Chapitre 16.

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La femme me pousse dans les couloirs, me menaçant de son poignard pointé vers moi, jusqu'à ce que nous parvenions à la sortie du bâtiment, déboulant dans un jardin, éclairé faiblement par le soleil qui semble bien terne ici. Je titube lorsque je mets pieds dans le jardin. Mon cœur se brise face au triste spectacle qui se dresse sous mes yeux. Tout y est fané, tout y est flétrit, tout y est mort. La Nature même semble condamnée à l'inexorable flétrissure que chaque plante, chaque buisson, chaque fleur connait ici. L'équilibre, que je ressentais au plus profond de moi, cet équilibre si précieux est rompu en cet endroit maudit.

Je retrouve cependant suffisamment de contact avec la nature pour comprendre que je suis sur une petite île. Je ne parviens pas à en savoir plus : ma geôlière me pousse en avant sans le moindre état d'âme, vers une silhouette appuyée contre un chêne qui semble dépérir de la plus affreuse des manières.

Lorsqu'il se retourne et que je peux enfin apercevoir son visage, je me fige, réprimant le haut de cœur qui me parcourt. L'homme qui se dresse face à moi n'a rien d'humain. Si la moitié de son visage est marquée par des traits durs, presque malfaisants, ses deux yeux jaunes m'observant comme s'il désirait m'entraîner dans un abîme de souffrance, l'autre partie, celle dissimulée par l'ombre de son capuchon semble entièrement ravagée par la pourriture. Les chairs sont rongées, laissant apparaître çà et là l'os du crâne. L'orbite de son œil, vite, semble abriter un ver qui ondule faiblement. Je suis tétanisée, incapable d'avancer plus. Pourtant, ma geôlière ne m'en laisse pas le choix puisqu'elle me pousse en direction de cet être, paraissant sortir tout droit des enfers. Sa voix semble issue de mes plus noirs cauchemars lorsqu'il murmure :

« Bonjour, Yerine. C'est un plaisir d'enfin pouvoir vous rencontrer.

Luttant contre mon dégoût, je parviens à articuler :

- Vous êtes Flétrissure ?

Un sourire vient étirer ses lèvres rongées par la pourriture, étirant la partie dévorée par les vers de son visage. Encore un peu et je risque de vomir sur le bas de sa cape. Ce qui ne me paraît pas être une bonne idée.

- C'est exact, ma chère. Mais je suppose que vous ne me reconnaissez pas.

Je secoue négativement la tête, raide, les poings serrés. Je suis tant crispée que mes ongles pénètrent ma paume.

- Je m'en doutais bien. Après tout, c'est un tel enchevêtrement de sortilèges de protection dans cet esprit, qu'il est impossible de savoir ce qui est réel... et ce qui ne l'est pas.

Le silence suit sa déclaration. J'hésite entre tenter de m'enfuir maintenant que je suis à l'extérieur ou chercher à en apprendre plus sur les descendants. Mon ventre se met à gargouiller à mon plus grand malheur et pendant un instant, je m'insulte mentalement. Flétrissure me tend alors un fruit de sa main gantée : une poire. Je l'observe avec méfiance ce qui arrache un rire moqueur à mon interlocuteur.

- Croyez-moi, je ne compte pas vous empoisonner.

Je fixe encore un instant la poire avant de m'en saisir. Mon ventre gargouille tant qu'à présent je n'ai vraiment qu'une seule envie, croquer dans le fruit. Ce que je fais. Le jus coule le long de ma gorge, apaisant la sècheresse due à l'alcool ingurgité la veille. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, je dévore le fruit, sous l'œil pernicieux de Flétrissure. Alors que je m'essuie, il glisse :

- Vous verrez ma chère, vous me donnerez ce que je désire.

- Je ne peux rien pour vous. De toute façon, vous paraissez bien plus puissant qu'une simple nymphe.

Un rire désagréable s'échappe de sa bouche en pleine décomposition, désagréable à entendre, pétrifiant de terreur.

- Parce que vous pensez n'être qu'une nymphe ? Laissez-moi rire.

Yerine (Mélusine HS.1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant