Psolea

Chapitre 7

Alaïa avait du mal à imaginer à quel point les pouvoirs pouvaient rester mystérieux même pour ceux qui les possédaient et elle se demandait comment les sensibles faisaient pour supporter ces doutes ! Si une couleur pouvait en fait signifier un élément ou une émotion parmi de nombreuses possibilités Alaïa pensa qu'elle était définitivement chanceuse de ne pas être une sensible.

Elle ne savait pas quoi dire et Néréla repartit vers la porte en l'invitant d'un geste de la tête à la suivre. Sortant de sa chambre argentée Alaïa suivit Néréla en silence dans des couloirs de la même couleur que la pièce qu'elle venait de quitter. 

Les murs étaient totalement nus de décoration ce qui donnait à Alaïa  l'impression que les parois se rapprochaient d'elle inévitablement jusqu'à ce qu'elles puissent l'étouffer. Pour dissiper son malaise Alaïa brisa le silence sans même réfléchir à ce qu'elle comptait dire : 

- Pourquoi le gris et l'argent ? Vous ne m'avez pas parlé de cette couleur d'ailleurs, crut se souvenir Alaïa.

- En effet, approuva Néréla qui marchait à ses côtés légèrement devant pour la guider. Le fait est, reprit-elle, que cette couleur que vous observez partout est la couleur neutre des sensibles. Persécutés par les non-sensibles nos aïeux ont cachés leurs pouvoirs et certains les ont même perdus en tentant de se protéger. Leurs couleurs attribuées changèrent et ce ne fut plus que des cercles gris sans contours. Leurs corps avaient en fait décidés de camoufler leurs pouvoirs pour les préserver des dangers et ils étaient donc certes en relative sécurité mais ils étaient privés de ce qu'ils étaient d'où la nécessité de s'enfuir. Ainsi, lorsque certains réussirent à se réfugier quelque part dans les abysses de la Fosse des Mariannes où nous nous trouvons actuellement ils décidèrent de garder cette couleur comme rappel, comme rappel de ce que nous avons subis et comme rappel de la cruauté des non-sensibles.

Alaïa crut se souvenir que la Fosse des Mariannes était la fosse océanique la plus profonde connue et l'endroit le plus profond de la croûte terrestre dans la partie nord-ouest de l'océan Pacifique à l'est de îles Mariannes et qui reste assez méconnue. "L'endroit idéal" pensa admirativement Alaïa bien que l'idée de se trouver aussi profondément immergée ne l'enchantait toujours pas.

Les deux femmes arrivèrent devant un porte semblable à toutes les autres que Néréla ouvrit et cette fois-ci elle le fit avec sa main.

A l'intérieur se trouvait Hitsilas et un autre homme qu'Alaïa n'avait pas encore rencontrée. De la même taille que cette dernière il se présenta lorsqu'Alaïa arriva à sa hauteur comme se prénommant Telren. Telren avait les cheveux court et blonds légèrement plus foncés que ceux de Néréla. Ses yeux était marrons clairs et son expression indéchiffrable tandis qu'il s'était présenté sans même tendre la main à Alaïa.

Cet homme arrivait à mettre mal à l'aise Alaïa qui aurait préférée se retrouver uniquement en compagnie de Néréla et d'Hitsilas. Ce dernier se rendant compte du malaise d'Alaïa tenta de la distraire en expliquant la raison de cette réunion :

- Comme vous le savez, vous aller devoir chercher pour nous des sensibles dans votre monde. De ce fait vous allez devoir boire ceci, expliqua t-il en sortant de sa veste grise un flacon transparent dont le liquide se mouvait.

En effet, dans cette fiole qui devait contenir selon l'estimation d'Alaïa 250 mL de liquide ce dernier possédait un aspect très peu commun. Des amas de couleurs multicolores évoluaient dans le flacon, se touchaient ou s'éloignaient et même fusionnaient quelques fois. Bleu, rouge, vert, orange, jaune, violet et autres formaient des arabesques dont les limites semblaient blanches dans un liquide compact et noir.

- Il faut que je boive ça ? demanda Alaïa que la frayeur commençait à envahir et qui se remerciait mentalement de s'être soulagée plus tôt avant que Néréla n'arrive.

- C'est ce qu'Hitsilas vient de vous dire non, ricana Telren de sa voix grave, vibrante et dérangeante.

- Que va t-il se passer une fois que je l'aurais bu ? interrogea Alaïa en ignorant la précédente remarque.

- Dans le meilleur des cas vous aurez un mal de tête à tomber dans les pommes, commença Néréla.

- Et dans le pire ? chuchota Alaïa en regardant la fiole.

- Dans le pire vous mourrez, ricana de nouveau Telren.

Tandis qu'Alaïa reculait d'un pas de frayeur Hitsilas prit la parole :

- Non, nous ne savons pas ce qu'il pourrait arriver dans le pire des cas.

- Ah oui ? s'étonna faussement Telren. Et que faites vous des dizaines de non sensibles morts après avoir bu cela.

Alaïa avait les yeux fermés et tentait de se concentrer sur sa respiration pour ne pas faire quelque chose qu'elle pourrait regretter tout en sachant qu'elle n'avait nulle part ou fuir.

- Nous avons réajusté la formule, affirma Néréla qui confirmait donc implicitement ce que Telren venait de dire.

"Meurtriers" était le seul mot qui venait à l'esprit d'Alaïa. Ils en avaient enlevés d'autres comme elle et ils étaient mort après avoir bu ce liquide étrangement affreux. 

- Donnez moi cela, s'entendit dire Alaïa avant d'ouvrir les yeux et de répéter plus fort, donnez moi ce contenant ! 

Hitsilas afficha une expression de surprise et ne bougea pas pendant quelques secondes si bien qu'Alaïa partit chercher la fiole dans ses mains et recula en débitant les paroles suivantes qui trahissaient son emportement qui dominait sa peur : 

- J'espère que je mourrai après l'avoir bu et j'espère surtout que vous renoncerez par la suite à vous servir d'une personne comme moi pour accomplir je ne sais quelles tâches dangereuses que vous devriez pouvoir faire vous-même si vous êtes si puissants ! J'espère mourir comme cela je n'aurait pas à vous aider ! finit donc d'exploser Alaïa avant d'avaler d'une traite le liquide.

Elle n'eut pas le temps de se dire que son action était stupide et très irréfléchie qu'elle commença à voir flou. Sa tête lui tournait et elle avait l'impression que n'importe quel élément de la pièce unicolore lui agressait les yeux. Elle avait du mal à déglutir et semblait étouffer alors que ses voix respiratoires n'étaient en apparence pas bouchées.

Comme elle s'y attendait aucune des trois personnes présentes dans la pièce ne bougèrent alors qu'elle se sentait succomber. 

Elle avait pensé la plupart des choses qu'elle avait dites mais elle aurait aimé vivre rien que pour s'assurer que, si les sensibles réussissaient à prendre leur revanche, ses parents ne seraient pas blessés.

Tant de gens innocents qui n'ont rien demandés et Alaïa s'inclut dans cette catégorie tandis qu'elle entendit les quelques mots qui suivent avant que l'obscurité ne l'emporte :

- Le pire, observa Telren.

- Ou le meilleur, contredirent à l'unisson Néréla et Hitsilas. 

- Optimistes, crut entendre Alaïa de la voix pleine de sarcasme de Telren.