CHAPITRE 6

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Il les avait tués.

J'étais paralysée. L'horreur semblait me consumer entièrement. J'avais déjà rencontré la mort dans ma vie. Mais je n'avais jamais été préparée à ça. Une boucherie. Des vies brisées en l'espace de quelques instants. Le sang qui tapissait le sol. L'odeur des entrailles humaines qui emplissait l'air.

Yhann se releva, récupéra son épée et se tourna vers moi. Son visage se tendit, le tourment déforma ses traits. Nos regards se croisèrent.

Il hésita, s'avança prudemment vers moi. Je me relevai d'un bond, reculai instinctivement, trébuchant sur mes jambes tremblantes. Les mots étaient bloqués dans ma gorge.

— Tu... tu...

— Anna...

Il tenta un nouveau pas, mais j'en fis trois de plus en arrière. Il se figea.

Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine. Mes yeux tombèrent sur le cadavre à quelques mètres de là. Non, il n'avait pas pu faire ça. Il les avait tués, tous tués...

— Anna, laisse-moi t'expliquer.

Je le regardai de nouveau, cherchai des réponses dans ses prunelles sombres. Un filet de sang barrait sa joue.

— Je n'ai pas eu le choix.

Je me rendis compte que j'avais peur de lui. Peur qu'il m'approche, qu'il me fasse du mal. Alors voici ce qu'il était réellement ? Un tueur ?

Tout se bousculait dans ma tête, mon corps tremblait. L'horreur m'éclaboussait le visage, le corps entier, jusqu'à me rendre aveugle.

Et soudain, alors qu'il faisait une nouvelle tentative pour s'avancer, je fis volte-face et me mis à courir. Je ne savais pas ce que je faisais, où j'allais. Je voulais juste fuir, fuir tout ça, fuir la mort. Je ne pouvais plus. Je ne pouvais plus rester là, je voulais rentrer chez moi, je voulais effacer tout ça de mon esprit, oublier, juste oublier. Comprendre, comprendre tout ça, c'était impossible. Tout ça n'avait aucun sens. Pourquoi ? Pourquoi étais-je ici ? Comment ? Oublier, juste oublier, effacer ses images de ma tête, ces morts, ce sang, la mort. Toujours la mort.

Je courus, courus jusqu'à que mes poumons me brûlent et que mon cœur semble prêt à éclater. Les arbres défilaient, se confondaient, fantômes de mon passage.

J'ignorais où j'allais. Je m'en fichais. Je voulais juste fuir, m'éloigner le plus possible de ce carnage, de cette horreur. De cet homme.

J'avais l'impression que la mort me suivait, s'agrippait à moi, que je ne pourrais plus lui échapper. Des heures . Des minutes. Des secondes.


À bout de force, je ralentis l'allure, mais n'osai pas m'arrêter. Je jetai un regard en arrière, incertaine. Puis je me retournai, hagarde. Perdue dans mes pensées, dans ces événements qui me dépassaient totalement.

Je les vis trop tard. Et je n'eus pas le temps de m'échapper.

Un campement de soldats. Au moins quatre hommes. Avant que je ne puisse m'enfuir, un des soldats m'attrapa le bras et me tira en arrière.

— Regardez-moi ça les gars !

— Lâchez-moi !

Je me débattis, mais sa force était nettement supérieure à la mienne. Il m'amena au centre du campement, que l'on aurait pu qualifier de sommaire. Une petite tente, un feu où une marmite chauffait, et plusieurs couches à même le sol.

Chroniques de Vahaïra : L'Héritière de la luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant