Chapitre 19.

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Nous sommes arrivés en Italie. Au Sud plus précisément. Après des heures de voyage sur un bateau à moteur qui rugissait terriblement au cœur de l'océan, un océan étrangement calme par ailleurs, nous avons atteint une petite ville costière. Du peu que j'ai compris, nous devons notre traversée peu mouvementée à Melusine et notre moyen de transport à Seth. Je n'ai même plus assez d'énergie pour ressentir la moindre jalousie. J'ai sommeillé la moitié du trajet et maintenant que nous avons pieds à terre, je suis Orphée, comme un zombi.

La nuit est à nouveau tombée. J'ai l'impression que le temps m'échappe... Terriblement. Lorsque j'en fais la remarque à voix haute, mon compagnon se contente de souffler, paraissant lui aussi éreinté :

« Je crois que le Temps n'a jamais vraiment appartenu à qui que ce soit... Qu'il nous échappe à tous et que l'immortalité n'est qu'un leurre...

Je lui jette un drôle de regard.

- Orphée... Combien de temps s'est passé exactement ?

- Moins de deux jours.

Je le dévisage, atterrée. Comment tant d'horreur ont pu arriver en si peu de temps ? En une semaine à peine, ma vie a basculé, plongeant dans un véritable cauchemar. Je ne dis plus rien et le laisse m'attirer à sa suite dans le hall d'un petit hôtel. Et bien, nous ne croulons pas sous le luxe mais il est certain que nous serons tranquille là-dedans...

À peine parvenons-nous à une chambre que le héros fait volte-face, jetant son grand sac de voyage au sol, alors que je referme la porte derrière nous.

- Que s'est-il passé sur cette île de malheur ?

Je m'appuie contre la porte et penche la tête, surprise par son interrogation. Hésitante, je lâche :

- J'étais dans une sorte de prison. Dans l'obscurité.

- Seule ?

Sa question réveille une douleur en moi que j'étouffe aussitôt, fixant une tache au sol pour oublier à tout prix les images d'Isadora et de sa gorge tranchée. Je préfère éviter de vomir sur les chaussures de mon compagnon. Son regard posé sur moi, ne trahit aucune émotion, aucun jugement. Si bien que poussée par l'envie de me libérer de ses sentiments qui menacent de m'étouffer, je raconte. Tout. Absolument tout. Mes rêves, ma rencontre avec Isadora, puis celle avec Flétrissure... Les paroles de cet étrange être qui sonnent comme une malédiction, ses désirs, sa vengeance... Orphée m'interrompt pour me demander si j'en sais plus sur lui, sur ce qu'il est. Je secoue la tête négativement.

Je ne sais rien de Flétrissure. Rien hormis qu'une rage vengeresse l'habite et que sa haine destructrice le pousse à vouloir arracher mon cœur.

- Mais pourquoi ?

Je hausse des épaules avant de souffler :

- Il semblait persuader que je lui avais fait quelque chose par le passé. Une chose horrible. Et je crois qu'il a raison. Mais je ne m'en souviens pas. Rien chez Eurydice. Rien chez Yerine. Enfin moi. Enfin... Tu as compris !

Il hoche de la tête, perplexe.

Puis vient le tour de mon retour en cellule. De la guérison d'Isadora. Puis de sa mort. Les mots m'échappent sans que je ne contrôle rien. J'ai l'impression de n'être que la spectatrice des faits que je raconte. Et en quelque sorte, c'est le cas. Car je n'ai fait qu'assister à la mise à mort de la naïade. Je n'ai rien fait. Je n'ai pas agi.

Se rendant probablement compte des noirs idées qui embrument mon esprit, Orphée brise la distance qui nous sépare en deux pas et me serre contre lui, de ses grands gestes d'ours bourrus, à la fois tendre et désespéré.

Yerine (Mélusine HS.1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant