Chapitre 10 : Attente

913 29 14
                                    

Jeudi 18 juillet 2019, Hôpital de Silverstone, 14h46 :

PDV Esteban :

5ème jour, et toujours pas de réveil.

Des évolutions, comme le fait qu'il n'a plus besoin d'aide respiratoire, mais toujours rien.

Je prends l'air dehors après avoir passé toute la matinée dans le couloir de l'hôpital à attendre et passer des appels. J'étouffe entre ces murs blancs qui m'aveuglent presque.

Il faut dire que ces derniers jours ont été compliqués : dimanche, après avoir passé une heure au chevet de Pierre, nous avons dû sortir pour laisser les médecins faire un bilan.

En attendant, il a fallu décrocher le téléphone : Charles s'est occupé des parents de Pierre qui avaient déjà appelé l'hôpital une cinquantaine de fois au moins, et il a aussi appelé sa mère et ses deux frères, Lorenzo et Arthur, pour leur assurer qu'il allait bien et leur expliquer pour son meilleur ami, puisqu'ils se connaissent très bien entre eux.

Moi, j'ai appelé Anthoine et les quatre grands demis-frères de Pierre : je ne sais pas qui a été le plus dur à gérer ... Tonio, tellement hors de lui à cause de l'accident, en a profité pour me passer un gros savon sur ma dispute, même si je lui ai dit que ce n'était pas le moment.

Quand à Nicolas, Cyril, Philippe et Paul ; je ne savais pas qu'ils étaient tous les quatre ensemble ... surtout que j'ai dû appeler en premier sur le portable de Phil, qui a comme qui dirait une dent contre moi et à qui je dois une fière chandelle ... Et comme ils savent tous plus ou moins que Pierre et moi sommes brouillés, ça n'a rien arrangé.

Ils ont tous été choqués par ce que je leur ai raconté, tellement que Cyril m'a demandé sèchement si je leur faisais une mauvaise blague. Anthoine s'en ait voulu de ne pas être resté plus longtemps dans le pays après sa course de Formule 2, mais il ne pouvait rien prévoir ...

J'ai quand même tenté de demander à ses frères s'il s'était passé quelque chose avec lui pour mieux comprendre la situation, mais ils m'ont durement fait savoir que je n'avais pas à me fourrer dans leur vie, ce à quoi j'ai répondu sur le même ton que ce n'était pas ce que je voulais dire ...

Les deux parties m'ont fait jurer de les appeler tous les jours (même si c'était évident pour moi), tandis qu'ils allaient prévenir d'autres proches.

Après ça, j'ai rejoint Charles au bout du couloir :

Souvenirs du 14 juillet, 17h08, Hôpital de Silverstone :

PDV Esteban :

« Alors, Jean-Jacques et Pascale ? » je demande en posant une main sur son épaule.

Charles se retourne vers moi, les yeux vifs et s'adosse contre le mur :

« À ton avis ?! Choqués, ultra inquiets, tristes, alarmés, secoués ... ils se sentent fautifs de ne pas avoir remarqué ...» me répond-il sèchement, avant de souffler un bon coup et de reprendre, d'une voix plus incertaine : « Ils ne nous en veulent même pas, à moi et Max !! Je me suis excusé mille fois, et j'ai même passé le tel à Max qui leur a parlé avec les notions de français qu'il a pour dire qu'il était désolé, ils nous ont dit que ce n'était pas de notre faute !! Pourtant, ON L'A MIS DEHORS ... »

« Mais tu n'as pas tout fait, Charles ! »

Je prends une pause pour que Charles se calme un bon coup, avant de reprendre :

« Ils sont encore plus incertains que nous, ils doivent prendre conscience d'un coup et ce n'est pas simple ! Ils doivent se poser pleins de questions, et tout ce que tu leur dis pour l'instant en dehors de leur réflexion ne leur vient pas tout de suite ! Il faut les laisser se poser pour tout enregistrer, je pense qu'ils veulent simplement que leur fils aille bien en ce moment. Peut-être que plus tard, ils vous en voudront pour cet accident, mais ils savent dans un coin de leur tête que cela peut arriver, le sport n'est pas sans risques. Un problème mécanique, une trop grande vitesse, un accrochage ... on n'est jamais à l'abri ! Et ça, même si la sécurité a beaucoup évolué ! Alors, le mieux que tu puisses faire, c'est attendre que Pierre se réveille, en espérant que cela ne prenne pas trop de temps, et rester près de lui pour l'instant, sachant qu'il n'a que des proches ici, et ce sont des amis, comme toi. »

Tout n'est pas perdu...[Formule 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant