Chapitre 22

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Je me reconnus de plus en plus quand nous approchâmes de chez moi. Il n'y avait pas de changement dans la nature ; les arbres, les feuilles, tout semblait pareil. C'était un sentiment dans le fond de mon estomac qui me le dictait. L'odeur était différente. Elle me rappelait chez moi. C'était peut-être ridicule, au final. Je ne voyais pas la différence.

Puis, j'aperçus de la fumée qui s'élevait dans le ciel. Mon souffle se coupa et je me mis à courir, attirée par l'odeur de la cendre. Après avoir écarté plusieurs branches qui m'empêchaient de voir, je sortis de la forêt.

Je préférais être cachée dans l'ignorance, finalement. C'était plus angoissant, mais moins douloureux.

Parce que voir ce que je voyais, c'était pire qu'une blessure par balle. Tout était détruit. Et quand je disais tout, c'était vraiment tout. Il ne restait que des ruines à la maison. Du bois carbonisé. Des poutres d'acier qui avaient complètement changé de couleur, même ramollies sous l'effet des flammes.

La maison, auparavant imposante, était complètement effondrée. Il ne restait rien. Des souvenirs, des moments. Tout s'était envolé, ou partait à l'instant avec la fumée qui tourbillonnait dans le ciel.

Ma mâchoire décrochée, je contemplai ce qui restait de ma maison.

J'entendis quelqu'un marmonner « bordel » dans mon dos, mais en toute honnêteté, il m'était impossible de dire lequel des deux frères avait parlé. Je fis un pas et le sol tangua sous mes pieds. Impuissante, je tombai à genoux. Même le sol était brûlant. Ou peut-être était-ce mon corps qui était frigorifié. Peu importe.

Du coin de l'œil, je vis Daven qui s'approchait des décombres de la maison. J'aurais voulu me lever et le suivre. Mais j'en étais incapable. Je sentis une main sur mon épaule. Jasper passa à son tour à mon côté et se rendit près de son frère. Je les vis discuter ensemble, leurs regards rivés sur ce qui restait de la maison.

Poussée par une force inconnue, je finis par me relever. Je m'approchai et les deux frères se turent à mon arrivée. Je me penchai pour contempler les divers objets qui jonchaient le sol. Au loin, je vis quelque chose qui attira mon attention.

La poupée de Gabrielle. Brûlée sur le côté, elle restait néanmoins presque intacte. Du moins, elle n'était pas en cendre. Je m'agenouillai et la pris délicatement entre mes doigts. J'entendis des pas derrière moi.

Je ne pus m'empêcher de murmurer.

— La poupée de Gabrielle.

— Gabrielle ? demanda Jasper.

Daven murmura quelque chose que je n'entendis pas. C'était comme s'il y avait un bourdonnement dans mes oreilles. Je me rappelais Gabrielle qui me suivait partout avec cette poupée dans les mains. Elle voulait toujours que je joue avec elle, mais moi, je voulais aller dehors. Alors, elle me suivait à l'extérieure, piteuse, l'objet entre ses petites mains.

Une larme perla au coin de mon œil. Je me relevai, la poupée entre mes mains. Cet objet ne resterait pas ici. Hors de question.

Le vent fouetta mes cheveux, et l'odeur de la cendre me revint au nez.

Mon père...

On dirait que je n'avais pas voulu penser à ces deux mots depuis que j'avais aperçu la maison. Mais, avec les dégâts, la possibilité qu'il soit encore en vie était... mince. Je pinçai mes lèvres. Je sentis un sanglot remonter le long de ma gorge. Comment savoir ?

— Papa ? lançai-je doucement.

Les sanglots parsemèrent ma gorge et je me mis à pleurer. J'avançai dans les débris de la maison, la poupée dans une main et l'autre recouvrant ma bouche. Je faillis trébucher sur quelque chose et, quand je baissai le regard, de la bile monta dans mon œsophage.

Sang RoyalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant