Prologue.

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Les ténèbres engloutissaient peu à peu toute lumière. Une silhouette masculine, dissimulée sous une large cape, arpentait les allées d'un jardin dont chaque fleur portait la marque de la flétrissure.

C'était son jardin, son sanctuaire. Ici, la nature lui obéissait aux doigts et à l'œil. Ici, il en était le maître. Cela l'emplissait d'une satisfaction presque malsaine chaque fois qu'il y déambulait. Cela lui rappelait sa puissance passée avant que le sort ne s'acharne contre lui et ses semblables.

Mais cela ne durerait point. Il était un de ses descendants directs. Il se vengerait. Il s'arrêta face à un chêne dont le bois pourrissait dans de sinistres craquements. Sur le tronc épais, une étrange gravure ressortait malgré les ténèbres : une fleur fanée était prisonnières de chaînes si épaisses qu'on pouvait se demander comment elle faisait pour toujours tenir debout. Les verres grouillaient le long du dessin, en parfait décomposeurs.

La vie quittait l'arbre, délicieuse vision. Pourtant tout semblait si lent, si pesant de son jardin idyllique... Il en venait à oublier que le temps passait. Mais comment oublier que ce soir, son rêve se réalisait ? Il n'en pouvait plus d'attendre, c'était insoutenable. Et lorsqu'enfin, on vint le troubler dans sa promenade nocturne, il crut sentir son cœur – organe rabougri et pourri – redémarrer dans sa poitrine.

« Maître ?

La silhouette encapuchonnée se retourna. Son visage encore dissimulé par l'ombre fut éclairé brièvement par un éclat de lune. L'homme qui venait de l'interpeller recula d'un pas avant de s'agenouiller. Il avait l'air à la fois profondément terrifié et empli de respect. Un mélange qui détonnait.

Pourtant cela n'intéressa pas le moins du monde le maître des lieux qui fronça des sourcils et qui interrogea avec sécheresse :

- Où est mon paquet ?

L'homme déglutit.

- Le rituel s'est bien passé. À l'endroit même que vous aviez indiqué, la terre était vierge de toute nature. Nous y avons alors déposé la fleur que vous nous aviez confiée avant de verser notre sang sur elle. Nous avons respecté chaque indication que vous nous aviez donnée. Ça avait fonctionné, je vous le jure. Elle était revenue de là d'où nul ne revient jamais, nous l'avions !

- Où est-elle alors ?

L'impatience qui trônait dans le grognement de son maître terrifia l'homme qui s'empressa de répondre, baissant la tête pour fuir le regard furieux.

- Il est arrivé. L'homme aux yeux d'or, le fils du dieu. Il est arrivé et il a massacré les autres. J'ai réussi à m'enfuir mais je n'ai pas pu la récupérer. Il s'en est emparé et a fui avec elle.

Le silence suivit sa déclaration. Un silence qui n'annonçait rien de bon. Le jardin déjà flétrit parût dépérir un peu plus sous l'assaut de la colère qui grondait au sein de l'âme du maître des lieux.

- Pauvre fou ! Vous n'aviez qu'une mission, une seule ! Et vous avez trouvez le moyen d'échouer ! Le fils du dieu la mettra en sécurité. Nous ne pourrons plus mettre la main sur elle.

- Je vous promets de la retrouver maître ! Je n'échouerai plus, promis...

- Je l'espère pour toi. Sans elle, nous ne parviendrons pas à accomplir notre destiné. J'ai trop attendu qu'elle paye. Si tu ne la retrouves pas, nous aurons attendu tout ce temps pour rien. Disparait maintenant. »

Le subalterne balbutia quelques paroles avant de s'exécuter.

L'être encapuchonné poussa un soupire avant de lever la tête vers le ciel. La nuit était sombre, sans lune et il ferma un instant les yeux pour sentir le frottement du vent contre son visage. Mais il ne sentait plus rien depuis une éternité déjà. Une grimace amère déforma ses traits lorsqu'il gronda :

« Pourquoi nous avez-vous fait cela, mère ? »

Rien ne lui répondit hormis le silence. Un rire mauvais lui échappa et sans s'adresser réellement à personne, il reprit :

« Je suis de retour, mère. Vous verrez, je réussirai. »

Il se pencha par-dessus une vasque remplie d'eau cristalline qui trônait près du chêne. Flottant délicatement sous les rayons de la lune, un nénuphar rouge venait de fleurir plus tôt dans la soirée, symbole du rituel accompli. L'homme esquissa un rictus avant de tendre sa main vers les pétales soyeux. Ceux-ci frémirent, comme dotés d'une propre vie. Mais ils ne pâtirent pas des étranges dons de la créature qui observait la plante d'un œil torve. Cela n'avait pas d'importance.

Toute fleur connaissait sa flétrissure.

~*~

Bonjour et bienvenue sur Yerine !

Encore une fois, je rappelle qu'il est conseillé d'avoir lu la trilogie Mélusine avant de se lancer, faute de se retrouver parfois un peu perdu x)

J'espère que ce petit prologue vous a plu et vous intrigue assez pour vous pousser à lire la suite ;)

À dimanche !

Dredre

Yerine (Mélusine HS.1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant