Prologue

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Alaïa venait d'avoir dix-neuf ans, sa vie était ordinaire : elle était fille unique et avait toujours ses deux parents à ses côtés, qui, à cause de leur travail ne lui accordaient pas beaucoup de temps.

Elle adorait la littérature et comme elle était seule elle avait préféré se renfermer sur elle-même et lire. Cela lui permettait de s'évader puis de s'imaginer vivre dans des mondes imaginaires. C'était d'ailleurs à cause de la lecture qu'Alaïa vivait dans des mondes faits de magie et de personnages inexistants dans la réalité qui lui était imposée.

Mais sa plus grande source d'inquiétude restait qu'elle n'avait pas de vocation quant à son métier. Elle hésitait entre tellement de choses, de filières et avait peur de ne pas réussir à choisir. De plus, l'absence de domaines particuliers dans lesquels elle excellait à l'université la rendait encore plus indécise quant à son orientation professionnelle.

Sa mère était biologiste et son père était banquier mais lorsqu'ils lui avait expliqué leurs journées et activités Alaïa n'avait pas pu s'empêcher de bailler.

Étant stressée de nature Alaïa ne pouvait cacher l'anxiété qu'elle contenait en elle à cause de son avenir et ses parents étaient encore aujourd'hui souvent obligés de la rassurer ce qu'elle ne pouvait et n'avait jamais pu supporter. 

La gentillesse n'était pour elle que de la pitié cachant de la moquerie et même émanant de ses parents elle se sentait à chaque fois rabaissée comme si les autres sentait qu'elle était faible. Et elle se sentait faible car incapable de se faire des amis, car incapable de tenir tête à quelqu'un s'en s'en aller avant qu'elle n'en vienne aux mains, incapable de tellement de choses qu'elle aurait préféré oublier mais que les gens durant toute sa scolarité avait pris un malin plaisir à lui rappeler, chaque jour. 

Dire qu'elle s'était sentie harceler aurait été un mensonge car la vérité était qu'elle avait eu l'impression de mériter toutes ces critiques : elle partageait l'avis de ceux qui l'avaient rabaissée.

A la fin du lycée, ayant obtenu son bac ES mention bien et n'ayant pas envie de se retrouver dans la même classe que d'anciens camarades de lycée elle avait prié ses parents d'aller étudier à l'étranger, ce qui voulait dire pour elle le plus loin possible de ces gens avec qui elle avait partagé tant d'années de scolarité. 

Ils avait accepté mais à condition qu'elle soit sure d'être capable de rester seule dans un pays. 

Elle ne s'était en fait pas du tout sentie capable de vivre loin de tout repère mais elle ne voyait pas d'autres issues et était depuis un an maintenant au Canada en train d'étudier à l'université de Montréal sans idées réelles de débouchés.

Elle entendit son nom, sursauta et partit se mettre à table. Elle était rentré chez ses parents pour les vacances de Noël, elle était donc de retour dans la maison familial de taille assez moyenne et de plain pied. La configuration sans étages de cette demeure lui avait toujours parue à la fois très pratique et, très embêtante d'un point de vue strictement lié à l'intimité, intimité qu'elle n'avait jamais possédée lorsqu'elle vivait encore chez ses parents.

En effet, elles avait toujours su qu'ils fouillaient son téléphone de peur qu'elle ne parle à un individu de sexe masculin. Alaïa sourit à cette idée car tout le monde l'évitait durant son enfance et elle commençait tout juste à avoir une connaissance dans sa classe d'université qui daignait lui adresser la parole et au moins elle ne recevait plus de remarques désormais alors avoir un petit copain n'était même pas, encore actuellement, imaginable. Du moins pas imaginable dans le monde dans lequel elle appartenait et c'est à cela que lui avaient toujours servis les livres : s'évader même si elle avait aujourd'hui du mal à trouver le temps de le faire étant forcée d'étudier. 

En fait, tout avait toujours été un peu tabou chez elle et elle se mit à penser que si les gens de son lycée avaient eu son numéro de téléphone lorsqu'elle y était ses parents n'auraient pas hésiter à la faire changer d'établissement. Mais, c'était sans compter sur le fait qu'elle avait toujours fait croire qu'elle n'avait pas de téléphone afin que les moqueries restent au lycée et ne la poursuivent, du moins pas directement, jusqu'à chez elle.

A cette époque, elle voulait que ses parents pensent qu'elle était à la fois heureuse et impliquée, studieuse mais épanouie, s'ils savaient.

Elle était assise et son père aussi et il finit par lui demander comment c'était passée sa journée :

- J'ai étudié la majeure partie de la journée puis j'ai commencé un nouveau roman dont j'ai entendu parler et vous ? demanda t-elle en retour. 

Oui, dans cette famille le vouvoiement était de rigueur et pas question pour Alaïa de tutoyer ses parents. Cela ne lui semblait pas étrange car elle avait été élevée comme cela et même si elle savait que les jeunes adultes de son âge s'adressaient à leurs parents différemment elle savait qu'elle ne pouvait faire cela car sinon, sinon elle ne savait pas vraiment ce qu'il se passerait mais elle préférait ne pas chercher les problèmes. Pourtant pas particulièrement sévères ses parents tenaient à la politesse et Alaïa n'avait pas été autorisée à débiter des insultes ou autres vulgarités durant son enfance et elle ne voyait pas l'intérêt de commencer maintenant. 

Alors qu'elle pensait à cela Alaïa avait vu les lèvres de son père bouger mais n'avait pas écouté. Heureusement, Aniala, sa mère, arriva dans la salle à manger en souriant cachant en réalité le soucis qu'elle se faisait pour sa fille. 

Comme chaque mère Aniala pouvait ressentir les tracas de sa fille et elle avait remarqué que son attitude ne s'était pas particulièrement améliorée depuis qu'elle était à l'étranger. De plus, Alaïa ne recevait jamais d'appels, et ses amis de l'université ne semblaient pas lui manquer, "si elle en avait", venait quelques fois à penser sa mère avant de se reprocher à elle même de penser cela.

En silence la petite famille se mit à table et commença à manger en silence, chacun dans ses réflexions personnelles, sachant que celles des autres leur resteront inconnues.

PsoleaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant