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Cela n'annonce rien de bon. Je déglutis, en me retournant avec lenteur. Mes yeux rencontrent ses prunelles vertes.

-Oui ?

Ma voix se brise. Je n'ai jamais eu autant de mal à cacher mes sentiments et émotions. Je sais qu'il a le pouvoir de briser mon être d'un mot, et le pire c'est que je ne sais pas pourquoi. J'essaye de ne pas me l'avouer, mais il m'a touché plus profondément que je ne voudrais me l'avouer. Il a réussi à toucher mon âme. Par sa douceur, sa sensibilité, son incompréhension, alors j'ai peur. Peur de ses mots, de ses paroles, de ses gestes, peur qu'il me brise. Parce que en soit, malgré tout, je crois qu'il m'a aidé à peut-être penser à autre chose, à aller bien pendant quelques temps, entre nos disputes, nos réconciliations bancales, et nos moments -rares mais beaux- où nous osions nous découvrir à l'autre.

-Il faut qu'on parle de samedi, il tranche.

Sa voix est grave. Comme si pendant un court instant, j'ai l'impression d'avoir affaire au Willem que j'avais découvert au téléphone quelque jour avant. Ses yeux deviennent noirs. J'ai l'impression qu'il essaye de prendre le contrôle sur tous ses sentiments et émotions. Et enfin de compte, il réussit à cacher tout ce qu'il ressent, se refermant sur lui même. Et il y réussit mieux que moi. Alors je fais de même. Prenant une grande inspiration, je calme mon souffle, je fais disparaitre toute trace de peur, prête à affronter la tempête qui va venir ruiner tous mes espoirs. Mais il me restera Maty, toujours, mon unique espoir.

-C'etait une erreur.

Sa voix est encore plus froide. Mais j'encaisse. Je me tiens droite, face à lui.

-Le baiser, toi, c'était que des erreurs.

Les dents serrer, je fais de mon mieux pour ne pas m'effondrer devant lui. J'aurai tout le temps de m'effondrer plus tard, quand je serai seule.

-Sérieusement, ça mènera nul part de toute façon. Tu me détestes, je te détestes, et c'est très bien comme ça.

Mes yeux sont à la recherche de la moindre faille. Je cherche chaque parole qui pourrait le trahir. Tu me détestes. Il pense donc cela ? Que je voue une haine pour lui ?

-Non, je le coupe.

Il me regarde bizarrement.

-Non ?

Pendant un court instant, il perd contenance, je le vois dans ses prunelles. Il est surpris, et j'ai l'impression de le libérer d'un poids. Mais il remet aussi vite que possible son masque.

-Non, je ne te déteste pas. Toi peut-être, tu me détestes, dis-je sans conviction. Mais moi je ne te déteste pas.

Il reprend sa respiration, les yeux plissés sur ma personne.

-Même, ça ne change rien, c'était une erreur. Tu es une erreur, rien d'autre.

J'encaisse. Je suis une erreur.

-Tu n'es que la merdeuse de fille de l'homme qui m'accueille.

J'encaisse encore.

-Alors pour nous deux je pense que c'est mieux si on oublie ce qui s'est passé avant-hier.

Je ne fais que hausser la tête, sans vraiment réfléchir.

-Bien.

Je n'arrive à rien d'autre dire que ça. Que dire à cela ? Je n'étais qu'une erreur. Et en soit, c'est mieux ainsi. Puis, sans chercher, je le bouscule en fonçant dans les escaliers, en direction de ma chambre. Une fois dans celle-ci, je récupère mes affaires, et redescends.

DouceurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant