Chapitre 24.

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Avez-vous déjà été pris d'un fou rire terrible, à vous en tordre l'estomac et vous faire pleurer alors que la situation ne s'y prêtait pas ? Lorsque la principale de votre collège passe un savon à votre classe de troisième par exemple... Ou à l'enterrement de vos parents. Mieux encore ! Lorsqu'une prêtresse de la Vie vous annonce que vous seriez Maman Nature en personne !

Entre deux hoquets de rire, je parviens à articuler :

« Pardon ?

Elämä ne semble pas le moins du monde perturbée par mon accès d'hystérie. D'un ton toujours aussi égal à elle-même, elle explique :

- Tu n'es pas seulement une créature de la nature, chère Yerine. Tu es la Nature elle-même, mère nature, ou Gaïa dans la mythologie Grecque, si tu préfères ! Ton cœur est celui de la Nature.

Trop de fois le mot Nature en une seule phrase. Mon cerveau a totalement cessé de fonctionner, me laissant baigner dans une perplexité totale. Mon rire se calme cependant.

- C'est censé vouloir dire quelque chose ?

Elle hoche de la tête affirmativement. Je soupire. Je devrais m'estimer heureuse. Au moins, je n'ai pas à mourir cette fois-ci pour obtenir mes réponses. Selon mon père, il faut toujours relativiser. En pensant à lui, je porte la main à mon pendentif, comme s'il avait le pouvoir de m'insuffler du courage. J'aimerais que ça soit le cas. Je déglutis avant de lâcher, appréhendant déjà la suite.

- Je t'écoute alors. Révèle-moi ce que je ne sais pas encore. Je veux la vérité. Toute la vérité.

- Bien avant la création des dieux, la Vie et la Mort ont créé cette Terre et ont chargé certaines entités mineures, telle que la Nature, de s'assurer que celle-ci puissent abriter la vie.

Elle s'arrête un instant et ferme les yeux, comme pour se remémorer ce qu'elle me conte.

- Et ensuite ?

- Eurydice est loin d'être ta première réincarnation. Tu en as eu d'autres. Chaque fois, tu te dissimules un peu plus dans l'espoir que jamais personne ne puisse mettre la main sur toi. Chaque nouvelle identité a brouillé la piste qui pouvait mener à toi. Eurydice est l'une de ces identités. Voilà pourquoi la Vie, que je sers, et sa sœur la Mort, ont cru que tu n'étais que sa réincarnation. Tu les as tous berné. Même ce cher Orphée.

Non, c'est faux ! Ce n'était pas moi ! Pas consciemment en tout cas. Cette histoire me plonge dans la plus grande des perplexités. Je pourrais ne pas croire la prêtresse mais... Mais étrangement, tout dans la Nature me hurle que c'est la vérité. C'est comme si... Comme si je le savais ! Impossible...

- Mais pourquoi ?

- Il y a longtemps, Mère Nature – ou Gaïa, encore une fois c'est comme tu préfères – a dû affronter un grand danger suite auquel elle a jugé qu'il valait mieux s'assurer que, quoiqu'il arrive, son cœur survive. Parce que c'est lui qui assure plus que tout l'équilibre de la nature. Ton cœur est la nature.

Instinctivement, je porte une main à ma poitrine. Mon cœur m'a toujours semblé normal. Il s'emballe quand je me retrouve face à quelqu'un que j'aime, il s'arrête sous le coup de la frayeur. Rien de plus. Rien de moins. Ce n'est qu'un cœur... Et pourtant, selon les dires d'Elämä, il s'agirait de bien plus que cela.

- Chaque fois que tu es morte, la Nature a un peu plus perdu de sa force. Ta dernière mort a été la plus longue : les humains ont détruit la Nature.

Je secoue la tête. C'est trop. Trop d'information pour moi. Apprendre que je suis une nymphe et que le surnaturel existe ? Ok. Apprendre que je suis la réincarnation d'Eurydice, l'ex-femme de celui que j'aime ? Ok. Apprendre que je suis une destinée choisit par l'entité de la Vie afin d'assurer l'équilibre de la Nature après avoir rencontré la Mort ? Ok. Apprendre que je suis poursuivie par une secte composée de Descendants – mais descendants de qui ou de quoi ? – dirigée par une créature monstrueuse ? Presque Ok, on s'y fait... Mais ça ? Apprendre que je serais Mère Nature, se réincarnant depuis des millénaires ? Pas Ok. Pas Ok du tout ! C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Tentant de ne pas perdre pieds, mon regard se pose sur le petit lotus rouge, flottant lentement au centre de sa vasque, entouré de ses larges feuilles vertes. Etrangement, la seule question qui me vient en tête est la suivante.

Yerine (Mélusine HS.1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant