« Ferme-la petit garce !
Cette voix éraillée et purement méchante me fait frémir. L'homme avance dans la lumière. Dissimulé sous une épaisse capuche, je ne distingue que ses yeux mauvais, dardés dans ma direction. Lorsqu'il tend la main pour se saisir à nouveau de moi, j'aperçois l'encre noire qui couvre sa peau caramélée : une fleur fanée enchâssée de lourdes chaînes. Étrangement, cette vision fait échos en moi. Ce n'est pas la première fois que je vois un tel motif, j'en suis certaine. Terrifiée, je recule, toujours à quatre pattes.
- Qu'est-ce que vous me voulez ?
- Ça ma mignonne, tu l'apprendras plus tard.
Plus tard... Il compte m'enlever ! Non, non, non ! Ça ne peut être la réalité. Je dois être en plein délire dû à l'alcool... Orélien avait raison, je n'aurai pas dû boire. Qu'a donc mit Yvana dans ce foutu cocktail ?
- Tu espères me faire disparaître rien qu'en fermant les yeux ?
Ce rire gras me ramène avec brutalité à la réalité. Tout cela est réel. Bien trop réel. M'attrapant comme si je n'étais qu'une vulgaire poupée de chiffon, il me relève, broyant mon poignet et m'arrachant une plainte.
- Alors ma mignonne, ça ne se débat plus ? Tu ne veux pas recommencer ton petit numéro avec la nature comme tout à l'heure ? Tu sais, je préfère les tigresses aux chatons, c'est plus drôle quand elles se débattent.
Je ne comprends rien à son charabia mais réagissant instinctivement, mes ongles s'enfoncent dans sa chair. Tenter le tout pour le tout. S'il existait juste une chance de s'échapper, au moins je l'aurai saisie. Alors qu'il lève sa main, s'apprêtant à me frapper à nouveau, une nouvelle personne entre dans le combat, le percutant de plein fouet et le projetant au sol tandis que je titube en arrière.
Orélien !
Mon colocataire se dresse au-dessus de mon agresseur qui se relève difficulté. Sans lui laisser le temps de réagir, le blond se jette sur lui et se met à le rouer de coup. Une telle débâcle de violence me coupe le souffle. Je n'avais jamais pensé... Je n'avais jamais pensé que mon ami puisse se mettre dans un tel état. Ses poings frappent le visage de l'inconnu avec tant de force et de vitesse que je ne peux m'empêcher de les observer, les yeux écarquillés et gagnée par une fascination morbide.
Qu'est-il en train de se passer ?
Comment tout a-t-il pu dégénérer ainsi ?
Cet affreux spectacle me renverse l'estomac et enfin, je me penche en avant pour vomir. En l'espace de quelques instants, je venais de me faire agresser et de voir l'être qui comptait le plus à mes yeux se transformer en véritable machine de combat. Mon soudain mal-être attire l'attention d'Orélien qui se fige et se précipite vers moi, saisissant mes cheveux pour ne pas que je les salisse. Le mystérieux homme a perdu connaissance sous la pluie de coups, le visage tuméfié. Mon regard se pose sur Orélien et j'étouffe un cri de surprise.
- Tes phalanges !
Elles sont ensanglantées. Je les saisis dans mes mains mais le blond les retire prestement.
- Ce n'est pas mon sang Yerine, ne te fais pas de soucis.
- Mais...
Son regard vert plonge dans le mien et son intensité me coupe la parole, le souffle, le cœur... Ses prunelles brillent d'une inquiétude si intense que mon être entier chavire. Sans plus un mot, il me prend dans ses bras, me serrant contre lui. Ma tête repose tout près de son cœur tant je suis petite. La mélodie de ses battements effrénés résonne à mes oreilles. Baboum, baboum, baboum... Ils résonnent à un rythme si élevé que c'en est insoutenable. Pourtant ils finissent par ralentir, comme si mon ami commençait enfin à se calmer.
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Yerine (Mélusine HS.1)
Paranormal- Cette histoire est un hors-série de la trilogie « Melusine ». Il est grandement conseillé d'avoir lu la trilogie centrale pour comprendre « Yerine » et son univers. - "Toute fleur connait sa flétrissure" Yerine n'a rien de plus précieux que son cœ...