CHAPITRE 9

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La porte s'ouvrit brusquement, Yhann se faufila dans l'ouverture avant de la refermer. Je levai les yeux vers lui, toujours assise. J'avais réussi à me calmer, à repousser la peur. Même si je savais qu'elle n'était pas loin, qu'elle guettait le moment où elle pourrait surgir et me dévorer le cœur et l'esprit. Cela semble toujours facile dans les romans. Les personnages sont des héros, ils s'habituent en un rien de temps, apprennent à manier une épée au premier combat, tuent les « méchants » comme s'ils l'avaient toujours fait. J'aimerais bien être comme eux, vu que je vivais une foutue histoire de fantasy. Je donnerais n'importe quoi pour avoir leur courage. Mais là, c'était la réalité, et la réalité était toujours moins jolie, moins facile. La peur était bien réelle, là, dans mes entrailles. La mort aussi. Et elle pouvait venir me chercher à chaque coin de rue. Yhann me dévisagea un instant, fouilla mon regard, et je préférai me lever pour échapper à son analyse. Il avait sûrement senti que quelque chose avait changé. Il avait raison : tout avait changé. Je savais à présent pourquoi je devrais me battre, pourquoi j'étais dans une merde noire, et pourquoi il l'était depuis un bon moment.

A présent que je connaissais la situation de Vahaïra, je m'en voulais un peu de l'avoir jugé si sévèrement.

— Tout va bien ? finit-il par demander.

Je le regardai droit dans les yeux.

— Tout va bien, assurai-je.

Je ne pouvais pas lui dire que j'étais désolée qu'il vive dans un monde régi par les lois d'un psychopathe. Il devait déjà le savoir. Il ne serait pas un rebelle dans le cas contraire. J'attrapai ma cape, l'enfilai et me tournai vers lui :

— On y va ?

Il acquiesça en silence.


La nuit était tombée. Il régnait un noir quasi total, la seule lumière provenait des fenêtres de quelques maisons du village. Yhann m'intima de le suivre, ce que je tentais de faire sans le perdre de vue. Entre ses cheveux et sa tenue noirs, il se fondait entièrement dans la nuit et j'avais un mal fou à le repérer. Nous longeâmes plusieurs maisons. Lorsqu'une fenêtre n'avait pas les rideaux fermés, nous nous baissions afin de ne pas être vus.

Brusquement, Yhann me plaqua contre un mur. Je tournai la tête vers la gauche et vis trois soldats passer, une torche à la main. Je retins mon souffle, mais ils continuèrent leur chemin sans nous repérer. Yhann me prit alors la main, avant de repartir. Nous avions pressé le pas, et je trottinais à présent derrière lui pour ne pas être distancée.

Après avoir parcouru cinq cents mètres cachés derrière les maisons, je vis que nous nous rapprochions de la frontière du village. Au-delà, je pouvais apercevoir l'ombre d'une forêt.

Yhann s'arrêta derrière la dernière maison, se tourna vers moi. Sans rien dire, il leva les mains et rabattit ma capuche sur ma tête.

— Reste près de moi, souffla-t-il.

J'opinai, puis il me reprit la main et nous courûmes discrètement vers les arbres. Une forêt possède parfois en journée une aura inquiétante, menaçante. En pleine nuit noire, elle peut devenir carrément flippante. Surtout lorsque vous savez que des loups-garous rôdent parmi les arbres. Agrippée à la main de Yhann, j'étais si proche de lui que j'avais peur de lui marcher dessus par mégarde.

Au bout de cinq minutes à parcourir les bois, les contours d'une maisonnette se dessinèrent devant nous. Une lumière diffuse filtrait à travers une fenêtre, et je pus enfin voir notre destination. C'était réellement ce que l'on aurait pu appeler la maison au fond des bois.

Chroniques de Vahaïra : L'Héritière de la luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant