Chapitre 12

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Ca y est. Le samedi après-midi tant attendu est enfin arrivé. Comment je me sens ? Je suis mélangée entre la joie de pouvoir porter de nouveaux vêtements et la peur face à mes parents. Vais-je réussir à leur mentir à propos du trou sur mon compte en banque ? Vais-je réussir à porter ces fameux habits sans me faire surprendre ? Certes, mes parents ont des horaires de travail assez complexes et tordues : du lundi au mercredi, ils travaillent de huit heures à dix-neuf heures, et du jeudi au samedi de quinze heures à deux heures du matin. Je ne comprends rien à leur métier -ils gèrent une entreprise d'agents secrets ou quelque chose comme ça-, mais ça ne m'empêche pas d'avoir peur de les croiser par mégarde.

En bref, je stresse, et pas qu'un peu. Marina et Caleb vont me choisir des tas de vêtements, j'ai peur qu'ils soient immondes. Bon, je n'ai plus qu'à espérer que je suis bonne actrice.

C'est l'heure, et avant de partir, je me souviens que je dois demander à mes parents, avant qu'ils partent au travail, si dorénavant je peux aller en cours et à la bibliothèque à pied.

- Tu pars, ma chérie ? me demande ma mère quand j'arrive dans le salon. Je vais prévenir monsieur Darwin.

- A ce sujet... Serait-il possible que j'aille en cours et à la bibliothèque à pied, maintenant ? C'est plus écologique que d'utiliser la voiture pour une si courte distance.

Mon père semble réfléchir un instant car son front se plisse, puis il répond :

- Tu as raison, ma fille. Je suis agréablement surpris que tu te préoccupes du bien-être de notre planète. Mais je te prie sincèrement d'être prudente.

Comme s'il pouvait m'arriver quelque chose...

- Merci ! les remercié-je.

Partir incognito où je veux, c'est fait. Mais malgré tout, quand je me retourne pour aller chercher une veste, je ne peux pas m'empêcher de sentir une grosse boule dans ma gorge. Je me sens mal de leur mentir, je n'avais jamais fait une chose pareille. Mais j'imagine que la culpabilité est le prix à payer pour ce que je fais.

Mes parents ont confiance en moi, et moi je leur mens.

- N'oublie pas qu'on ne sera pas là à ton retour, me rappelle ma maman avant que je passe la porte.

Et s'ils savaient à quel point ça m'arrange, je pourrai tranquillement rentrer avec mes sacs pleins de vêtements.

Je sors enfin de la pièce, attrape mon sac ainsi qu'un gilet en laine, par ces temps qui se rafraîchissent et je sors de chez moi.

Sur le chemin, je me souviens que Caleb m'a donné une playlist. Je mets donc maladroitement mes écouteurs, prête psychologiquement à entendre du rap immonde. Sauf qu'à ma grande surprise, j'aime bien. Il y a des chansons anglaises et françaises actuelles, ainsi que quelques rocks des années quatre-vingt, je dirais. Mais quelle joie, pas de rap ! Ou presque. Personne n'est parfait, de toute façon.... Je découvre quelques unes des musiques jusqu'à arriver au centre commercial.

C'est géant. Il y a des tonnes et des tonnes de magasins de toutes sortes, et au moins trois étages et un sous-sol. Sans compter le parking sous-terrain. J'aperçois Marina et Caleb devant la grande entrée et je m'approche d'eux en rangeant mes écouteurs blancs.

- Alors, prête pour un relooking complet ? me demande Caleb pendant que je leur fais la bise.

- J'ai un peu peur... je réponds.

- T'inquiète pas, je suis une professionnelle de la mode ! s'exclame Marina.

Est-ce censé me rassurer ? Caleb semble remarquer ma détresse, et pendant une seconde j'ai l'espoir qu'il me dise : "T'inquiète, on le fait seulement si t'es d'accord". Malheureusement, je suis idiote, je le sais. Mais l'espoir fait vivre. Il prend ma main et m'emmène de force vers l'intérieur. Je fais mine de me débattre, juste histoire de cacher la gêne qui s'est emparée de moi depuis qu'il a pris ma main.

Il a fait ce geste comme ça. Normalement, deux personnes se tiennent la main quand il sont en couple... Non ?

A peine rentrés dans le premier magasin, Marina se met à courir dans tous les sens et à dénicher des tas de vêtements. Elle semble heureuse, je crois qu'elle est dans son élément. Quand elle revient vers moi avec une grosse pile d'habits, je lui demande :

- Tu aimes bien tout ce qui est mode, je me trompe ?

- Exactement ! me répond la rouquine. En fait, j'aimerais devenir styliste et créer ma propre marque de vêtements. J'ai déjà créé quelques modèles, je pourrais te les montrer un jour. Enfin, si tu veux.

J'acquiesce en souriant. Elle est vraiment gentille, cette Marina. Pas comme Lucie. Caleb a l'air d'avoir raison, peut-être qu'ils ne sont pas tous comme elle.

- Direction la cabine d'essayage ! s'exclame-t-elle. Tu as vraiment besoin d'un relooking.

Plus les gens me disent ça, plus je me sens mal à l'aise dans ma jupe longue et mon gilet.

Le calvaire commence. Enfin, pas tant calvaire que ça, finalement. Marina me fait essayer des jeans, des pulls, des sweats, des bijoux, et j'en passe. Et ceci durant tout l'après-midi. Chaque fois que je sors de la cabine avec une nouvelle pièce, Marina s'exclame et me donne son avis comme une folle. Je peux aussi voir Caleb qui m'observe du coin de l'oeil, restant neutre la plupart du temps, mais me complimentant quelquefois. Et ça me réchauffe le coeur de savoir que pour une fois, un garçon me trouve belle. Que Caleb me trouve belle.

A la fin de la séance, je me retrouve avec cent euros de dépenses bien tassé.

Alors que nous nous apprêtons à sortir, mes yeux sont attirés par un magasin de baskets. Je m'arrête devant.

- Tu n'as pas de baskets de marque ? me demande Caleb.

- Non... Mes parents n'ont jamais voulu.

Soudain, le téléphone de Marina se met à sonner. Elle s'excuse et s'éclipse pour répondre.

- Il y a un modèle qui te plaît, là-dedans ? continue-t-il.

Je lui montre une des paires de baskets en vitrine qui sont de couleur noire.

- J'ai toujours rêvé d'avoir une de ces paires-là. Mais je ne peux pas me permettre de les acheter, elles coûtent soixante-dix euros et c'est trop. J'ai déjà dépensé bien assez.

Caleb hausse les épaules.

- Une autre fois peut-être.

Caleb finit par partir, et je propose à Marina de lui tenir compagnie en attendant que son bus arrive. Je la remercie encore.

- Je t'aime bien, Albane, m'assure-t-elle. Tu sais garder un secret ?

Je réponds positivement.

- Tu es différente de Lucie, et c'est super. Toi, tu es gentille et tu t'intéresse à moi. Tu sais, Selena et moi nous ne sommes pas des toutous comme la plupart des gens le pensent. On n'a pas trop le choix, et être avec Lucie est un peu dur à vivre.

- Alors pourquoi ne partez-vous pas de ce groupe ?

- Tu t'en doutes, Lucie détruirait notre image, soupire Marina. C'est comme ça quand on entre dans le groupe des populaires. On n'en ressort pas.

Je déglutis. Quelle joie de devoir désormais supporter Lucie la peste au quotidien. Et Carter le flippant.

- Mais maintenant que t'es là, ajoute la rousse, ça va être cool.

Je l'espère de tout coeur, Marina...

DEAL ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant