Chapitre 2.

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Orélien est resté impassible tandis que comme une furie, je me suis relevée tout en pestant sur mes vêtements salis et mon repas du soir foutu. Il me suit, amusé dans l'appartement que je suis en train de retourner dans l'espoir de trouver de quoi sauver la situation. Ce qui semble ravir le jeune homme qui, appuyé sur son mur, me lance :

« Qu'est-ce que tu cherches comme ça, petite ?

- De quoi me changer et manger. Et arrête de m'appeler petite ! Je n'ai plus seize ans.

Il s'esclaffe, amusé par ma réplique avant de secouer la tête et de lancer d'un ton faussement – ou pas – arrogant :

- Heureusement que tu as quelque chose comme le meilleur coloc au monde.

J'attrape de justesse le sandwich végétarien qu'il me lance à la figure.
J'écarquille des yeux avant de me fondre dans un sourire que je ne peux retenir en m'exclamant :

- Tu es le meilleur Orélien !

- Je le sais bien Yerine.

Il m'adresse un clin d'œil. Toute à la satisfaction de mon appétit vorace, je ne peux m'empêcher de faire remarquer :

- Je tiens juste à préciser que si tu n'avais pas débarqué dans cette maison comme un ouragan mon dîner préparé par moi-même – tu noteras l'effort – n'aurait pas fini par décorer le carrelage de notre cuisine.

Son regard me détaille un instant, avec un sourire presque attendri. Je sais qu'il adore mon style. C'est d'ailleurs lui qui m'a offert la jupe noire à fleur rouge vintage que je porte. Une jupe désormais ruinée. Lui tendant un pendentif orné d'une petite pierre rouge que je me plais à croire être un rubis – même si les chances qu'il s'agisse vraiment d'un sont maigres – je souffle :

- Tu me l'accroches ?

Il acquiesce et se glisse dans mon dos. Décalant mes cheveux sur le côté, ses doigts effleurent ma nuque et je lutte pour ne pas frissonner. Stupide corps. Stupide cœur. J'admire la pierre rouge flamboyer au creux de ma gorge, mes pensées s'envolant vers mon père. Il était joaillier et c'était son cadeau pour mes seize ans. La voix d'Orélien me fait sursauter :

- Tu sors ?

- Une amie de ma fac de médecine organise une soirée.

Faire la fête... À croire que c'est la seule solution pour s'amuser quand on a mon âge. On danse, on boit, on se drogue parfois, on fait des rencontres, on s'amuse, on s'embrasse parfois bien plus... On vit. Mais est-ce cela la vie ? Des illusions dans des bars ou des locaux puant la cigarette ? Je veux vivre... Qu'est-ce que c'est que vivre ?

Le ton inquiet de mon colocataire me tire de ma rêverie.

- Mais... C'est la pleine lune ?

Je fronce des sourcils, ne voyant pas où il veut en venir. Puisqu'il ne semble pas vouloir préciser sa pensée, j'ironise :

- Il n'y a pas de loup-garou à Stockholm.

Par ailleurs, je ne pense pas qu'il y en ait nulle part ailleurs mais les chances pour qu'Orélien le prenne pour une mauvaise blague sont trop élevées. Si mon colocataire croit aux créatures surnaturelles en tout genre, ce n'est pas à moi de juger quoique ce soit ! Il hoche la tête avant faire mine de s'en aller. Pourtant, poussée par un élan que je ne m'explique pas, je l'interpelle.

- Tu veux venir ?

Il se retourne surpris, un étrange éclat dans le regard. Je n'ai pas le temps de regretter ma proposition. Son expression s'adoucit et il secoue négativement la tête. Je dissimule ma déception, mes dents plantées dans ma lèvre inférieure.

Yerine (Mélusine HS.1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant