Chapitre 48

3.1K 153 14
                                    

- Plus de sorties ? dit Caleb en répétant ma dernière phrase. Plus du tout ?

- Plus aucune, soupiré-je. J'ai essayé de négocier, mais cette fois je n'ai pas ma sour pour me soutenir.

- Oh non, c'est vraiment nul ! s'indigne Marina. Tes parents, ils abusent quand même !

Je suis assise au self avec toute la petite bande, en train de manger un plat de pâtes bolognaise mal cuites. Merci, je suis au courant qu'ils abusent. Depuis que mon père m'a surpris avec Noélie samedi dernier, il ne m'adresse presque plus la parole, sauf pour me sermonner.

"Tu n'auras plus aucune sortie mis à part le lycée jusqu'à ce que tu obtiennes ton baccalauréat ! Et après, tu partiras dans l'école de médecine de ta soeur !"

Pour récapituler : Les cours avec Caleb, terminé ! Les sorties du samedi, terminé ! Les longues discussions avec Noélie, terminé ! Mais bon, heureusement, j'ai le lycée. Au moins ici, je suis libre, et puis j'ai Caleb et mes amis.

- Il n'y a même pas moyen que tu viennes à ma fête d'anniversaire ? insiste Marina, déçue.

Je secoue la tête négativement. Je suis aussi déçue qu'elle, croyez-moi.

- Je ne pourrai plus rien faire d'autre à par l'aller-retour lycée maison, et en voiture.

Mes amis me soutiennent tous dans ma galère. Ils sont très gentils de me partager leur soutien d'ailleurs, mais malheureusement ce n'est pas ça qui va faire changer mon père d'avis. Le connaissant, je suis réellement destinée à vivre de cette façon jusqu'à mon bac, comme il me l'a dit. Il n'est pas du genre à dire des paroles en l'air.

Après avoir terminé de manger, nous sortons tous les six dans la cour malgré la faible température. Alors qu'ils rigolent, je les regarde un à un, emmitouflée dans ma doudoune. Ces petites têtes que j'ai rencontrées cette année -enfin plus ou moins- sont vraiment géniales. Selena et Tom sont super mignons tous les deux et même s'ils ne sont pas mes amis les plus proches, ils ont toujours fait preuve d'une grande gentillesse envers moi. Marina... c'est une fille que j'aime énormément, toujours pleine de joie de vivre malgré ce qu'elle a enduré depuis le début de l'année. Ensuite, il y a Liam. Mon meilleur ami, un garçon toujours souriant que j'apprécie beaucoup. Je suis heureuse que nous soyons de nouveau amis, et ce sans ambiguïté. Et puis, il y a Caleb. Et je pense que vous savez déjà ce que je pense de lui.

Je savoure ces moments de bonheur avec mes amis. Cela fait tellement d'années que j'en ai rêvé... Maintenant que j'ai trouvé ces personnes qui me correspondent, je compte bien faire en sorte qu'elles ne disparaissent jamais de ma vie.

***

La voiture de monsieur Darwin, mon chauffeur, freine devant chez moi. Maintenant que les sorties à la bibliothèque sont terminées, mes parents ont préféré que je recommence à faire le trajet en voiture, sans doute de peur que j'y aille quand même malgré leurs ordres.

J'ouvre la porte de chez moi, déçue que les cours soient terminés pour la journée. Je retire ma veste et l'accroche au porte-manteau. Quand je me retourne, Noélie se trouve face à moi, me faisant sursauter.

- Tu m'as fait peur ! m'exclamé-je.

Je remarque tout de suite qu'elle semble un peu paniquée, jusqu'à ce qu'elle dise :

- Tes parents, il sont rentrés plus tôt de leur boulot aujourd'hui. Ton père avait l'air assez énervé, et j'ai pu entendre un peu leur discussion...

Je fronce les sourcils, l'invitant à continuer :

- Ton père est persuadé que tu caches quelque chose, ils sont dans ta chambre...

Oh non. Tout mais pas ça.

Je me rue aussitôt au premier étage sans même remercier Noélie -la politesse attendra-, puis fonce jusqu'à la porte de ma chambre. Ma mère est dans l'embrasure et quand elle me voit, elle affiche un air sincèrement désolé :

- Ma chérie, je suis vraiment désolée, je lui ai dit de ne pas fouiller ta chambre...

Mon coeur accélère fortement quand j'entends ma mère. Je crois que je vais officiellement décéder dans quelques instants...

J'entre prudemment dans la pièce, pas à pas. Et c'est là que je vois le désastre. Sur mon lit sont éparpillés la pile de vêtements que j'ai caché à mes parents, le téléphone volé par Mathilde, et des tas d'autres choses qui prouvent ma culpabilité. Tout ce que j'avais caché au fond de mon armoire.

Mon père me regarde. Contrairement aux autres fois, il est très calme.

- Je suppose que tu as acheté ces vêtements avec l'argent soi-disant donné à une association ? commence-t-il, toujours avec une voix normale.

J'avale ma salive, totalement impuissante dans cette situation. Je ne peux pas mentir, c'est évident que je n'ai pas d'excuses.

- Un téléphone que tu as volé dans mon bureau, reprend-il en regardant mon lit, un ours en peluche et un billet de fête foraine ? Donc tous ces jours où tu nous disais aller à la bibliothèque, tu faisais des sortie en douce. En plus de ton amitié avec une employée et la stupide fête où tu es allée.

Je me tourne vers ma mère, les larmes aux yeux. Depuis la porte, elle me regarde, avec un air triste qui veut dire "Je te soutiens mais je suis tout de même également déçue".

- J'imagine que ce sont les adolescents puérils de ton lycée qui te donnent une mauvaise influence, soupire mon géniteur.

Les larmes roulent désormais le long des mes joues. Je sais très bien que mon père aura beaucoup de mal à me pardonner cette grande déception.

- Je suis désolée...

- C'est trop tard pour être désolée, Albane. Je n'ai plus le choix. Dès la semaine prochaine, tu iras dans une école de correction.

Après avoir dit ceci, mon père marche jusqu'à la porte et sort. La porte se ferme, et j'entends un loquet tourner. Je mets plusieurs minutes à assimiler ceci.

Une école. Une école de correction.

Quoi ?! Non, comment peut-il me faire ça ?

Je me jette sur la porte et tourne brusquement la poignée, mais elle est fermée à clé. Depuis quand y a-t-il un verrou à cette porte ?!

- Non ! hurlé-je, espérant que mes parents m'entendent. S'il vous plaît, papa, maman, pas ça !!

Je m'acharne contre la porte pendant un long moment, avant de finir par abandonner. Le corps tremblant, je m'assois contre la porte et plonge ma tête dans mes mains pour pleurer longuement. Je hais mon père. Je le hais tellement ! A tout m'interdire comme ça ! Je me hais aussi. J'ai joué avec le feu pour pouvoir connaître le bonheur d'une adolescente normale, et voilà tout ce que j'y gagne. J'en suis réduite à tout perdre.

Soudain, je pense à Caleb et relève la tête brusquement. Je me lève et ouvre la fenêtre. Je n'ai réellement plus rien à perdre. Je regarde le sol et constate qu'il est un peu trop haut pour que je puisse sauter. J'attrape donc ma couette et mon plaid et les noue ensemble, en espérant que ça va tenir. Comme dans les films, je me sers de ceci pour sortir par ma fenêtre.

L'opération réussie, je ne perds pas plus de temps et commence à courir en direction de la seul personne que j'ai en tête.

---

Ah, ça me fait tellement bizarre de me dire que le prochain chapitre est l'épilogue :'(

DEAL ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant