Chapitre 11

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Alaïa  était dans une petite pièce dont les murs étaient constitués d'étagères sur lesquelles reposaient des livres. En fait, le caractère étriqué de la pièce ne permettait qu'à une seule table ronde accompagnée de quatre chaises de s'y tenir. 

Alaïa y avait pris place à la demande de Denelea qui l'avait conduite ici à la fin du repas, repas que Denelea avait pris une éternité à finir, cette dernière s'était assise sur la chaise en face de celle d'Alaïa et avait gardé le silence. 

Ce silence, Alaïa avait du mal à l'interpréter et elle commençait à se sentir embarrassée devant le regard fixe de Denelea sur sa personne. Denelea finit par bouger, non pas ses lèvres pour parler mais son corps pour se lever. 

Denelea se dirigea sans hésitation vers le mur à la gauche d'Alaïa et donc en face de la porte afin d'y prendre un ouvrage à la reliure grise. Denelea revint s'asseoir et avança le livre vers Alaïa de façon à ce que cette dernière puisse le voir mais sans l'inviter à le prendre car elle le plaça à exacte équidistance entre elles.

Le livre n'avait aucune écriture sur sa couverture : ni titre ni non d'auteur et alors qu'Alaïa se demandait pourquoi l'auteur préférait rester anonyme Denelea lui offrit sa réponse :

- Il est de moi mais ce n'est pas écrit car tout le monde le sait alors pourquoi indiquer quelque chose dont tout le monde à déjà connaissance ?

Alaïa ne répondit pas et Denelea reprit la parole toujours de sa voix douce mais ferme ce qui indiqua à Alaïa que désormais Denelea était la professeure et elle l'élève :

- Ceci est votre première interrogation alors répondez-moi :  pourquoi indiquer quelque chose dont tout le monde à déjà connaissance ?

- Pour plusieurs raisons je suppose, commença Alaïa se laissant ainsi le temps de réfléchir. Tout d'abord, cela permet de conforter cette connaissance commune mais aussi, je pense, faire en sorte que rien ne se perde. Une oeuvre signée, si l'on reprend l'exemple, permettra à toutes les générations de se souvenir de la vie de l'auteur même si la transmission du savoir venait à être brutalement interrompu par je ne sais quel phénomène.

- Ainsi la transmission serait différente du savoir ? Sans transmission le savoir n'existerait pas ?

- Ce n'est pas ce que j'ai insinué, affirma Alaïa un peu déstabilisée, mais je pense que quand on sait quelque chose avec certitude c'est que d'une certaine manière on nous a guidé sur cette voix.

- Alors lorsque l'on vous dit que l'eau est bleue vous n'irez pas vérifier qu'elle l'est car vous savez qu'elle le sera ?

- Oui, acquiesça timidement Alaïa alors persuadée d'avoir donné la mauvaise réponse.

- C'est là que repose votre erreur, l'eau pourrait tout aussi bien être noir, verte ou autres à cause de la lumière mais comme vous avez été habituée à la voir bleue vous n'irez pas plus loin. C'est exactement la même chose avec la Sensation. La Sensation c'est ce que vous ressentez lorsqu'un sensible se trouve à proximité de vous et vous la possédez grâce au liquide que l'on vous a fait boire mais il y a plus. Chaque Sensation est différente et son intensité varie d'une personne à l'autre. Des fois vous pourriez même ne pas la ressentir car la personne en face de vous l'atténue et c'est ce que je fais ou bien se sent vide.

- Vous pouvez atténuer votre..., commença Alaïa sans savoir comment qualifier cette émission qui produisait la Sensation.

- Oui je peux atténuer mon Essence jusqu'à ce que vous ne puissiez la ressentir.

- Alors pourquoi n'en ai-je ressenti aucune dans le réfectoire, tout le monde atténuait son Essence ? questionna Alaïa.

- C'est différent, vous ne ressentiez rien car vous êtes inentraînée et donc incapable d'en ressentir plus d'une à la fois.

- Comment peut-on s'entraîner à maîtriser quelque chose d'invisible ? se mit à désespérer Alaïa.

- Tout d'abord en ne partant pas négative comme cela, dit Denelea en souriant avant d'affirmer plus sérieusement et presque durement, et surtout en acceptant la différence que sépare et représente votre peuple du notre.

Mais Alaïa faisait-elle vraiment encore partie de "son peuple" ? Non-sensible on lui avait donné la Sensation et elle avait désormais l'impression de n'appartenir à aucun des deux camps. Plus que jamais elle avait envie de retourner chez ses parents, dans sa chambre, dans le silence de ses habitudes et elle se demanda si elle pouvait vraiment retourner chez elle si elle le désirait ou si on lui avait dit cela dans le but de la rassurer.

 - Je l'accepte mais vous, comment pouvez-vous accepter de m'expliquer ces choses alors même que mes ancêtres ont participé à votre perte ?

Denelea soupira longuement avant de répondre :

- Nous ne sommes pas nos ancêtres et bien que la plupart des sensibles possèdent un esprit de revanche s'étendant à tous ceux résidant à la surface pour ma part j'estime que les seuls qui doivent payer ce sont les sensibles et leurs descendants qui ont décidés de nous bannir et qui se cachent au milieu des non-sensibles.

- Sont-ils nombreux, je veux dire les sensibles à la surface ?

- Ils représenteraient jusqu'à une personne sur quatre au sein de votre population donc oui, confirma Denelea sans aucune émotion sur son visage.

- Je ne comprends vraiment pas pourquoi tous les êtres se battent entre eux en permanence, déplora innocemment Alaïa plus pour elle-même que pour Denelea.

- Cela est venu d'une querelle de succession mais là n'est pas le sujet je suis ici aujourd'hui pour vous enseigner la théorie de la Sensation. Je ne veux pas vous donner beaucoup d'information car j'attends votre premier cours demain avec Néréla pour savoir comment me positionner dans votre enseignement. Alors ma question est : avez vous déjà ressenti quelque chose de semblable à une Essence ?

- Je pense que oui, dit Alaïa se référant à sa dernière entrevue avec Hitsilas. C'était en fait comme si quelque chose en moi avait détecté quelque chose chez la personne ou bien que ces deux choses s'étaient rencontrées et que cela m'avait envoyé un message invisible.

- Vous n'avez eu qu'une fois l'expérience de la Sensation ?

- Oui, dit Alaïa en omettant l'impression qu'elle avait pu avoir lorsqu'elle était encore malade.

- Très bien dans ce cas notre cours se termine ici voici une montre qui vous permettra de vous repérer dans le temps.

Alaïa prit la montre et vit qu'elle ne possédait pas un système basé sur douze heures mais sur vingt-quatre !

- Nous nous sommes adaptés afin de nous reconstruire, et comme nous n'avons de toute façon pas de lumière naturelle à ces profondeurs nous avons décidés de rallonger les journées. Ainsi, alors qu'à la surface les habitants ont déjà passé deux journées et deux nuits nous n'avons fait qu'une journée et une nuit.

C'était impressionnant de changer ainsi des rythmes de vie et Alaïa pensait à comment elle allait pouvoir s'adapter à ce système horaire.



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