Chapitre 19

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Les jours se suivaient et se ressemblaient pour Alaïa.
Elle se sentait lentement sombrer dans un état de folie combiné à de l'hyperactivité qu'elle ne pouvait, évidement, pas dépenser. 
Mercredi, aucune parole ne fut échangée dans la cellule mais, tandis qu'elle se réveillait le jeudi matin Alaïa se sentit obligée de dire quelque chose et cela sur un ton plus hystérique qu'elle ne l'aurait voulu :

- Comment pouvez-vous supporter de rester enfermées sans rien faire durant des jours entiers ?!

Elle entendit une soupir d'amusement de la part de Coulnao qui lui répondit d'une voix tout aussi méprisante qui donnait envie à Alaïa de lui enlever ce sourire de son visage :

- Tu te morfonds sur des choses que nous ne pouvons même pas faire alors pourquoi ne pas simplement les oublier et faire en sorte que ton cerveau pense le temps différemment ?

Que son cerveau pense le temps différemment... Alaïa avait l'impression de devenir folle, cette réflexion était calquée sur le décalage qu'on lui avait instaurée à Psolea et en y repensant c'était aussi peut-être aussi à cause de cela, en plus du choc émotionnel, que, lorsqu'elle avait été arrêtée tout était toujours flou dans sa tête : c'était le rythme qu'elle avait pris qui ne concordait pas avec les nuits qu'on avait du lui imposer lors de son retour à la surface.

Peu importe, pensa Alaïa car Coulnao ne pouvait pas avoir dit cela en connaissance de cause donc autant ne pas se monter choquée par des mots dits sans arrières pensées.

- J'ai besoin de m'occuper, je déteste rester enfermée à rien faire sauf si c'est pour lire, répondit finalement Alaïa en espérant ainsi relancer la conversation.

- Tu pourrais peut-être obtenir un livre si tu le demandes qui sait, dit Qith.

- Elle n'est pas là depuis assez longtemps pour qu'ils acceptent je suppose, intervint Zhaganai.

- Je vois, ironisa Alaïa, ils préfèrent donc que les prisonniers deviennent fous afin d'avoir moins de dépenses à faire dans des livres en l'occurrence.

- Ou peut-être qu'il faut être fou pour lire tout court, commenta Coulnao sans sarcasme mais c'était comme si il y en avait.

- Cela aurait permis de m'occuper en tout cas, cracha presque Alaïa qui n'avait pas aimé la précédente remarque qui attaquait directement sa passion.

- Pourquoi pas nous parler de lecture justement, rebondit Qith surement pour détendre l'atmosphère.

Alaïa hésita à répondre surtout qu'elle sentait que Coulnao la jugeait déjà fortement mais finit pas parler car elle ne voulait pas que le silence revienne :

- Je ne sais pas, c'est une activité que mes parents ont encouragés depuis mon plus jeune âge et j'ai continuée et cultivée car cela me permettait à la fois de m'évader mais aussi de me rapprocher d'eux je suppose.

Parler de ses parents avait été douloureux et Alaïa espérait que les filles ne s'en rendraient pas compte.

- J'ai toujours aimé les activités manuelles, confia Zhaganai, car cela me permet de canaliser mon énergie dans de petites créations de poterie, de recyclage ou autres que je peux ensuite offrir ou exposer lors d'expositions. Une fois même, le maire qui était venu dîner à la maison a vu l'une de mes peintures assez peu réussie et m'a demandé si j'acceptais qu'il en fasse une exposition pendant une semaine à l'hôtel de ville qu'il trouvait triste et cela m'a ravie tout en me donnant confiance dans mes talents aussi médiocres peuvent-ils être, finit-elle en riant presque.

- J'aime la dance classique et le théâtre, commença Qith, car la première activité nécessite une prestance et une rigueur tandis que la deuxième une expressivité et une implication qui me plaisent. Sur scène, j'étais tellement dans mon élément que j'étais triste lorsque cela se terminait. C'est aussi la danse qui m'a donné envie d'être mannequin afin de montrer au monde que j'existe et que rien ne pourra changer cela.

Alors qu'Alaïa pensait que Coulnao n'allait rien dire cette dernière finit quand même par expliquer ce qu'elle aimait enfin plutôt son absence de centres d'intérêts :

- C'est ridicule, je ne vois pas comment une activité pourrait vous amener à vous épanouir, selon moi le silence est lieu d'épanouissement.

Ni Alaïa ni Qith et ni Zhaganai ne répondit à cette remarque très peu enjouée car elles n'avaient pas envie de trop creuser le passé de Coulnao qui semblait encore aujourd'hui la poursuivre.

Le reste de la journée de jeudi se passa dans un silence interrompu seulement par des "bon appétit" et alors qu'elle s'apprêtait à s'endormir Alaïa se souvint que le lendemain elle allait sûrement revoir Selyens au repas, ce qui ne l'enchantait pas...


Réveil puis attente, dans le silence.
Alaïa n'était pas angoissée mais seulement dans l'attente de l'observation qu'elle comptait menée sur Selyens.
L'heure du repas devait être venu et Alaïa se leva pour suivre la gardienne qui venait d'arriver jusque dans le réfectoire lorsqu'elle se rendit compte que ce n'était pas une gardienne et même pas un gardien du tout : c'était Selyens.

- Alors décidée à retourner à la maison ma chère ? chuchota ce dernier en rentrant dans la cellule et en la refermant derrière lui.

Choquée, Alaïa regarda Selyens puis les trois filles dans une incompréhension totale. Selyens rigola doucement devant sa réaction et lui prit la main qu'elle s'empressa d'enlever de son emprise. Selyens fronça les sourcils devant ce mouvement de recul et dit :

- Tu dois te dépêcher c'est notre seule chance de rentrer à Psolea sinon tu resteras ici le restant de tes jours.

- Qui es-tu ? demanda Alaïa totalement perdue.

- Les présentations seront pour plus tard dépêches-toi Selyens on a du boulot après, nous, et plus vite tu la feras partir plus vite on pourra commencer et terminer, s'agaça Coulnao.

- Juste donne moi ta main, la pressa Selyens.

Alaïa hésitait et elle entendit Zhaganai chuchoter à Qith de le faire. Alors, Alaïa sentit sa main se soulever jusqu'à se retrouver dans celle de Selyens qui lui dit en souriant :

- Tu vois, ce n'était pas si compliqué.

Alaïa n'entendit plus rien après cela.
Elle sombrait.
Elle ne pouvait plus respirer.
Elle tentait de résister à reprendre son souffle tandis que tout était noir autour d'elle mais bientôt elle ne tint plus.
Elle devait prendre une inspiration et cela même si elle savait que cela aurait pour effet de la noyer.
Elle inspira pile au moment ou elle heurta brusquement le sol.

Elle avait avalé un peu d'eau et la recrachait tandis que ses genoux avaient pliés sous son poids et qu'elle était donc à quatre pattes dans un endroit sombre qu'elle ne reconnaissait pas.

Soudain, la lumière s'alluma et Denelea arriva. Cette dernière accourut vers Alaïa et lui tendit un petit flacon.

D'abord réticente Alaïa, fatiguée et déboussolée, finit par en boire le contenu et s'endormit paisiblement en ayant vaguement conscience qu'elle était de retour à Psolea.


PsoleaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant