DEAL ?

Chapitre 13

Quand j'arrive chez moi après dix minutes de marche en musique, je suis obligée de poser tous mes sacs de vêtements pour pouvoir attraper mes clés dans mon sac à dos. J'ai vraiment de la chance que mes parents ne soient pas là, ça m'enlève bien des problèmes. Si je gère bien les choses, ils ne seront jamais au courant de mes achats mystère et de mes petites sorties. En plus, je peux rentrer chez moi normalement, sans avoir besoin d'escalader le mur de ma maison pour atteindre ma chambre.

Je tourne la clé dans la serrure et pénètre à l'intérieur de ma demeure, me dandinant et débattant avec tous ces sacs, beaucoup trop nombreux à mon goût. Quelle idée d'avoir fait le tour d'autant de magasins...

Je m'apprête à prendre les escaliers pour monter à l'étage quand une voix derrière mon dos me fait sursauter :

- Mademoiselle ?

Je me retourne et aperçois Noélie. Oh, je l'avais complètement oubliée ! Cela doit faire une semaine que nous avons une nouvelle domestique. Noélie doit avoir la vingtaine, et elle est magnifique avec ses cheveux noirs comme la nuit. Je ne comprends pas pourquoi elle travaille ici au lieu de faire ses études, qui plus est sous l'ordre de mes parents qui la traitent comme une bonne. A vrai dire, je me rends compte que je ne me suis jamais vraiment intéressée à la vie des domestiques...

- S'il vous plaît, la supplié-je en désignant mes sacs, ne dites rien à mes parents...

Noélie me fait un léger sourire avant de me tourner le dos et de partir dans le salon. Je ne prends même pas le temps de savoir si elle se taira et monte en vitesse avant de me faire surprendre par quelqu'un d'autre.

Dans ma chambre, je plie soigneusement chacun de mes nouveaux habits et les range au fond de mon grand dressing, là où mes parents n'iront normalement jamais fouiller. C'est terminé, je vais changer. Et la bonne chose, c'est que mes parents ne seront même pas au courant.

***
J'ai passé le reste de l'après-midi à travailler et m'avancer sur mes devoirs Enfin, j'ai essayé. J'avoue que malgré moi, je n'arrive pas à sortir Noélie de ma tête. Je veux avoir des réponses, cela me paraît étrange qu'elle soit ici alors qu'elle pourrait avoir une vie bien meilleure ! Il est actuellement vingt et une heures. J'ai donc encore beaucoup de temps avant que mes parents rentrent à la maison. Prise d'un élan de courage, je pousse la porte de ma chambre et me rends dans la cuisine pour trouver Noélie, au passage en saluant chacun des employés. Ils sont beaucoup plus nombreux que je le pensais. Voyant qu'elle n'est pas dans la cuisine, j'ouvre la porte qui mène vers la petite terrasse réservée aux travailleurs.

Coup de chance, elle est là, adossée contre un mur en train de fumer. Cela me surprend de voir une telle tête d'ange en train de se pourrir la santé.

- Noélie ? tenté-je.

Elle tourne la tête vers moi et arbore une tête surprise en m'apercevant :

- Mademoiselle ?

- Par pitié, appelle-moi Albane.

- Très bien, mad... euh, Albane, bafouille-t-elle en écrasant sa cigarette dans le cendrier.

- Pourquoi est-ce que tu fumes ?

Et pourquoi est-ce que je demande ça ?

- Parce que ça détend, me répond-elle. Je ne vais pas vous proposer d'essayer, ce serait mal vu...

Je lui souris.

- Non merci, ça va aller. Et puis, pas la peine de me vouvoyer ! Je trouve ça extrêmement gênant, surtout que tu dois bien avoir cinq ans de plus que moi.

- A vrai dire, j'ai seize ans. Bientôt dix-sept.

Non, c'est pas vrai ! Elle fait beaucoup plus vieille ! Je crois que malgré moi, ma bouche s'ouvre en grand, car elle me dévisage bizarrement. Elle n'est même pas majeure, elle devrait être au lycée !

- Pourquoi est-ce que tu travailles ici, alors que tu devrais être au lycée ? j'ose demander.

Je ne sais pas d'où me vient tout ce courage, habituellement je n'aurais jamais osé demander ça. Ca doit être l'effet jumeaux Northwin.

- Ma mère est malade et j'ai besoin d'argent pour payer son traitement et tout le reste.

Sa réponse me met comme une énorme coup de massue dans le dos. C'est juste horrible.

- Je suis désolée, vraiment...

- Vous... Tu n'y peux rien.

Elle reprend son souffle avant de parler à son tour :

- Tu venais me voir pour demander de ne rien dire à tes parents ? Ne t'inquiète pas, je ne comptais pas le faire.

- Oh non, ce n'était pas pour ça. Je voulais discuter avec toi. Et savoir si tu voulais bien qu'on fasse connaissance ?

Noélie semble réfléchir un instant, puis dit :

- Tu es loin d'être comme tes parents, toi !

Elle plaque soudainement sa main contre sa bouche, regrettant immédiatement ses paroles. Quant à moi, je rigole.

- Ne t'inquiète pas, je suis complètement d'accord avec toi ! Plus le temps passe, plus je me rends compte que mes parents sont très traditionnels. Je ne suis pas comme eux. Enfin, je ne veux plus être comme eux.

- Dans ce cas-là, je veux bien qu'on discute. Mais ce n'est pas bizarre ? La fille de riche qui discute avec sa bonne ?

- Je ne vois pas le problème, lui assuré-je. Tu n'est pas différente de mes autres amis.

La jeune fille sourit sincèrement et son visage s'illumine. Elle n'a pas l'air d'avoir la vie facile et je suis heureuse de pouvoir lui apporter un peu de réconfort.

- On va sur la pelouse ? lui proposé-je. On pourrait discuter en regardant les étoiles.

Noélie acquiesce et me suit. Nous nous installons et même si au début, la conversation est emplie de gêne, l'atmosphère se détend rapidement. Elle se révèle très sympathique, même si elle semble avoir un caractère bien trempé. Nous discutons pendant une bonne heure, puis je décide qu'il est temps pour moi de retourner dans ma chambre. Je lui promets en même temps que je reviendrai discuter avec elle. Mais bon, voilà une nouvelle chose pour laquelle je devrais éviter de me faire surprendre par mes parents.