Il m'a assuré toute la journée qu'il ne m'en voulait pas et que ça ne changerait rien dans notre amitié. Mais je suis un peu perdue. Depuis que je l'ai revu, j'ai l'impression d'être à nouveau entière, comme si j'avais laissé un poumon à L.A. et que je le retrouvais enfin. Mon cœur bat fort quand je suis à côté de lui. Je me pose de plus en plus la question, en le regardant : est-ce que je suis amoureuse de lui ? Mais comme je ne trouve jamais de réponse satisfaisante, je prends ça pour un non, et je laisse tomber. Il est heureux de me retrouver, je le vois dans son sourire. Mais parfois, quand il me regarde et qu'il croit que je ne le vois pas, il a un air triste. J'ai dû le blesser très profond pour qu'il continue à être triste, presque trois semaines après. Les chagrins normaux ne durent jamais si longtemps.
Je me demande comment ça aurait été si j'étais devenue son amoureuse. On se serait tenu la main ? Sans doute, mais pas comme quand on le fait pour emmener l'autre quelque part, comme le jour où il avait un MP3. On se serait tenu la main comme dans les films, avec les doigts mélangés, et les autres ils se seraient dit qu'on était mignons tous les deux ensemble. La seule chose dont je suis sûre, c'est que jamais on ne se serait embrassés, je n'aurais pas voulu, c'est bien trop dégoûtant.
« Je vais aller à un concert de mon papa, la semaine prochaine », dit-il un matin.
« That's nice ! »
« Oui. Je suis son plus grand fan ! Même qu'il me laisse jouer de la guitare avec ses guitares à lui. »
Je souris. Une phrase aussi enfantine ne lui ressemble pas trop.
« Tu voudras venir avec moi au concert ? »
J'hésite une seconde. Ça sera l'occasion de passer un peu plus de temps avec Bing, mais je me souviens d'Uprising et je ne veux pas écouter de la musique que je n'aime pas pendant plusieurs heures, même si je suis à côté de Bing.
Je secoue finalement la tête, m'efforçant de prendre un air désolé.
« My mother will not let me go with you. » D'un certain côté, ce n'est pas vraiment un mensonge...
Il croise les bras. Je l'ai agacé. Il aurait voulu que je dise oui, ça se lit sur son visage. Mais il ne dit rien, et sa mauvaise humeur subite est très vite oubliée.
— Une fenêtre.
— A window.
— Un mur.
— A wall.
Il me fait répéter « a window » avant de hocher la tête. Il est bien silencieux aujourd'hui, je me demande à quoi il pense. Son regard se perd à nouveau dans le vide.
« Pourquoi tu ne laisses pas pousser tes cheveux ? »
Il prend un air étonné en lisant. Parce que j'ai écrit en français, ou parce que ma question le surprend ?
« Parce que les autres se moqueraient de moi à nouveau. »
« Je te défendrai. »
Il rigole. Je n'aime pas son rire, cette fois, j'ai l'impression qu'il se moque de moi.
« Tu veux bien essayer ? » insisté-je. Je ne veux pas qu'il reste avec une coupe qu'il n'a pas choisie, juste pour que des gens idiots lui fichent la paix.
Il hausse les épaules avant de finalement lâcher un « oui » résigné. À force, il sait que je suis têtue et que je ne lâcherai pas l'affaire avant d'avoir eu ce que je veux. Je lui souris, il me sourit, et on se remet à marcher pour réciter les mots qu'on connaît.
Avant de se quitter à la fin des cours, je le sens glisser un truc dans ma poche.
•••
Maman rentre plus tard que prévu ce soir-là. Elle a l'air épuisée. Elle s'effondre dans le canapé, ferme les yeux et me demande dans un souffle de lui apporter un verre d'eau. Elle s'étrangle en le buvant, recrache la moitié de sa gorgée. Je n'ose pas lui demander ce qu'il s'est passé au travail. Elle n'est encore jamais revenue dans cet état.
— Leo, s'il te plaît, va te coucher.
Il est vingt heures à peine mais je ne dis rien, je monte dans ma chambre sans un mot. Je me souviens (enfin) du paquet que Bing a mis dans ma poche quelques heures plus tôt, et je vais à mon manteau pour l'en sortir.
C'est un MP3, avec des écouteurs. Je reste bouche bée. J'allume l'appareil pour regarder les musiques qu'il y a : toutes celles que je lui ai dit que j'aimais, quand on était dans les toilettes avec sa musique. Rien de Muse, sauf Exogenesis. Je mets un écouteur, et me mets à sourire quand les premières notes éclatent comme des bulles dans mon oreille.
Je ferme les yeux, et me laisse bercer par la musique, envahie par l'image des yeux bruns de Bing.
Et là, à moitié allongée sur mon lit, pensant à lui, la réalité me frappe de plein fouet : je l'aime.
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J'espère que vous avez la référence à Eleanor & Park :)
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Beurk, l'amour
RomanceIl est arrivé en cours d'année, personne ne sait vraiment pourquoi. Il avait la tête baissée, alors on ne voyait presque rien de son visage, ses cheveux recouvraient tout. Il était avec son père, et quand elle a vu ce monsieur, la maîtresse a dû se...