Chapitre 30.

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L'air saturé de parfums de la forêt m'entoure. Il me berce, comme s'il désirait me protéger du monde extérieur. Les yeux fermés, je profite des sensations que l'environnement me transmet. Les rayons du soleil caressent ma peau, avec douceur et tendresse, presque amoureusement. Quant à la nature, autour de moi, elle forme un tel écrin. Je la sens au plus profond de moi. Sans la voir, je la perçois. Il y a comme un lien entre nous. Un lien qui se forme pour de bon. Je m'y sens chez moi. En paix. Vivante.

Parce que je suis sa Mère. La mère de tout ce qui est vert sur cette terre. Je suis la Nature elle-même.

Ici, dans ce jardin qui a présidé à ma création, je me sens enfin moi-même. Après tout, je suis au cœur de moi-même. Un lieu préservé de tous et de tout. Je sens, sans nul besoin d'ouvrir les yeux, qu'à mes genoux un nénuphar a fleurit. Puisque c'est ici la source de ma magie, celle transmise au bassin des nymphaea.

Soudain, une branche craque, brisant la sérénité de ce jardin d'Eden, et j'ouvre les yeux, me relevant précipitamment. Pourtant la nature n'hurle pas au danger. Et pour cause.

Deux femmes me font face. L'une m'est totalement inconnue. De grands yeux verts aux reflets noirs assombrissent son visage aux traits orientaux encadré d'une longue chevelure frisée brune. Un serre-tête d'or sertie d'une émeraude lui ceint le front, assorti à sa robe verte. Je reconnais cependant la seconde femme à ses yeux bleus.

Mélusine incline la tête pour me saluer, un léger sourire aux lèvres.

« Bonjour Yerine.

Je la dévisage, surprise par leur présence. Un instant, me faire appeler par mon récent prénom me déstabilise. En ce lieu, je suis plus mère Nature que Yerine. Pourtant, c'est belle et bien qui je suis. Yerine ! Je secoue mes vêtements pour me débarrasser des brins d'herbe tout en faisant remarquer d'un ton relativement neutre :

- Je ne suis pas morte.

- Non en effet ! C'est pour cela que tu ne croiseras pas la Mort. Seulement nous.

« Nous. » Mon regard inquisiteur se pose sur celle qui accompagne la sirène. Melusine se tourne vers la mystérieuse femme.

- Yerine, je te présente Circé, une autre Destiné. Je suis sûre que tu as déjà entendue parler de la terrible sorcière !

- Une enchanteresse, pas une sorcière. rétorque la principale concernée, d'un ton neutre, presque ennuyé.

L'éclat de rire de la sirène résonne dans l'obscurité tandis que ladite Circé lève les yeux au ciel. Autour de moi, la nature ne semble nullement impactée par la venue des deux destinés. C'est comme si elles n'étaient pas là, à troubler le calme serein du lieu. Pour la première fois cependant, je m'interroge sur la raison de ma présence en ce jardin qui m'est tant familier. Relevant le menton, je m'enquiers :

- Que fais-je ici ?

Melusine hausse des épaules. C'est l'enchanteresse à ses côtés qui glisse, d'un ton froid :

- Ici, c'est le cœur du jardin de la Mort. C'est aussi le cœur de tous tes pouvoirs. Un lieu qui t'es entièrement dédié et que notre chère entité de l'au-delà a décidé d'emplir de ta magie. Les humains ont appelé cela le jardin d'Eden.

- Vous ne m'apprenez pas grand-chose.

Grâce aux souvenirs de toutes mes vies antérieures, je le sais déjà. D'un ton un peu plus dramatique, l'ancienne amante et amie d'Orphée m'explique :

- On nous a envoyé te transmettre un message. Heureusement que ça en vaut la peine parce que j'étais en pleine divine dispute et ça m'emmerde tout de même d'être partie sans avoir eu le dernier mot.

Yerine (Mélusine HS.1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant