Chapitre 20.

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Lorsque je sors de la salle de bain, dans des vêtements tous propres et surtout, débarrassée de tout ce sang et cette terre qui les recouvraient, je trouve Orphée, assit à même le sol, sa lyre en main. Surprise, je m'adosse à la porte. Je ne sais pas s'il m'a vu cependant, ses doigts s'approchent des cordes qui paraissent faites en fil d'or et les effleurent. Un son harmonieux s'en échappe. Étrangement, cela réveille des souvenirs en moi.

Je ne peux m'empêcher de fermer les yeux pour me laisser bercer par les notes que la lyre du héros laisse s'envoler. Je reconnais l'air qu'il m'avait joué chez Melusine. Un air qui trouve écho au plus profond de moi, tandis qu'il se met à chanter, de sa voix si douce et si grave.

Ce soir, Nix est tombée,
D'un coup fatal à sa beauté,
La lune s'est levée.

Sous ses pales rayons,
En reine, tu t'es avancée,
Guidée par ma chanson,

Toi nymphe que rien n'afflige,
Toi que la nature érige
En une déesse plus belle encore
Que celles qui ne craignent la mort.

Dryade au cœur pur,
Voudras-tu m'aimer ?
Seras-tu mon futur ?

Je le veux si profondément que cela me perturbe. Je pourrais l'être. Je pourrais être son futur. S'il le voulait également.

Dryade au cœur d'or,
Malgré le mauvais sort,
Je t'ai aimée.

Doux amour, sur la terre,
Quand tes délicats baisers
Changeront l'enfer
En un paradis rêvé,

Je saurai te trouver...
Je saurai t'aimer.
Pour toute l'éternité.
Contre les dieux et leur haine,
Contre le sort et la peine.

Ô nymphe, sois pour toujours ma destinée.
Ô nymphe, voudras-tu m'aimer ?

Lorsque sa voix se meurt et qu'il joue la dernière note, je relève les paupières pour l'observer. Son expression semble figée dans un mélange de tendresse, de sérénité... et de nostalgie. Je ne peux m'empêcher de murmurer :

« C'est... magnifique !

Orphée me sourit. Pourtant, j'ai l'impression que ses pensées sont ailleurs.

- J'avais écrit ce chant pour demander Eurydice en mariage...

Je me raidis contre la porte de bois. Je ne sais pas pourquoi ces mots me peinent tant que cela. Peut-être à cause de la lueur d'amour qui brûle encore dans ses yeux lorsqu'il évoque celle dont je suis la réincarnation.

Soudain j'ai peur. J'ai peur en repensant à ce baiser, en repensant à mon tourbillon d'émotions, à ce désir et cet amour incontrôlable que je ressens. J'ai peur parce qu'une théorie me vient en tête et qu'elle fragilise aussitôt tous les maigres espoirs que j'ai pu fonder après qu'Orphée m'ait embrassée.

Le héros a dû remarquer ma soudaine tension parce qu'il pose sa lyre avec attention dans son sac et se relève pour me faire face.

- Qu'est-ce qu'il y a, Yerine ?

J'hésite à être entièrement honnête. Mais je crois que je n'ai plus rien à perde.

- Est-ce que tu m'as embrassée seulement parce que je suis la réincarnation de ton ex-femme ?

Ma question semble le surprendre et il se fige, me dévisageant comme si un troisième œil venait de pousser sur mon front. Face à son silence, je soupire. J'ai ma réponse.

Je me décolle de la porte pour m'avancer vers le lit, passant devant Orphée. Dans un sursaut, celui-ci m'attrape soudain le poignet et me force à lui faire face.

Yerine (Mélusine HS.1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant