Le soleil commençait à réchauffer l'air humide des bois. Nous marchions en silence depuis quelques heures. Nous avions laissé Sodad à la lisière de la forêt après un vol d'une petite heure. Voyager avec la jument nous aurait rendus bien trop voyants. Or, la discrétion était le mot d'ordre dans notre voyage.
Depuis notre retour dans la forêt, j'avais l'impression que nous allions croiser des soldats derrière chaque arbre. Il fallait que j'arrive à maitriser ma peur. Dans les livres, on a souvent l'impression qu'être courageux est une formalité. Mais c'est faux.
Lorsque vous savez que des soldats peuvent vous attaquer à tout moment, l'angoisse vous ronge. Elle s'installe confortablement dans vos entrailles, au creux de votre estomac et elle vous pourrit de l'intérieur.
J'avais vu de mes propres yeux ce à quoi ressemblait une mort par l'épée. Et ce n'était pas beau à voir. Dans un monde où l'on se bat avec des lames et des arcs, la mort est douloureuse, et parfois atrocement lente. Le sang gicle, les hurlements retentissent. Ce n'est pas quelque chose que l'on peut oublier. L'instinct de survie prend le dessus sur la raison.
Mais là, je devais réussir à me raisonner. Je devais dompter mon angoisse. Etre courageuse. Mon compagnon de voyage m'aidait peu. Yhann était peu bavard, même lorsque nous avions pris un rapide déjeuner. Je n'avais pas beaucoup d'occasions de me distraire l'esprit avec lui.
Je savais qu'apprivoiser ce monde, en apprendre plus, serait un bon moyen d'apaiser mes craintes. Mais il était difficile de lancer le sujet avec Yhann. Il donnait l'impression d'être agacé à chaque fois que j'ouvrais la bouche.
Alors que je cherchais mes mots afin de lancer une véritable conversation, Yhann se tourna vers moi.
— Il y a un lac pas très loin, dit-il, c'est un bon endroit pour pêcher. On va y faire une halte.
— D'accord.
Je n'avais guère de talent de chasseuse ou de pêcheuse, alors il avait semblé évident que Yhann s'occuperait de nous trouver de quoi manger. Même pour cela, je n'étais d'aucune aide. En contrepartie, je m'étais juré de ne jamais me plaindre. Ni de mon terrible mal aux pieds, ni de la poussière qui commençait déjà à me coller à la peau. J'étais peut-être une fille du XXIe siècle dans un monde qui me rappelait le Moyen-âge, mais je comptais bien prouver qu'une Imalda savait s'adapter. Même si j'étais en train de me maudire de n'avoir jamais été une grande sportive. Mes muscles criaient déjà au supplice. J'étais mal barrée.
Je suivis Yhann jusqu'au lac. Lorsque je vis ce dernier à travers les arbres et les fourrés, je compris pourquoi Yhann nous avait amené ici. C'était tout simplement magnifique. Le lac s'étendait au milieu des arbres, longeant les buissons, les chênes et les érables. Son eau d'un bleu limpide disparaissait de ma vue au bout d'un kilomètre et semblait se perdre jusqu'à la chaîne de montagnes que j'apercevais au loin, et dont les pics se reflétaient sur la surface. Les fleurs sauvages aux multiples couleurs tapissaient le sol, les insectes bourdonnaient joyeusement. Il régnait à ce lieu un calme paisible. De quoi détendre n'importe quelle Imalda dans un monde magique inconnu.
À la lisière du bois, Yhann me fit signe de m'arrêter.
— Ne bouge pas, je reviens.
Il prit son arc, encocha une flèche et longea prudemment la forêt. Je l'observai, tandis qu'il inspectait les alentours du regard, se déplaçait pour vérifier certains endroits. Lorsqu'il fut sûr que nous ne risquions rien, il me fit signe et je le rejoignis.
— C'est magnifique, dis-je avec un sourire.
Il me regarda et acquiesça, le regard lointain.
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Chroniques de Vahaïra : L'Héritière de la lune
FantasyAnna est libraire. Elle s'y connait en histoires de toutes sortes. Pourtant, lorsqu'elle atterrit sans le vouloir dans un monde magique et terrifiant, elle réalise à quel point survivre, c'est pas aussi facile que dans les romans. Surtout lorsque v...