****Aboubacar Diop****
Je rentre chez moi très très tard. Ce n'est plus une nouveauté ce fait. Je sais que j'ai l'habitude dernièrement de rentrer tard chez moi. Je vois quasiment plus mes enfants, les plus petits je veux dire. Oumou Kalsoum, depuis que je l'ai jetée dehors, je n'ai plus de ses nouvelles. Je sais qu'elle est chez ma mère car cette dernière m'a appelé pour bien me savonner. Je ne sais pas ce qui s'est passé exactement mais je sais que j'ai réagi excessivement concernant cette histoire de garçon qui est venu la voir dans sa chambre en pleine nuit. J'ai réagi sur le coup et j'ai pris les mauvaises décisions. C'est après, deux jours pour être exact que j'ai compris l'ampleur de mes actes. Je suis le père d'Oumou et je devais la protéger, mais non je l'ai foutue dehors en pleine nuit. Dieu merci, il ne lui est rien arrivé mais si c'était le cas, je crois que je ne m'en remettrais jamais. Avant son décès, sa mère, comme si elle savait qu'elle ne va jamais se remettre de sa maladie, m'a expressément demandé de veiller et de la protéger mais j'ai failli à cette mission. Elle n'a plus personne au monde que moi et je me suis permis de la traiter comme une moins que rien. Je n'ai même pas cherché à avoir sa version des faits et aujourd'hui je vis avec des remords et je ne peux même la regarder en face. Depuis qu'elle vit chez sa grand-mère, bien que je n'y allais pas beaucoup, mais c'est devenu pire maintenant. Je vais voir ma mère aux heures où je sais qu'elle est à l'université et une fois dans le mois. Donc depuis que ma fille est sortie de sa maison, je ne l'ai pas vu car la honte me tue. J'ai commis de nombreuses erreurs dans ma vie mais je crois qu'épouser Bintou est le summum. Elle m'a séparé de mes amis d'hier, de ma famille et en parlant de famille, je pense à ma mère et à ma fille ainée.
- Tu t'es décidé à rentrer chez toi finalement ?
Je tourne la tête pour voir ma femme Bintou installée derrière les fauteuils et dans le noir. Je quitte le siège où j'ai atterri en arrivant pour penser à ce qu'est devenue ma vie.
- Oui et je n'ai pas la tête à me chamailler aujourd'hui en pleine nuit.
- Les hommes responsables sont chez eux depuis longtemps, avant même que leurs enfants ne dorment.
- Donc je ne suis pas responsable ?
- Prends ça comme tu veux, je dis juste les choses comme elles sont.
Je la dépasse pour monter à l'étage et elle me suit. Je dépose ma sacoche sur la table basse de la chambre et vais m'enfermer dans la salle de bain. Je reste un long moment près de la baignoire pour continuer à penser avant de me rafraichir et de sortir. Je pensais la trouver endormie tant j'ai duré dans la salle de bain mais elle est bien assise sur le lit, les jambes croisées. On dirait qu'elle a quelque chose à dire mais puisqu'elle ne dit rien, je vais prendre un pyjama et me plonger sous la couette. Elle commence à marmonner des mots que j'ai du mal à entendre et finalement, le sommeil m'emporte.
****Mamie Awa Diop****
J'entre dans la chambre de ma petite fille et je la trouve en pleurs comme d'habitude. Je m'assieds à ses côtés en lui caressant la tête. Si jeune et pourtant ayant vécu plus que beaucoup d'adultes. Elle n'a pas de chance mais j'ose espérer que la donne va changer. On ne peut pas avoir la poisse toute sa vie. Je suis si fière d'elle. Elle fait ma joie. Malgré le coup bas que lui a infligé son père, elle reste digne. Sa vie se résume à ses études et rien d'autres. Je fais tout pour la faire sortir mais elle ne veut s'intéresser à rien d'autre.
- Qu'est ce qui fait pleurer ma jolie princesse ?
- Il n'y a rien grand-mère, juste que j'ai pensé à papa.