Chapitre 18

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On continua pendant deux heures de vol dans lesquelles tout le monde était en alerte. Bizarrement, aucun animal aquatique n'essaya d'attaquer Jörmungand, alors que celui-ci nageait tranquillement à la surface, Glados sur son dos. La formation serrée des animaux volants formait une grande ombre sur les flots qui ne contenaient presque aucune vague.
- L'océan est calme, aujourd'hui. Dit l'homme qui conduisait la wyvern sur laquelle j'étais.
- Ça arrive souvent?
- Pas tant que ça, mais ici, on associe toujours une mer d'huile à l'arrivée de la créature des océans.
- Et, c'est quoi cette créature ?
Il se tourna vers moi en se mettant en tailleurs. Sa barbe poivre sel indiquait son âge proche de la soixantaine. Ça devait être un de ces fameux villageois - l'autre qui n'avait pas de pouvoir dans le groupe peut-être -.
- Personne ne l'a jamais su. Ceux qui ont essayé sont morts. Seuls les écrits nous décrivent la bête comme une baleine, dont seule la présence calmerait les océans, et qu'elle vit habituellement en profondeur. Mais aussi, on y décrit que si on s'en approche trop, les océans qui se calment pour elle se déchaînent et se mettent à attaquer celui qui a tenté de voir la créature et le feront par tous les moyens qu'ils disposent.
- Je vois - sympa quoi -. Et donc, la voir et échapper aux eaux serait signe que l'on serait son maître, ou bien son égal, un truc comme ça?
- Ce serait signe que l'eau ne te pardonnera pas. C'est le signe de ton arrêt de mort.
Ma gorge se crispa. Je n'en croyait pas mes yeux.
- Et... si c'est elle qui se montre?
- Comment ça?
Il se tourna vers la direction de mon regard. Il ne dit plus un mot. D'ailleurs, plus aucun membre du groupe ne fit de bruit pendant que l'on regardait une baleine à peine plus grande que le Basilic, qui nageait paisiblement à une centaine de mètres de nous.
- C'est signe que...
Je le regardais, attendant sa réponse. Il laissa tomber une larme sur le dos de la wyvern.
- Pardon, je ne peux plus surveiller, tu peux conduire?
Je pris les rennes pendant qu'il se mouchait dans un tissu marron. Le spectacle était magnifique, la baleine se baladait tranquillement pendant que les vagues autour d'elle formaient une spirale, comme si des poissons tournaient pour créer un courant autour de cette puissance.
- D'ailleurs, sans vouloir vous vexer, ce n'est qu'une simple baleine, qu'es-ce qu'elle a de spécial?
- Elle... Elle peut produire une encre qui peut être aussi purifiante que mortelle.
- Ce qui veut dire?
- Que si cette baleine le veut, son encre peut être utilisée comme soin, ou au contraire la changer en acide.
Une baleine peut faire ça? C'était trop surréaliste. Fallait que je vois. Je tirais sur les rennes et faisais plonger la wyvern vers l'eau.
- Attends, qu'es-ce que tu fais?
- Je teste.
Il me cria d'arrêter, mais je mis la wyvern en stand-by au dessus de l'eau, sa queue à quelques dizaines de centimètres de ce liquide devenu noirâtre à présent. Le groupe au dessus s'était arrêté pour m'observer pendant que je me dirigeais vers le bout de la queue. Lorsque j'y étais, je mettais un peu d'herbe qui était restée sur mes vêtements dans ma bouche, et je m'accrochais avec mes jambes sur la queue pour n'être qu'à dix centimètres de la surface. Je sortis avec mes doigts les herbes de ma bouche et touchais l'eau avec. Le liquide faisait de beaux reflets violets-verts de près, c'était magnifique. Rien ne se passa, et les herbes n'avaient rien. Je mis alors ma main, et toujours rien. L'eau était juste un peu plus visqueuse, mais sans plus, mais laissa une trace sur ma main. J'enduisis mon couteau de cette eau et remontais devant.
- Mais t'es complètement cinglé! Et si la wyvern s'était loupée qu'un peu, ou que la baleine avait réagi?
- Mais ça n'est pas arrivé? Alors on peut y aller.
Il grogna pendant que je reprenais les commandes en grommelant dans sa barbe. J'entendis même des "ah, ces ardants, qu'est-ce qu'ils ont dans la tête?", bien que je ne savais pas ce que c'était. On repartit avec le groupe, laissant la baleine se balader seule à la surface.
On finit par arriver une heure plus tard à Cœlacanth Isle. Les eaux avaient reprises leurs vagues et le soleil arrivait à son zénith. On nous escorta avec les mêmes grands aigles qu'à notre première arrivée sur l'île avant d'ouvrir les portes par lesquelles on entra, sauf les wyverns, dont la mienne, qui allèrent à une plateforme un peu plus loin. Une femme plutôt âgée vint vers nous avant de serrer mon équipier dans ses bras. Il lui raconta tout en pleurant à un moment - le moment de la baleine à mon avis -, et pendant ce temps je m'occupais de la cargaison. Maxime arriva deux minutes après que j'eus fini d'enlever la charge de la monture.
- Bon, j'ai fini le rapport, tu peux venir Owen. Toi aussi, fit-il au vieux qui finissait de se moucher, on te demande chez les alchi.
- Bien, j'y vais de ce pas.
Je hochais simplement de la tête avant de le suivre. Il m'emmena dans une salle près de la plateforme où Kolas se trouvait. Celui-ci m'acceuillit et me donna une sorte de boisson rouge, qui étrangement avait le goût de citron et de fraise, ce qui se mariait bizarrement bien.
- Bon, on se revoie enfin, Owen.
- Je pense pas que j'ai eu le choix...
- J'avais cru comprendre ne t'inquiètes pas. Le problème, vois-tu... Kat, je t'attendais!
La jeune fille venait de rentrer. Elle prit elle aussi une boisson qui avait une couleur violette.
- Tu voulais nous dire quoi?
- J'y venais avec Owen. Tu sais bien qu'une expédition demande du temps et des hommes. Donc dans notre cas de l'argent.
- Attends, je vois où tu veux en venir, je peux te payer si tu veux.
- Là n'est pas la question, Kat.
- Euh, dis-je, voyant que la discution tournait un peu en rond, vous voulez que je fasse quelque chose pour vous?
- Je voulais savoir pourquoi il faut prendre autant de risques juste pour deux personnes totalement inconnues, et un homme a été gravement blessé. J'espère au moins que tu as de bonnes raisons.
Il n'avait pas l'air en colère, mais il s'impatientait, et il ne le cachait pas. Le fait que l'un de ses hommes soit mal en point ne semblait pas le mettre en rogne.
- Je pense que ces deux-là ont du potentiel. Répondit-elle.
- Tu penses, ou tu es sûre? Tu les connais autant que moi, c'est-à-dire pas.
- Je pense pas avoir dit qu'il n'y avait que moi. Demandez à Glados...
À ce moment là, j'ai perdu le fil de la discussion - de toute façon, c'était pas comme si je participais -, et je me rapellais de la petite wyvern sur l'île. Qu'était-elle devenue? Et le yuty, d'ailleurs, comment il allait survivre? Glados avait pourtant dit que cet animal ne savait pas nager, mais qu'il allait quand même s'en sortir...
- Owen?
- Euh-Oui?
- Tu pourrais aller le chercher s'il te plaît?
- Glados?
- Bien sûr, andouille.
Je sortis illico à sa recherche. Maxime était dehors en attendant la fin de la discussion. Je lui demandais où se trouvait Glados et il me répondit qu'il se baladait en ville pour revendre des artefacts et s'acheter un nouveau matériel. Pour ce qui était de lui, il rejoindrait sa porte à défendre dès que Kolas aurait fini. Je me mis donc en route pour le marché.
En faite, j'aurais peut-être dû demander où se trouvait ce foutu marché... La boulette. Je frappais donc à une porte pour demander mon chemin. Rien. Bon, sui...
Elle s'ouvrit d'un coup.
- C'est pour? Je suis occupée, l... Owen?
- Ah, Nima!
Je n'avais pas vraiment remarqué sur le moment, mais elle s'était rétrécie d'une bonne dizaine de centimètres, et sa voix était passée du mode "bien énervée" à "maman"- parce que ma mère me parlait comme ça, m'en voulez pas -.
