Chapitre 29.

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La douleur qui déchire ma cuisse revient à la charge alors même que tout s'assombrit autour de moi. Les nymphéas au-dessus de ma tête bloquent la lumière. Je me sens soudain prise au piège dans cette eau vaseuse et verdâtre qui m'entoure. Un filet de sang rouge s'échappe de ma jambe, tâche colorée sous mes yeux. La plaie guérit lentement mais la douleur ne disparaît pas.

Les longues tiges des nénuphars s'enroulent autour de mon corps, de mes bras, de mes jambes, m'empêchant de retourner à la surface. Je me débats comme je peux, luttant pour me défaire de leur prise mortelle mais plus je lutte, plus je m'emmêle. L'air finit par me manquer. L'eau s'engouffre dans ma bouche, mon nez, mes poumons. Je vais mourir noyée dans ce bassin censé me rendre ma nature véritable. Ma vue finit par se brouiller tandis que peu à peu, je perds toutes mes sensations. Je suis fatiguée... Si fatiguée...

L'obscurité finit par m'envelopper entièrement.

Silence, froid et ténèbres.

*

Boum, Boum, Boum...

Un son vient vient troubler le silence, me tirant légèrement de mon inconscience. Suis-je morte ? Qui suis-je au fait ?

Boum, Boum, Boum.

Le battement se répète, résonne. Comme une musique oubliée. Comme un tambour.

Non, pas un tambour !

C'est mon cœur ! Mon cœur qui se remet à battre dans ma poitrine avec plus d'énergie que jamais. Je sens la Nature, partout autour de moi, en moi... En mon cœur. Elle se déverse dans mes veines à chaque pulsation. Elle brûle à m'en faire hurler, elle me glace à m'en faire trembler.

C'est comme si je me réveillais d'un long sommeil.

Mes poumons se gonflent d'air.

Une étrange lumière se met à m'entourer. J'essaye de rassembler mes esprits, portant une main à ma poitrine. Tout me revient aussitôt en mémoire par des flashes à la violence innée, me laissant sans voix, me rappelant qui je suis.

Mère Nature, Gaïa pour le grecs... Une entité mineure...

Un soupire de soulagement m'échappe. Que c'est bon de se réveiller après un si long sommeil.

Je me fige aussitôt à cette pensé. Alors cela a fonctionné ? Je suis réellement parvenue à préserver mon cœur et à me réincarner... Un sourire étire mes lèvres. Chronos, l'entité du Temps, ne croyait pas cela possible quand je lui ai fait part de mon projet. Il disait qu'avec sa possibilité d'avoir accès à tout l'espace-temps, il avait vu de multiple futur et aucun ne me contenait. J'ai finalement réussit à me dissimuler à lui aussi. La satisfaction que je ressens à cet instant est cependant vite chassée par de nouveaux souvenirs.

La terreur gagne aussitôt mon cœur, rompant la douce béatitude qui m'entourait tandis que toutes mes réincarnations me reviennent en mémoire... D'abord celle en tant qu'Eurydice, puis d'autre encore, accompagnée de leur caravane de douleur et de chagrin... Et enfin celle en tant que Yerine refait surface, avec tout son lot d'émotions.

Soudain je me rappelle du combat près du bassin au nymphaea pour provoquer mon réveil.

La lumière autour de moi disparait, laissant à nouveau apparaitre les profondeurs du bassin aux nymphaea. C'est alors que je me rends compte que je ne suis qu'une projection de mon esprit. Mon corps flotte juste face à moi. Je penche la tête sur le côté surprise. Quelque chose dans mon apparence semble avoir changé. Je secoue la tête. Évidemment, il s'agit de Yerine. Enfin de moi ! Ma peau semble plus pale que d'ordinaire tandis que mes cheveux blonds flottent autour de mon visage dans un mouvement lent, suivant les remous de l'eau. C'est vrai que je me suis noyée... Il faut absolument que je sorte d'ici. Et que je trouve un moyen de regagner mon corps aussi. Il fait peine à voir, à flotter ainsi.

Yerine (Mélusine HS.1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant