Chroniques de Vahaïra : L'Héritière de la lune

CHAPITRE 12

                                                                                           ANNA

Nous marchâmes en silence un certain moment. J'avais réussi à sortir Yhann de son mutisme, ce qui était un début. J'étais satisfaite d'en savoir plus sur Vahaïra, mais également sur son histoire personnelle, bien que nous ayons à peine gratté la surface des deux sujets.

Chaque chose en son temps. Ce monde recelait bien trop de mystères et de secrets pour que je les découvre tous en une seule conversation. Et j'avais compris dès le départ que Yhann était à approcher avec tact.

Il m'évoquait parfois un faucon. Puissant, vif, meurtrier, près duquel il ne fallait pas faire de mouvements trop brusques, au risque de le voir s'envoler très loin. Mais cette image me rappelait également qu'il était un prédateur.

J'avais du mal à réaliser qu'il avait quitté son foyer à treize ans, et était devenu un rebelle si jeune. Mon adolescence m'apparaissait soudain comme un conte de fées en comparaison. Cela me rendait malade d'imaginer tout ce que ce peuple avait enduré et continuait de subir au quotidien.

Le soleil descendait doucement vers l'horizon. Les rayons qui se frayaient un chemin entre les branches se teintaient lentement d'un joli rose d'été. Les oiseaux papillonnaient et gazouillaient partout autour de nous. À cette heure de la journée, la forêt était paisible et pleine de vie. Je me sentais plus apaisée. La nature restait belle et simple quoiqu'il arrive. Elle était une force immuable.

Nous avançâmes durant deux heures à bon rythme. Mes pieds grinçaient de douleur à chaque pas, mais je pris sur moi. J'ignorais combien de temps prendrait le voyage pour trouver Elenwynn. Seul Yhann connaissait notre destination. Je craignais de devoir faire face à des semaines de marche. Au vu de l'état de mon corps après une seule journée, cela risquait de devenir très pénible.

Si seulement j'avais préféré courir tous les matins plutôt que lire confortablement dans mon fauteuil. Mais comment aurais-je pu deviner que ma petite vie tranquille de libraire allait se transformer en une quête bourrée de danger ?

Réjouis-toi ma fille, tu vis une histoire digne d'un roman ! Le rêve de tout lecteur, non ? Sauf qu'après réflexion, je crois que je préférais l'imagination à l'expérimentation.

— Yhann ?

Il tourna la tête et ses yeux bleu sombre rencontrèrent les miens.

— Je ne sais pas où l'on va, mais... est-ce que c'est loin ? Je veux dire... Dans combien de temps penses-tu que nous y arriverons ?

— À pied, beaucoup trop de temps. (Je le vis me jauger du regard.) Je compte nous acheter deux chevaux dans une ville, à deux jours d'ici. J'y connais quelqu'un de confiance.

Ah. Des chevaux. J'aurais dû m'en douter. Ce n'est plus aux pieds que j'allais avoir mal...J'eus une pensée compatissante pour mes fesses, prochaine victime de notre voyage.

Je me raclai la gorge.

— Tu comptais me l'annoncer au dernier moment, je me trompe ?

Il m'adressa un haussement d'épaule désinvolte.

— Si tu préfères marcher, je ne peux pas te promettre que l'on y arrivera vivants.

Je soupirai. La délicatesse de cet homme ne cesse de me surprendre.