- Qu'est-ce qui t'amène ici, on t'a recommandé mon établissement?
- Hein?
- Ah, donc c'était pas ça. Tu veux à boire?
J'acceptais, sans vraiment avoir compris - parce que je suis pas forcément très fut-fut - qu'elle allait me servir un pichet de bière.
- Allez, cul sec! Me fit-elle en prenant elle aussi une pinte. À notre retour sans morts.
- Euh, Nima... J'étais pas venu pour ça à la base.
- Et bah dis moi, mais avant...
Elle trinqua avec moi et finit sa choppe en deux secondes. Je la suivais, et je sentis un arôme familier au fond du palet.
- Attends, c'est toi qui fais les boissons?
- Ouép'. Je les fait fermenter un bon moment pour que la qualité soit la meilleure possible.
- Je voulais dire, on m'a passé une sorte de grenadine tout à l'heure.
- Ah, ça... Non, c'est juste la spécialité de l'île. Tu sais pas ce que certains donneraient sur cette île pour avoir à chaque repas ce type de boisson.
- C'est pas pour changer de sujet, mais est-ce que tu sais où se trouve le marché? Je cherche Glados.
- Ah, et t'es parti sans demander aux autres où c'était?
Elle se mit à rire devant ma bêtise. Je ne pus m'empêcher de râler, et c'est à ce moment-là qu'on toqua à la porte.
- Laisse, j'y vais.
Elle revint quelques secondes plus tard.
- Glados est là.
En effet, et il portait encore la même tenue d'écailles avec le serpent vert représenté dans son dos.
- Il paraît que tu me cherches?
- Pas vraiment moi, on m'a demandé de te faire venir. C'est Kolas et Kat.
On parti quelques minutes plus tard. Glados prit avec lui un objet assez long enveloppé dans un tissu fermé par trois cordes juste beaucoup trop grandes. Les noeuds qu'elles formaient étaient presque plus gros que mon poing. Je l'emmenais donc à la salle où étaient les deux autres. Ils continuaient de batailler sur la question de si Fabien et moi étions de bons guerriers. J'en profitais pour demander où se trouvait mon camarade. On me donna le même itinéraire que la première fois où nous étions venus, au bungalow pour les invités. La même inscription au dessus de la porte "Réservé aux voyageurs, que les autres aillent se faire voir", et rien de changé. C'est comme si ces deux semaines s'étaient envolées comme par magie. Au fond, je me sentais quand même changé, mais bizarrement, les souvenirs de cette île me paraissaient comme un rêve.
J'arrivais dans la chambre lorsque j'entendis un cri à l'intérieur puis un bruit sourd, j'ouvris sur le coup et je vis Aria en train de se sucer un doigt, une vieille casserole était renversée par terre avec son contenu, qui j'imagine devait être bouillant. Elle s'était juste brûlée.
- Je t'avais dit de faire gaffe, tu sais pas faire la cuisine avec ces machins-là.
C'était Fabien, ile venait aider la jeune fille.
- Tu lui apprends, Fab'?
- Ah, Owen.
Il arriva dans le salon pendant que j'aidais Aria à ramasser les aliments par terre.
- Désolée, mais elle est aussi chaude que du orange!
- C'est normal, elle conserve la chaleur pour que les aliments chauffent avec. Passez-moi la casserole.
J'en conlus que ce fameux "orange" pour Aria devait être le feu. J'aidais les deux à faire le repas - Parce qu'on sait cuisiner, Fabien et moi. Vu les semaines qu'on passait avec toute la bande, fallait bien qu'y en ait au moins un ou deux qui sachent cuisiner - et on se parla pendant le reste de l'après-midi. Kat arriva le soir pour le repas, et on manga en silence avant de partir direct se coucher. On était tous épuisés et le sommeil est nôtre meilleur ami. Lorsque je me couchais dans le canapé - encore cette fois -. J'entendis Kat demander à la fille des abysses de lui montrer ses brûlures pour les embaumer. La nuit se passa ensuite dans un sommeil sans rêve.
Enfin, je crois...

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