Chapitre 6.

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Après avoir découvert que le surnaturel existait, que la personne qui m'était le plus cher au monde était un héro de trois mille ans, qu'il côtoyait jadis une sirène mangeuse d'homme mais qui aurait sauvé le monde par deux fois, et, pire encore, que je serais possiblement une nymphe, plus rien ne devrait m'étonner. Pourtant je ne peux m'empêcher d'écarquiller les yeux – geste que je fais bien trop souvent en ce moment, je vais finir par continuellement avoir un air de poisson rouge qui aurait surpris un poulpe en train d'embrasser une chèvre – en apercevant l'immense manoir aux inspirations grecques qui se dresse devant moi, bien à l'écart de la ville, non loin de la mer.

Un léger sourire narquois sur les lèvres, la sublimissime brune déclare, poussant la lourde porte :

« Bienvenue dans mon humble demeure...

Elle y pénètre sans trop de façons, son long manteau vintage virevoltant derrière ses talons. J'échange un regard avec Or...phée.

- C'est sans danger ?

- Tu t'apprêtes à rentrer dans un manoir infesté de vampires des mers en portant le parfum sucré et d'une rareté extrême des nymphes.

- Je ne suis pas sûre de mesurer la portée de la dangerosité de ce geste...

Il fronce des sourcils, l'air de réfléchir.

- Imagine des gaufres géantes recouvertes de confiture de grillottes.

Je salive rien qu'à l'évocation de mon péché mignon. La confiture de grillotte sur une gaufre...

- Et bien actuellement tu es un dessert ambulant pour toutes les femmes présentes ici.

Oh...

- Oh !

Un rire nerveux m'échappe et mon compagnon y répond par un sourire contrit. Peut-on encore faire demi-tour ? Je ne veux pas représenter une gaufre géante. Déjà parce que ça voudrait dire que je suis hypercalorique mais surtout cela signifierait que je vais finir dévorée en moins de deux secondes. Vraiment, la très jolie aide d'Orphée va me mener au tombeau plutôt que de me permettre d'y échapper. La voix enchanteresse de la sirène s'élève, me tirant de ma perplexité.

- Bon alors les tourtereaux, vous vous décidez à rentrer ? On n'a pas cent sept ans ! Enfin si mais ça ne mènera à rien et vous allez finir par prendre la poussière.

Je toise Orphée avant de me fendre d'un sourire innocent.

- Après toi...

Il grimace mais finit par s'y engouffrer, tandis que je m'engage sur ses talons. L'intérieur est à la hauteur de l'extérieur. D'immenses colonnades soutiennent un plafond et le couloir nous mène à une salle qui prend des allures de salle de trône et de temple, meublée de... Bassins d'eau. Mélusine se tient au centre de cette pièce, les poings sur les hanches, toisant un homme assis nonchalamment sur un trône de pierre. Ses courts cheveux argentés semblent être aussi indomptables que l'océan, ses traits à la fois durs et fins lui confèrent cet aspect qu'on donnerait aux divinités presque sauvages. Ses yeux d'un bleu plus perçant encore que ceux de la brune se posent sur nous. À la vue de la sirène qui nous précède, il se redresse. Un éclat s'allume dans son regard et il s'exclame d'une voix qui tonne comme l'orage :

- Lorelei, ma reine adorée...

Le ton narquois à la limite de la moquerie dément absolument la niaiserie de cette phrase. Cependant, il fait mouche car la sirène rétorque aussitôt :

- Je ne suis pas ta reine, Po'.

- Tu boudes toujours ?

J'échange un regard surpris avec Orphée. Celui-ci ne semble pas plus ravi que cela de revoir ce mystérieux homme dont l'aura écrasante envahit la pièce, écrasant tout sur son passage. Le comportement presque enfantin de la sirène et de celui que je devine être le dieu des mers – il a un trident appuyé sur son trône nom de dieu ! – ne paraît pourtant pas l'étonner. D'autant moins lorsque Mélusine s'exclame, tandis que nous n'osons pas interrompre cette étrange dispute de couple :

Yerine (Mélusine HS.1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant