Chapitre 5

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Ils se tiennent là, face à moi, front contre front, leurs lèvres se frôlant.

Cette vision me brise le cœur et je me fais l'effet d'une terrible voyeuse. C'est presque malsain. Détournant le regard je ne peux empêcher les milliers d'interrogations qui se bousculent dans mon esprit de me tourmenter. Deux d'entre-elles prédominent plus que tout. Qui est-elle ? Et pourquoi a-t-elle appelé mon compagnon... Orphée ?

Le jeune homme se détache d'elle, et une culpabilité profonde se peint sur visage. À voix basse, il souffle :

« Bonsoir Mel'...

Un sourire vient tordre les lèvres de la sublime femme qui relève le menton. Soudain, elle le gifle violemment, me faisant sursauter alors que j'écarquille les yeux, perdue pour de bon. Sa voix rauque croasse, brisant le brouillard d'incompréhension qui m'entourait.

- Tu m'as abandonnée !

Et là, je sens la peine et la fureur de sa voix. La sensation d'abandon si profonde... En cet instant, elle dégage tant de sincérité que j'éprouve de la compassion. Si je n'avais su ce que cela faisait, peut-être n'aurais-je pas compris. Mais le regard de l'étrange créature est si parlant, que je devine l'étendue de son ressentiment. Orélien pousse un soupir, me jetant un petit regard contrit, comme s'il était désolé de m'infliger cette scène.

- Je suis désolé, j'étais...

- Occupé, je sais bien. Heureusement que Bellérophon est venue m'aider sinon je ne serais plus devant toi. Tu m'as abandonnée, Orphée.

- Mais tu as survécu.

- Je suis morte. Morte tu m'entends ! Ça fait mal et c'est atroce. Je me suis sacrifiée pour la belle gueule de Poséidon, pour mes sœurs, pour toi, parce que les dieux libérés t'auraient encore tué !

Ils se toisent et je jurerais que des éclairs circulent entre eux. Quant à mon cerveau il vient de cesser de fonctionner. Morte ? De quoi parle-t-elle ? L'espace d'un instant, je me demande à nouveau si je ne suis pas dans un coma éthylique après avoir trop bu chez Yvana, en train de rêver. Parce que tout ce qui est arrivé depuis que j'ai mis les pieds en dehors de sa maison me paraît des plus absurdes. Une secte, un meurtre, une sirène et maintenant ça ? Pourquoi mon colocataire semble-t-il ainsi familier à ce monde ? Je le dévisage stupéfaite tandis qu'il tente de se justifier. Son si beau regard s'obscurcit.

- C'est nouveau ça ! murmure Orélien en saisissant la mèche blanche qui détonne sur la chevelure de la femme qui se met à ricaner.

- Un cadeau de la mort.

Son ricanement se transforme en une avalanche de reproche. Elle reprend ses piques auxquelles mon ami répond avec un plaisir certains, je le vois maintenant. Quelle a été leur relation pour que de telles accusations fusent entre eux et pour qu'ils se prennent la tête de cette façon ? Pour qu'ils s'embrassent ainsi ?

Je me mords la langue. Au final, la tension sexuelle entre eux est indéniable. Que croyais-je ? Elle est si belle : grande, brune, magnifique... Tout mon contraire. Je ne sais pas pourquoi je n'ai pas pensé au fait qu'il avait déjà une compagne. J'aurai dû, c'est si évident... Ils sont si beaux ensembles. Ce n'est pas la jalousie qui m'étouffe mais bien la résignation. La situation commence à me rendre folle, je ne comprends plus ce qui m'arrive. Tant et si bien que mon cri de rage m'échappe sans que je ne puisse me contrôler.

- Ça suffit !

Leur dispute cesse aussitôt et tous les deux se tournent vers moi, surpris par mon hurlement. Ma voix était finalement plus aiguë que ce que j'aurai voulu mais cela a fonctionné, c'est ce qui compte. Croisant les bras, j'accuse Orélien, à la limite de l'hystérie :

Yerine (Mélusine HS.1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant