans les collines voisines, ne rentrant à la maison du pécheur que pour manger, dormir, et s'assurer de la santé de son amie. Elle avait l'impression d'être revenue au temps de Chevalier, le mielleux en moins, la mauvaise humeur en plus. Elle ne pouvait qu'attendre le rétablissement de Princess.
De vert olivâtre, son teint devint vert de gris, tant elle ruminait de sombres pensées.

Le poisson, le singe et la lune.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant