Le Plan - 𝓙𝓲𝓴𝓸𝓸𝓴 [Terminé]

Plan de sauvetage

Park ?! 

Même si j'ai reconnu sa voix, je passe furtivement ma tête entre les boîtes de conserve afin de m'assurer que ce soit bien lui. 

Et c'est bien lui. 

Il est là, devant cet homme qui paraît ivre et qui n'est autre que son père. Ses cheveux sont toujours roses, mais un peu plus clairs qu'à la soirée. Ses mèches de devant recouvrent le dessus de son visage dans cette position de soumission, tête baissée comme un enfant, alors qu'il se fait sermonner avec sévérité. Son père n'a vraiment pas l'air commode, pour rester poli.

- Regarde-moi quand j'te cause !

Park relève lentement la tête vers son père. J'aperçois enfin entièrement son visage, et j'en suis paralysé. Son expression abattue m'arrache déjà une douleur dans la poitrine à elle toute seule, mais ce n'est rien comparé à son œil droit tuméfié, auréolé de vert et de jaune. Un putain de cocard.

Je sens la colère m'envahir rien qu'en imaginant la main de quelqu'un s'abattre sur lui et me perds en raisonnement pour retrouver un semblant de calme. Vu la couleur de son hématome, il doit être là depuis plusieurs jours. Une semaine, peut-être. Je ne suis pas médecin, mais avec toutes les conneries qu'on regarde sur Netflix avec Yoongi, j'ai l'impression d'en connaître un rayon sur le sujet.

- Je ne sais pas ce qui me retient de...

Le père lève la main et Park ferme les yeux, se préparant déjà à recevoir son châtiment qui n'a rien de divin pour le coup. Sa réaction est la même que lorsque mon colocataire avait failli le frapper avant que je ne m'interpose, ou encore pendant la partie de poker quand il avait failli perdre son haut. J'en déduis rapidement quelque chose : il est habitué. 

Je me retiens de justesse d'insulter ce batard d'enculé en comprenant que ce fils de pute bat Jimin. Fini d'être poli.

La main du père qui prend de l'altitude coupe toutes mes pensées. J'accours vers eux en parlant fort :

- Ah ! Bonsoir ! J'ai dû mal ranger les pots tout à l'heure. Veuillez m'excuser.

Je me penche respectueusement vers eux tout en évitant soigneusement le regard de Park et en faisant au mieux pour rendre mon jeu d'acteur crédible. Ce petit plan de dernière minute doit fonctionner. Parce que si ça ne parvient pas à calmer son père, je serai forcé d'improviser à nouveau.

Je me redresse face à leur silence commun et tente un sourire aimable vers l'homme aigri, essayant ainsi de dompter son animosité. Du coin de l'œil, j'aperçois l'air ahuri de Park. Il est sûrement surpris de me voir ici, un balai à la main et en tenue de travail ; mais il a surtout l'air terriblement mal à l'aise que j'intervienne et que j'assiste au triste spectacle.

Park n'a pourtant pas à avoir honte, personne ne mérite d'être traité ainsi. C'est l'ivrogne qui devrait avoir à cette réaction, cette gêne. Pourtant, il n'en a clairement rien à foutre de s'être fait surprendre à vouloir lever la main sur son propre fils, il a même plutôt l'air dégoûté que j'intervienne si tôt.

Le nouveau humidifie ses lèvres de façon nerveuse, appréhendant probablement la réaction de son père face à ma mise en scène. Moi aussi, mais j'essaye de rester impassible et de m'en tenir à mon rôle d'employé qui n'a rien vu, rien entendu, rien ressenti.

Après un instant à me dévisager de façon impassible, le père se tourne vers le fils.

- Reste pas là à rien faire ! lui ordonne t'il en lui donnant une tape sur l'arrière du crâne pour l'inciter à bouger.

À ce geste, je détourne les yeux en serrant la mâchoire. Mes ongles se sont plantés dans la paume de mes mains pour retenir tous gestes retours malvenus.