18/ Liar

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Crowley regardait silencieusement Aziraphale déguster sa porée blanche en se retenant de grimacer tant la soupe de poireaux lui faisait peu envie. Il en était déjà à son troisième verre de vin rouge et se sentait toujours les idées aussi claires.

Il faisait tout son possible pour ne pas afficher une tête ennuyée, mais le démon était en réalité très songeur. Cela faisait plus d'une semaine qu'il avait abandonné ses affaires à la Cour et certaines ne pouvaient pas souffrir davantage de pertes de temps. Ann Boleyn était une créature vile, mais aussi très intelligente et il ne fallait pas qu'elle lui échappe : ses intérêts passaient avant tout. Il savait exactement comment causer davantage de discorde, il lui fallait juste que sa marionnette soit tout à fait prête à lui obéir, et il ne pourrait pas la contrôler à distance.

Il allait falloir laisser Aziraphale seul. C'était ennuyant. L'ange s'attirait toujours tous les ennuis du monde et il ne comptait plus le nombre de fois où il lui était venu en aide. La créature à plumes blanches était un mélange de naïveté et de risques qui lui vaudrait un jour sa peau. Mais pour le moment, il fallait à tout prix empêcher qu'il arrive quoi que ce soit à Aziraphale.

Le danger, ce n'était jamais bon pour une créature de plusieurs millénaires d'existence qui se croyait humaine.

Il ne savait pas pourquoi, mais il avait un mauvais pressentiment. Le démon retint un lourd soupir et se concentra de nouveau. Cela faisait plus d'une dizaine de minutes qu'il observait Aziraphale racler son bol et ce dernier lui jetait fréquemment de petits regards gênés. Il aurait certainement été adorable si Crowley n'avait pas été certain qu'il lui cachait quelque chose.

-Qu'as-tu fait ce matin ? demanda le démon d'une voix doucereuse.

Aziraphale sursauta et reposa précipitamment son verre de vin, allant même tâcher la nappe blanche. Miss Euston allait gémir et se plaindre pendant des siècles, et c'était une perspective tout à fait merveilleuse pour Crowley. Il attendit, les pensées de l'ange semblaient s'empêtrer dans son esprit.

-J'ai lu... J'ai lu un ouvrage très intéressant ! fit Aziraphale.

-Vraiment ?

L'ange agita vivement la tête de haut en bas, et le démon eut un sourire mauvais. Il semblait troublé. Il était même très troublé, des éclairs de souffrance et de culpabilité lui traversaient le cœur et parvenaient jusqu'à lui. Il était un démon après tout, il ressentait aisément ce genre de choses, et comme toujours, en matière d'émotions, Aziraphale ne faisait pas les choses à moitié.

Ç'aurait presque été un délice pour ses sens de démon.

-Tu as un air curieux, l'Ange, commenta Crowley.

-Un air... Curieux ? Comment ? s'empourpra Aziraphale.

Le démon se leva et passa derrière la chaise de l'ange. Se penchant vers lui, il lui susurra à l'oreille :

-Un air de menteur...

Puis comme l'ange ne réagissait pas et qu'il prenait soudainement atrocement plaisir à le torturer, il répéta :

-Tu as un air de menteur, Ange... Un air de menteur !

-Ce n'est pas vrai ! s'écria Aziraphale.

-Bien sûr que si c'est vrai ! Allons, que me caches-tu ? s'amusa Crowley.

Il s'imaginait déjà le tableau. Il avait abîmé l'un de ses livres et il s'en voulait atrocement. Ou alors, il avait terminé les petits gâteaux au gingembre, ceux qui étaient toujours fait avec trop de sucre. Mieux ! En voulant faire du thé, il avait cassé le service de réception, celui qui avait dû coûter abominablement cher à l'un des anciens propriétaires. Il en fallait peu pour qu'Aziraphale s'en veuille, et la raison de sa culpabilité devait être très futile.

Aziraphale bredouillait quelques excuses qui n'avaient aucun sens, lorsqu'il le coupa. Il n'avait plus du tout envie de rire, Crowley avait même un très mauvais pressentiment. Quelque chose n'allait pas, quelque chose approchait. Quelque chose... Quelque chose d'en bas.

-Au reste, je n'ai guère le temps pour ce genre de choses. Je dois partir dès maintenant pour la Cour, j'y resterai quelques jours.

-Dès maintenant ? Mais vous n'arriverez jamais à Londres avant la nuit ! s'exclama Aziraphale d'un air soucieux, ses mensonges complètement oubliés.

-J'adore chevaucher dans la nuit noire, c'est tellement excitant de ne pas savoir si mon cheval va se rompre une patte et si je vais devoir continuer mon périple à pied, plaisanta Crowley.

Et malgré toutes les supplications d'Aziraphale et les mises en garde de Jude, l'homme qui s'occupait de ses écuries, le démon fut juché sur un cheval lancé au galop en moins de dix minutes. Et c'était tant mieux, songea Crowley, car déjà dans l'obscurité se dessinait au loin la silhouette d'une créature ailée. Ses affaires l'appelaient, et elles criaient « Londres ! », même si certaines chuchotaient tout bas « L'Enfer »...

Les mensonges d'Aziraphale pouvaient attendre.

...

Hello people!

Rien à dire, sinon que je vous souhaite un joyeux Noël !

How kindOù les histoires vivent. Découvrez maintenant