Chapitre 25 : Shelf

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                                                                        But it's too late to pretend  ♪


La matinée sembla passer au ralenti. Assise sur le canapé, je n'avais pas eu le courage de retourner dans ma chambre pour me rallonger aux côtés de Joe. Il ne valait mieux pas prendre le risque de le réveiller, il avait grand besoin de repos après la nuit qu'il avait passé. 

Seule au salon, Winston endormi à mes côtés, j'essayais de faire le point sur ma situation. Kevin se chargeait de mon billet d'avion, et après ? Comment procéder ? Par quoi commencer ? Devais-je faire irruption à l'orphelinat en plein jour et réclamer mes papiers de sortie ou confronter Karl toute seule, dans un endroit plus isolé ? Je craignais surtout les répercutions que cela pourrait avoir sur Abby. De plus, en me voyant réapparaitre après ma supposée disparition, les responsables de l'établissement allaient forcément se poser des questions. Quel mensonge allais-je pouvoir mettre en avant pour expliquer mon séjour aux États-Unis tout en protégeant les Jonas d'une supposée allégation d'enlèvement ? Comment pouvais-je les laisser hors de cause ? Jusqu'où les autorités creuseraient-elles ? 


Je sentis une boule d'angoisse se former au creux de mon ventre. Livrer bataille seule n'allait pas être facile. Je n'avais pas le droit à l'erreur ce coup-ci, personne ne serait là pour me sauver. Ne tenant plus en place, je retournai dans ma chambre pour prendre de quoi me changer. Un peu d'air frais me ferait du bien pour réfléchir. J'ouvris la porte en prenant soin de ne faire aucun bruit. Joe semblait toujours profondément endormi. Il avait l'air si calme, si paisible ainsi. J'entrai dans la pièce sur la pointe des pieds et avançai jusqu'à ma commode. Une fois mes affaires en main, je m'apprêtais à repartir en direction de la salle de bain lorsque Joe sursauta. Alertée, je restai immobile, attendant sa prochaine réaction. Mais rien ne se produisit. Mon beau chanteur devait surement être en train de rêver. Doucement, j'attrapai le plaid de laine tombé au pied du lit et le recouvris. Je n'étais pas sûre que cela calme ses rêves mais peut-être que la chaleur de la couverture suffirait à l'apaiser. Et une fois de plus, je me surpris à le contempler. J'aurais voulu embrasser chaque parcelle de son visage. Le fait de me savoir sur le départ me faisait quelque peu revenir sur mes précédentes décisions. Maintenant que je savais mon temps compté, une sensation d'urgence commençait à me gagner. Je voulais profiter de ces derniers moments, les vivre à fond, m'en gaver. Je voulais faire le plein de lui, le mémoriser, le mettre dans un coin de mon cœur pour ne jamais l'oublier. Ne plus le savoir à mes côtés allait être terriblement difficile à supporter. 

Une fois dans la salle de bain, je trainai volontairement sous la douche. L'eau chaude m'aida à me détendre. Enroulée dans ma serviette, je m'arrêtai un instant devant le miroir et y regardai ma vie. Elle avait pris une tournure tellement inattendue... Cette fille que je voyais dans le reflet de la glace n'avait plus rien à voir avec l'ancienne moi, et pas seulement à cause de mon changement de look. J'avais retrouvé l'espoir, le courage et l'envie de me battre. Par conséquent, il fallait livrer bataille sur le champ, sans plus tarder. Séchée et habillée, je m'apprêtais à enfiler ma veste pour sortir lorsque j'entendis le bruit de la porte d'entrée. Kevin était de retour et vu son air sérieux, je devinais qu'il avait ce que je lui avais demandé. Je m'avançai sans rien dire jusqu'à lui et le vis plonger la main dans sa poche. Au dernier moment cependant, il se ravisa et jeta un regard derrière moi.

       - Est ce que Joe... commença t-il, soucieux
       - Il dort encore, le rassurai-je aussitôt. Ne t'inquiète pas.
       - D'accord. Dans ce cas...

Il me tendit mon billet d'avion puis ajouta

       - Il vaudrait mieux que tu le caches en attendant. Je pense qu'ils préféreront l'apprendre de ta bouche plutôt que de tomber dessus par hasard.
       - Oui, tu as raison.
       - Et je te préviens, s'ils me demandent, je ferais comme si je ne savais rien.
       - Très bien.

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