Chapitre 18

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Le feu crépitait et je le contemplai. À chaque fois que je regardais les flammes qui léchaient le bois, je revoyais le corps de Jordan que nous avions brûlé hier.

Je détachai mon regard des flammes pour contempler les gens qui m'entouraient. Pour une fois, la meute semblait heureuse. Ils buvaient, dansaient, rigolaient. Tout le monde était si tendu — avec raison — depuis le début de cette histoire.

Nous avions fait une réunion d'urgence à propos des pouvoirs d'Adam, mais ni piste ni plan n'avait été élaboré. On savait qu'il était enclin à parler et qu'il ne travaillait pas seul. C'était tout.

Je contemplai un couple qui s'embrassait contre un arbre tout en souriant. Ils semblaient avoir seize ans. Ils étaient jeunes et insouciants.

Daven s'assit soudainement à mon côté sur la chaise libre. Il me tendit une bière. Je le remerciai d'un hochement de tête et bus une gorgée.

— C'était une bonne idée, ce feu, admis-je finalement.

J'avais eu des doutes, au départ. Mais pour l'instant, tout se déroulait très bien.

— Ouais, approuva-t-il.

Son regard était aussi posé sur les flammes orangées.

— Ça me rappelle mon enfance, dis-je en souriant.

— Ah oui ?

Il se mit à sourire en me jetant un coup d'œil, détachant son regard du feu de camp.

— Nous faisions souvent des feux à l'extérieur, comme ça.

Je pointai du doigt la source de chaleur.

— Gabrielle et moi grillions des guimauves. Tout le monde était... heureux.

Il sourit davantage. Dans ma tête, je nous revoyais enfants et adolescents. Les images défilaient à une vitesse fulgurante. Je secouai la tête, me ramenant à la réalité. Le moment présent. C'était ce que nous avions.

— Les choses ne sont plus les mêmes, maintenant.

— Je comprends ce que tu veux dire, chuchota-t-il.

Je pris une gorgée de ma bière, accueillant le goût amer dans ma bouche. Il soupira.

— Depuis que mon père est décédé... les choses ne sont plus pareilles, chez nous non plus. Il faut s'y habituer, mais... ce n'est pas évident. Mon frère comble son manque dans l'alcool. Il consomme avec excès. Ma mère ...

Il fit une pause et secoua sa tête.

— Je me suis senti comme une bête de foire, parfois, continua-t-il en changeant légèrement le sujet. Je crois que tout le monde avait peur que je rechute.

Je fronçai les sourcils. Ses paroles m'intriguèrent aussitôt.

— Rechute ? répétai-je.

— Tu te rappelles ce que je t'ai dit après que tu aies attaqué Adam ?

Je puisai dans mes souvenirs pour me rappeler ce qu'il s'était dit cette journée-là.

— Que nous n'étions pas si différents, murmurai-je après quelques secondes.

— J'ai aussi eu une période sombre, disons. Une période où j'étais très agressif et impulsif. Ce n'était pas une bonne période. Il m'est depuis difficile de travailler sur ma maîtrise de moi-même.

Il prit une grande inspiration.

— Quand mon père est décédé d'un infarctus il y a cinq mois, tout le monde s'est attendu à ce que je perde les pédales. Mais au contraire, c'est mon frère maintenant qui se bat pour ne pas sombrer.

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