Chapitre 12

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Je me réveille dans un endroit plutôt chaud sur une roche tiède. Mes membres étaient trop engourdis pour que je puisse bouger, c'était à peine si je pouvais ouvrir les yeux, mais la lumière d'un feu chaud passait à travers mes paupières. J'arrivais deux minutes plus tard à les ouvrir -enfin! -, mais je pense que j'aurais dû les laisser fermés. Une tête de basilic énorme me fixait dans les yeux, comme s'il était un humain regardant un patient. Ça me fit sursauter et relever mon buste d'un seul coup en lâchant un bref cri peu viril - ça m'arrive très peu, on ne juge pas -. Glados arriva dans la seconde, un morceau de viande cuite à la main.
- Ah, t'es réveillé, tu reviens de loin. Bonne nouvelle, les gars de Cœlacanth isle viennent vous chercher dans quatre jours.
- Qu'es-ce qui s'est passé?
Mes neurones étaient en compote, c'était dur de réfléchir à ce moment-là.
- Oulà, tu dois être encore dans tes rêves, mon vieux. On a été attaqués par une meute de ravageurs, toi le premier. Ç'a été dur de te ramener à la surface sans aggraver tes blessures, mais tu as guéri vite, alors tout va bien.
Les souvenirs arrivaient péniblement dans mon cerveau.
- Ça y est, je me souviens. J'ai senti une grande douleur, puis... Le rouge.
- De quoi?
- J'ai vu rouge, comme la couleur du sang, juste avant de...
Le reste, je ne me souvenais plus. Tout était flou.
- C'est pas grave, tu te rappelleras plus tard.
Son ton faisait entendre qu'il savait quelque chose, mais je décidais de ne rien lui demander.
Je me relevais pour aller manger un bon théry-steak, mais je me sentis super lourd en me relevant, ce qui me fit retomber sur le sac de couchage.
- Hé, fais gaffe, tu es au lit depuis trois jours, tes muscles doivent se réhabituer.
Je mis un moment pour comprendre sa phrase.
- Qu... Quoi?
- Oui, c'est beaucoup, je sais, mais au moins, t'as bien récupéré. Tu vas avoir une belle cicatrice, mon vieux. Tiens.
Il me tendit le morceau de viande, que je pris et mangis à grandes bouchées - au point où on en était, autant le manger à mains nues -.
- Où sont Fabien et Aria? - Oui je parle avec un gros morceau de viande dans la bouche -
- Dehors, ils s'entraînent ensemble. Fais des étirements, tu te sentiras mieux, et tiens, met ça. Je reviens.
Il me passa des fringues de rechange en fourrure et sortit. Alors il avait utilisé le théry qu'on avait tué, Fabien et moi? Je mis les habits et laissait les anciens sur mon lit. Je les garderais, ceux-là, j'y tiens. Ils sont la seule chose qui me raccroche au vrai monde. Mes griffes de théry étaient posées à côté de mes couteaux sur un rocher. Le basilic m'observait pendant que je me changeais, ce qui me fit un peu bizarre. Qu'avait-il à m'observer, il a déjà dû voir Glados se changer, non? En tout cas, il ne bougeas pas, me surveillant comme une mère suveillerait son enfant au parc. Je décidais de l'ignorer en lui tournant le dos, mais je savais qu'il m'observait.
Après m'être préparé, une griffe de théry de chaque côté de ma ceinture, je sortis pour m'entraîner un peu, et surtout pour me dégourdir les jambes. À peine sorti de la grotte, que Fabien m'attaqua avec un bâton, mais je le sentis arriver, et lui para le coup avec mon couteau de chasse déjà sorti au préalable.
- Enfin t'es sorti, je pensais que tu dormirais encore jusqu'à l'arrivée de Kat.
Il était habillé aussi de l'habit en théry, avec le crâne de l'animal comme casque. Aria arriva quelques secondes plus tard, abordant le même habit à la place de sa tenue de camouflage. La forêt aux alentours était quand à elle silencieuse. Aucun animal, vent, écoulement d'eau ne venait briser ce silence.
- C'est normal que l'on entende rien?
- Je me demande aussi, fit Aria. Même dans les profondeurs il y a toujours du bruit.
- Les wyverns sont en période d'accouplement.
Glados était réapparu, un dodo sur l'épaule.
- Elles sont particulièrement agressives ses temps-ci, car ce ne sont pas les alpha, mais les femelles qui se battent pour avoir un compagnon.
- Sérieusement? Firent les deux autres.
- Et pas qu'un peu, et c'est d'ailleurs aujourd'hui que votre entraînement va commencer, le vrai entraînement.
- Attends, tu veux dire que l'alpha qui nous a amenés ici...
- Est l'un des seuls de l'île, et les femelles essaient toutes de se les faire. Nous, on doit s'occuper du trop plein.
- C'est-à-dire ?
- Qu'on doit voler les œufs des femelles et en tuer si nécessaire.
On fut sidérés. Voler les œufs de dragons si grands qu'ils pouvaient attraper des voitures avec leurs pattes énormes et leur force herculéenne, c'était de la pure folie. Une seule question vint.
- Mais pourquoi?
- Si on ne fait rien, la croissance trop grande de leur nombre conduirait à la perte de toute les formes de vie de cette île. Les wyverns se battraient toutes et s'entre-dévoreraient entre elles, ce qui finirait par les faire partir de l'île, vers nos bases.
- Ce que l'on ne veut pas, en gros. Et tu veux qu'on t'aide pour ça, c'est ça?
- Oui, et à ce qu'il paraît, leur population a augmenté sans raison en dehors de la période de reproduction,ce qui ne va pas nous simplifier la tâche. Ça vous fera un bon entraînement avant qu'elle n'arrive.
- Kat?
- Votre vrai mentor, si vous préférez.
- Comment ça, vous voulez dire que c'est elle qui doit s'occuper de nous?
Il répondit par un sourire en coin.
- J'y peux rien, si c'est une plus jeune que vous qui va vous enseigner comment vous battre, même si j'avoue que vous avez déjà du potentiel.
Fabien s'enflamma.
- Vraiment?
Glados nous montra l'écart entre son pouce et son index.
- Un chouilla pour l'instant.
Mon ami se senti blessé.
- Bon, c'est pas tout, mais faut que je vous apprenne comment ne pas se faire repérer par ces demoiselles en chaleur. Venez avec moi.
Il partit d'un coup dans la forêt, et nous nous dépêchons de le suivre au pas de course. Il était presque aussi agile qu'un raptor dans cet environnement, faisant des sauts de la taille d'un homme pour pouvoir passer au dessus d'arbres déracinés, et filant avec la vitesse du vent. On faillit même de le perdre, mais il s'était arrêté un peu plus loin, allongé dans des broussailles. Nous fîmes de même à côté de lui. La vision que cet emplacement était tout aussi belle qu'effrayante. Une wyvern avait décidé d'installer son nid dans une clairière de la forêt. Non, cette clairière a été faite par la wyvern en question, qui avait piétinée les arbres et les avait rassemblés et découpés pour faire le nid. Le trop plein avait été mis de côté vers la montagne au bord de la clairière.
- Voilà pourquoi je veux que vous m'aidiez, chuchota Glados. Les wyverns n'ont même plus la place de pondre leurs œufs dans la crevasse centrale. Il faut enlever le protégé de cette wyvern, ce sera votre entraînement du jour. Si vous me ramenez l'œuf sans la mère à vos trousses, vous aurez accès à de la viande de boeuf cuite.
Du boeuf, un bon steak. Voilà ce qui nous motiva, Fabien et moi. Aria ne connaissais pas l'animal, mais elle ne discuta pas l'offre, décidée de goûter cette nouvelle viande.
Le problème... C'était la mère. Comment allons-nous faire en sorte de...
- Il faut la distraire, fis-je. Qui y va?
Les deux autres non plus étaient pas très chauds pour le faire. À la vue, l'oeuf devait peser dans la soixantaine de kilos, et était presque aussi grand qu'un humain. Il fallait le porter à deux, et Fabien faisait à peu près la même taille qu'Aria.
- Bon très bien, j'y vais. Vous-deux, allez chercher l'œuf à deux, et faites attention à ne pas faire de bruit.
Je me faufilais à droite du buisson, avant de me jeter dans celui d'à côté. Le bruit fit détacher les yeux de la wyvern de son œuf sur la provenance du bruit, et ne voyant rien, se remit à fixer son protégé. Je recommençais à me faufiller sur la droite et répétait l'action à chaque fois que mon buisson se terminait. À un moment, la wyvern se rendit compte de ma présence - elle en avait mit du temps - et commença à grogner. Je n'étais qu'à quelques mètres des restes d'arbres que la wyvern n'avait pas carbonisée. Je me jetai au moment où elle bondit sur mon buisson, à la façon des chats bondissants sur leur proie. Elle n'avait pas utilisée ses ailes et son crachat, le combat allait être périlleux.
Pourquoi je parle de combat, moi? Je suis plutôt en train de fuir, là!
Elle fonça vers moi, toujours en marchant sur le sol de la clairière, ce qui la faisait trembler légèrement. Je dus m'enfuir, la femelle enragée à mes trousses. Je sentais ses pas se rapprocher peu à peu.
"Elle me rattrapera dans une dizaine de secondes, à ce moment là, j'esquiverai son attaque et partirai à droite"
Mon corps avait réagi dix secondes plus tard comme prévu, et avait esquivé l'attaque par une roulade sur la droite et fui.
Cet instinct, d'où... Venait-il ?
Je sentis une chaleur au niveau de ma poitrine gauche. Qu'était-ce ?
Une attaque.
Je mis un pied sur une racine à ma droite pour me propulser vers la gauche, esquivant parfaitement la seconde attaque de mon assaillante, qui attrapa l'arbre à ma place. Je baissais la tête instinctivement pour éviter le coup de tronc qu'allait me donner la dragonne quelques secondes plus tard, et sautais au dessus de son coup d'aile qu'elle donnait pour enlever le tronc qui était visiblement trop grand pour elle. Ce fut le moment idéal pour lui sauter dessus comme avec le Théry. J'utilisai l'une de ses ailes qui attaquaient sûrement l'arbre pour me hisser sur elle. Sa nuque était vraiment dure, comparé à ma précédente proie, mais les écailles me montraient un défaut, il fallait que je vise le dessous, entre - si on se réfère à l'humain, ce qui est tout à fait illogique, je vous l'accorde - la clavicule, la colonne vertébrale et le début du cou, mais la créature se défendait de toutes forces, et sa mâchoire n'arrivait toujours pas à détruire l'arbre coincé, ce qui la rendait encore plus folle. Je me glissai en tenant comme je pouvais sur son cou, et essaya de planter mon couteau de chasse à l'endroit souhaité, créant enfin l'ouverture dans le cou. Je continuais de descendre, aggravant et agrandissant la plaie, pendant que la wyvern criait de toutes ses forces, crachant ses poumons sous la douleur. Elle ne réussit que trop tard à briser l'arbre sous le coup de l'adrénaline, et de faire un tour sur elle-même pour me donner un coup de queue si violent qu'elle m'envoya à une bonne centaine de mètres de là, me faisant perdre connaissance - visiblement, je suis fait pour dormir, j'en ai marre, je vais me coucher -.

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