CHAPITRE 18

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ANNA

Je n'étais pas allée loin dans le quartier. Je m'étais contentée de parcourir les rues voisines à celle de Golfied. Je ne voulais prendre aucun risque cette fois-ci. J'étais un peu trop douée pour attirer les problèmes depuis mon arrivée.

Les bâtiments étaient peu hauts dans la ville, avec des toits pentus. La neige devait envahir le ciel en hiver. Un vent frais descendait des montagnes et me caressait la peau. Parfois, entre deux maisons, je pouvais apercevoir des pics sombres au loin.

En me baladant, j'étais tombée sur une enseigne où deux marteaux se croisaient. Une idée avait jailli dans mon esprit et j'étais allée à l'encontre du forgeron. De retour devant la maison de Golfied, je préférais aller voir les chevaux, de peur de déranger les deux hommes. Ils avaient besoin de parler.

Et j'avais besoin de calmer mon excitation suite à la demande que j'avais faite auprès du forgeron. Une épée. Grâce à l'argent qu'il me restait de ma rencontre dûment rémunérée avec Garrett, j'avais eu de quoi le payer pour me forger ma propre épée. En cachette, bien sûr. Si Yhann le découvrait, je refusais de penser à sa colère. Mais il ne m'avait pas laissé le choix. Il était hors de question que je reste les bras ballants, pendant qu'il jouait aux protecteurs de jeunes demoiselles. Dans ses rêves.

S'il refusait de m'apprendre le combat, je me débrouillerai seule. Je comptais m'entrainer lorsqu'il irait à la chasse. Je n'avais certes aucune notion d'escrime ou de combat à l'épée, mais avoir ma propre arme était déjà un bon début. Le forgeron m'avait promis une lame légère, adaptée à ma physionomie. L'épée de Yhann était bien trop longue et lourde pour moi, je n'aurais rien pu en faire. La mienne serait prête demain à l'aube. Je devrais trouver une excuse pour m'éclipser quelques minutes, mais trouver aussi le moyen de la camoufler parmi mes affaires.

Toute à mes réflexions, je m'approchai de Calypso, occupée à mâcher son foin avec enthousiasme. Elle avait été pansée, son poil lustré resplendissait. Je lui grattai l'oreille, elle frotta sa tête contre mon bras. Je m'étais prise d'une véritable affection pour cette jument. Sa présence m'apaisait.

— Je suis soulagé de voir que tu as retrouvé ton chemin.

Son ton léger me fit faire volte face. Il arborait un sourire amusé qui me surprit.

— Les ennuis m'ont laissé tranquille pour une fois, répliquai-je du tact au tact.

Nous restâmes quelques secondes à nous dévisager sans rien dire. Puis je détournai les yeux, un peu gênée. Je sentais dans son attitude que quelque chose avait changé. Il était plus décontracté, la colère avait disparu. Cette discussion avec son oncle semblait avoir été bénéfique.

Yhann passa la main dans son épaisse chevelure.

— Je suis désolé pour tout à l'heure. Je me suis emporté, et je n'aurais pas dû.

Je dissimulai ma surprise. Des excuses ? Waouh, ça c'était du progrès.

— Ma relation avec mon oncle est peu...compliquée, dit-il en accrochant mon regard, mais nous avons fait une trêve.

Je caressai distraitement le pelage soyeux de Calypso, hochai la tête.

— Je suis contente de l'entendre. (J'eus un instant d'hésitation) La famille, c'est ce que nous avons de plus cher.

Ses prunelles bleu nuit fouillèrent les miennes un instant. Il s'assit sur une botte de paille, posée près de la stalle de Spartan. L'hongre souffla doucement dans les cheveux de son maitre. Yhann sourit. Un sourire presque enfantin. Je réalisai brusquement que je ne connaissais pas son âge. Il devait naviguer entre vingt cinq et trente ans, un poil plus âgé que moi. Mais je n'osais pas lui poser la question. Quand il souriait, son regard s'illuminait d'un nouvel éclat, et adoucissait son visage. Dans ces moments-là, je pouvais entrevoir le petit garçon innocent qu'il était autrefois. Et qui avait disparut bien trop tôt.

Chroniques de Vahaïra : L'Héritière de la luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant