CHAPITRE 13

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                                                                                    ANNA


On me secouait l'épaule. J'ouvris les yeux, distinguai le visage de Yhann penché au-dessus de moi. Je me redressai. C'était à mon tour de monter la garde. Yhann avait pris la première partie de la nuit, et je veillerai jusqu'à l'aube.

Je m'assis devant notre feu principal. Yann me confia son épée. Je regardai la lame quelques secondes avant de lever les yeux vers lui.

— Au cas où, me dit-il. Mais s'il y a quoi que ce soit, tu me réveilles immédiatement.

J'acquiesçai en silence. Je fis bonne figure, mais l'angoisse me broyait l'estomac.

Yhann s'allongea sous la tente. La nuit était bien avancée, mais la pleine lune baignait la forêt d'une pâle lumière. Une lumière spectrale.

Il faisait frais. Un léger vent du Nord s'était levé et venait balayer de temps à autre les feuilles sur le sol. Je l'entendais qui dansait, se glissait entre les branches des arbres. Deux chauves-souris tournoyèrent au-dessus du feu, puis disparurent dans l'obscurité.

Je tuais le temps en alimentant les feux autour du campement. Ils étaient notre seul rempart contre les loups-garous.

Alors que je somnolais légèrement, j'entendis une série de craquements. Les sens en alerte, je scrutai les bois. La lumière crue de la lune me permettait d'y voir plutôt bien jusqu'à dix mètres. L'épais feuillage des arbres l'empêchait d'éclairer pleinement au-delà. De nouveaux craquements retentirent. Comme si quelqu'un ou quelque chose se déplaçait pas très loin de là. La peur se glissa dans mes veines. Les loups oseraient-ils s'approcher malgré les nombreux feux allumés ? J'attrapai l'arc de Yhann, encochai une flèche. Je ne savais pas où viser, et j'étais de toute manière incapable d'arriver à toucher ou blesser quelqu'un. Mais j'espérais que cela dissuaderait n'importe qui de s'approcher.

L'épée était posée près de mon pied gauche. Mais je parvenais tout juste à la tenir, elle ne me serait d'aucune utilité. Je scrutai les alentours, attentive au moindre bruissement.

Soudain, une silhouette se découpa entre les arbres, avant de disparaître. Furtive apparition. Mon cœur s'emballa. Ses battements sourds résonnaient dans mon crâne. Boom-boom. Boom-boom. Ma bouche s'assécha. Je cherchai, m'abîmai les yeux dans l'obscurité.

Les secondes s'écoulèrent. Lentement. Boum-boum. Boum-boum. Les doigts serrés sur la corde de l'arc, j'attendais. Mais seul le vent venait jusqu'à moi, m'effleurait le cou, le visage, me chuchotait à l'oreille. La silhouette avait tout simplement disparu. Bon sang ! qui était assez fou pour se promener une nuit de pleine lune ?


Quelques heures plus tard, l'aube pointa à l'horizon. Des nuages roses et rouges se baladaient dans le ciel qui s'éclaircissait peu à peu. Les oiseaux se mirent à gazouiller dans les arbres. Quelques moineaux voletaient entre les branches au-dessus de moi.

Comme si le soleil émettait un signal silencieux, Yhann se réveilla. Je le vis attraper sa chemise avant de se lever et s'approcher. Il l'enfila, puis s'assit face à moi.

— Aucun problème ? demanda-t-il en se frottant machinalement le visage.

Une barbe de quelques jours mangeait un peu plus ses joues ce matin. Et je constatai que cela lui allait plutôt bien.

— Non, aucun.

J'avais soigneusement remis l'arc à sa place. Je n'étais pas certaine de ce que j'avais vu. Personne ne risquerait sa vie aussi bêtement. Je l'avais sûrement imaginé. La peur peut vous jouer de sale tour.

Chroniques de Vahaïra : L'Héritière de la luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant