Chapitre 2

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La nuit était tombée. La fin de l'été se faisait ressentir avec le bruit des criquets autour de la maison et la chaleur dans ma chambre, malgré les fenêtres grandes ouvertes. La brise rentrait dans la pièce et, accotée contre la fenêtre, je contemplais la forêt qui semblait s'éterniser devant moi.

Il n'y avait rien de plus passionnant que de regarder la nature. La façon dont les feuilles bougeaient au rythme du vent et l'odeur incroyable des bois qui envahissait mon nez me firent sourire.

Lorsque nous nous transformions en loups, nous devenions des personnes complètement différentes. Les instincts de chasse prenaient le dessus et il était alors bien difficile de garder la maîtrise de nous-mêmes. C'était presque impossible, en fait. Je ne me souvenais pas vraiment des rares fois où je m'étais transformée sous ma forme animale. Il était alors facile de blesser nos proches ou des humains.

C'était pourquoi la majorité des loups évitaient de se transformer, car nous pouvions le faire à volonté, quand nous le souhaitons. Sauf les soirs de pleines lunes. Durant ces soirées, nous étions complètement humains. Nous étions démunis de notre force surnaturelle et de nos sens développés. Et il nous était impossible de nous métamorphoser en loups.

Je tournai le dos à la fenêtre et contemplai ma valise sur le lit. J'y avais mis l'essentiel. Il me restait la touche finale.

Je pris le cadre sur la table de chevet. Mes yeux scrutèrent la photo et une vague d'émotions contradictoires m'accabla. Le bonheur, la tristesse. L'envie de sourire et celle de pleurer en boule dans un coin.

C'était une photo de famille tout à fait normale, prise il y a deux ans. Nous étions quatre. Mes cheveux étaient beaucoup plus longs qu'ils le sont actuellement, et le brun de ma chevelure semblait plus reluisant. Aujourd'hui, comme moi, ils semblaient ternes. Mes yeux étaient beaucoup plus lumineux qu'aujourd'hui et un grand sourire était affiché sur mon visage. Il ne semblait ni faux ni sarcastique.

Je déviai le regard sur ma jeune sœur, Gabrielle. Ses longs cheveux blonds encadraient son visage et ses yeux bleus malicieux regardaient la caméra. Elle avait sa tête posée sur mon épaule et mon bras était mis sur les siennes. Derrière nous se trouvaient nos parents. Une sensation étrange s'empara de moi en voyant mon père sourire grandement aux côtés de ma mère. Je ne l'avais pas vu sourire ainsi depuis très longtemps.

La vision de ma mère me fit tout aussi mal que celle de ma sœur. Je lui ressemblais beaucoup. Nous avions les mêmes cheveux bruns et les mêmes yeux verts. Notre courbe de nez était semblable et nous plissions les deux le front lorsque nous réfléchissions.

C'était une photo de famille comme les autres pour certains, mais pour moi, elle me rappelait tout ce que je n'avais plus. On ne se rendait jamais compte à quel point quelque chose nous était précieux jusqu'à ce qu'on le perde. C'était ce que ma mère me disait toujours. Je n'avais jamais accordé autant d'importance à cette pensée jusqu'à récemment.

Je déposai finalement le cadre dans ma valise. Je pris aussi l'album photo qui se trouvait dans ma bibliothèque et le glissai à l'intérieur. Je refermai le compartiment et déposai la valise sur le sol.

Je décidai de quitter ma chambre. J'errai sans trop savoir où aller dans la grande demeure. Je me retrouvai instinctivement près d'une porte que je pourrais reconnaître entre mille, à cause des dessins accrochés à l'aide d'un collant. Gabrielle avait toujours aimé personnaliser ses moindres trucs.

Je poussai la porte de la chambre. La lumière était éteinte. Je ne voulais pas l'allumer par peur de rompre la quiétude qui se trouvait dans cette pièce. Je ne savais pas si quelqu'un d'autre y avait déjà posé les pieds depuis tout ce temps. Je savais que j'y étais allée, au début. Mais ça faisait un moment déjà.

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